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quelquefois sa fortune à la crainte du ridicule. Sans avoir les caractères du vice, il est moins pardonné que lui par le public; par la raison qu'il a pour principe un amour-propre mal fondé et mal dirigé.

RIGORISME. PHILOSOPHIE, MORALE. Profession d'une morale austère; censure impitoyable, qui transforme souvent les imperfections en crimes, et dont les caractères sont plus effrayants qu'estimables. Ce n'est point par les rigueurs qu'on peut espérer de faire aimer la vertu : un front sévère ne persuade point; les traits d'un visage serein, le discours qui encourage, l'aménité qui répand des fleurs sur les routes épineuses, sont bien plus efficaces que le rigorisme.

RIGUEUR. PHILOSOPHIE, MORALE. Sévérité, dureté, inflexibilité que rien ne désarme, exactitude sévère. La rigueur n'est excusable que dans les circonstances où il s'agit de l'intérêt général; dans toute autre circonstance on doit éviter de l'employer par égard pour les faiblesses auxquelles est sujette l'humanité.

RIRE. PHYSIOLOGIE. Phénomène physiologique au moyen duquel les divers sentiments qui affectent l'âme, mais surtout ceux qui ont rapport aux passions gaies, viennent se peindre sur le visage, et dont les nuances varient autant que la diversité de ces sentiments.

Le rire est un mouvement convulsif des muscles respirateurs et vocaux, accompagné de l'expression faciale gaie, et suivi d'un son. Il consiste dans la succession d'un certain nombre de petites expirations bruyantes, diversement modulées, dans lesquelles l'air expiré, en traversant le larynx, donne naissance à un son, et qui sont accompagnées d'une déduction extraordinaire et forcée de la bouche, avec épanouissement générale des traits de la face. Le rire est un phénomène particulier à l'homme, lui seul l'éprouve : il ne paraît jamais, du moins d'une manière évidente, sur les animaux. C'est un privilége que la nature a voulu accorder à l'homme seul, non-seulement comme un embellissement, une perfection de plus pour sa figure, mais encore comme un puissant auxiliaire pour la parole, capable de prêter plus de charmes aux rapports sociaux.

Le rire appartient au langage affectif; on le voit survenir irrésistiblement à la suite de beaucoup d'opérations de notre esprit et de notre âme; sa puissance est immense, et il est peu de phénomènes expressifs qui se produisent aussi souvent, qui

remplissent mieux leur but, celui d'accuser audehors l'état intérieur de l'âme. On le regarde généralement comme l'expression des affections gaies; mais son domaine est bien plus étendu : il sert l'esprit comme le cœur, la pensée comme le sentiment; il succède à une idée comme à une affection; et, du reste, il n'est pas toujours facile de dire ce qui l'excite. C'est peut-être plus le ridicule que la joie qui le détermine; on peut toujours dire pourquoi l'on est joyeux, et l'on ne peut pas toujours dire pourquoi l'on rit; on rit souvent malgré soi, et même quand on est en proie à la douleur la plus vraie toutefois, il est peu de mouvements de l'esprit et du cœur qu'il n'exprime, et il n'est pas de nuance qu'il ne puisse faire sentir.

RIVIÈRES. Voyez FLEUVES.

ROCHES. GÉOLOGIE. On donne le nom de roches, en minéralogie, à toutes les substances minérales dont se compose le globe terrestre. Ces masses reposent l'une sur l'autre, de façon qu'une roche est recouverte d'une autre d'une espèce différente, celle-ci d'une troisième d'une autre nature, etc. Un grand nombre d'observations ont démontré que l'ordre de superposition des roches est constant, et que chacune d'elles a sa place toujours fixe dans l'ordre régulier des couches, depuis la surface de la terre jusqu'à la plus grande profondeur qu'on ait creusée pour s'en convaincre. Cependant les roches ne sont pas toujours placées horizontalement les unes au-dessus des autres, les couches qui les composent sont souvent très-inclinées; ce qui prouve que postérieurement au dépôt des roches, la croûte solide de notre globe a éprouvé des bouleversements qui ont brisé les couches et changé leur position.

On divise en deux séries les corps inorganiques qui entrent dans la composition de la croûte extérieure de la terre : la première renferme tous les corps inorganiques naturels, homogènes ou d'apparence homogène; ce sont les minéraux simples et les roches homogènes. La seconde série renferme les masses minérales résultant de l'association en proportions à-peu-près déterminables des minéraux simples; ce sont les roches composées ou hétérogènes.

Les roches qui, par leur réunion, constituent la partie solide de notre planète, ne se présentent poiut en masses informes; on y remarque presque toujours une structure particulière, à laquelle on a donné différents noms. La plus grande partie des masses minérales sont composées de couches parallèles entre elles, mais dont l'épaisseur varie dans

la même masse; c'est ce qu'on appelle des stratifications; ainsi chaque couche se nomme une strate. Les roches qui ont la propriété de se diviser en lames ou feuillets, ont reçu le nom de roches schisteuses. Beaucoup de roches présentent des formes prismatiques ; telles sont les roches basaltiques. Celles dont la substance est formée d'un nombre infini de sphéroïdes plus ou moins gros ont reçu le nom d'oolitiques, etc.

Les roches présentent souvent des cavités sphéroïdes, remplies par des minéraux d'une autre nature, auxquelles on donne le nom de géodes. Ces sphéroïdes sont toujours plus ou moins creux, et l'intérieur est tapissé de cristaux plus ou moins parfaits. Les substances qui se trouvent le plus communément en géode, sont le quartz hyalin et la chaux carbonatée.

Un des plus habiles minéralogistes, Werner, a rangé les roches d'après le rang respectif qu'elles occupent dans la croûte terreuse du globe. Ainsi, celle qu'il a constamment trouvée au-dessous de toutes les autres, et jamais au-dessus d'aucune, a été présentée par lui comme ayant été la première formée; aussi l'a-t-il nommée roche primitive ou de première formation. Les diverses roches ou espèces qui sont comprises dans cette classe ont une apparence cristalline qui semble annoncer qu'elles sont le produit d'une opération chimique. Leurs principes constituants sont les terres argileuses, magnésiennes et siliceuses. Ces roches, d'après leur superposition ou leur rang d'ancienneté, occupent le rang suivant:

Granit.

Gneiss.

Schiste micacé.

Schiste argileux.

Porphyre primitif le plus nouveau. Siénite.

Serpentine plus nouvelle.

Roches de transition. Cette classe de roches repose immédiatement sur la classe des primitives; elle se compose principalement des substances chimiquement produites. Dans les plus anciennes parties, on trouve des dépôts en très-petites quantités, et qui sont produits mécaniquement. Des constituants de cette classe de roches, le calcaire primitif est le plus abondant; ensuite viennent la grauwacke, la grauwacke schisteuse, le calcaire de transition, etc.

Roches secondaires ou stratiformes. Elles recouvrent celles de transition. Dans cette classe, la proportion des productions chimiques décroit,

tandis que celle des dépôts mécaniques augmente. Les parties constituantes de cette classe sont la pierre calcaire, le grès, la chaux sulfatée, le sel gemme et les grandes houillères.

Roches tertiaires ou d'alluvion. Elles reposent sur les précédentes; elles sont formées presque en entier de dépôts mécaniques. Les principales substances en masses ou terreuses qui les constituent sont l'argile et les diverses glaises, la bouille et le sable.

Roches volcaniques. Les roches de cette classe sont les moins anciennes de toutes. Ce sont les différentes espèces de laves et de tufs qui en produisent toutes les variétés. Voyez VOLCANS, GEOLOGIE, MINERALOGIE.

ROI. POLITIQUE. Premier officier de la nation, chef du gouvernement. Ce titre signifie la même chose que gouverneur, celui qui régit, qui goo

verne.

En France, la royauté n'est que la première des fonctions publiques. Le roi porte le titre de roi des Français; il est le chef du gouvernement de l'état, et non le chef de l'état : cette distinction est essentielle. Tous les citoyens qui composent l'état sont égaux; il n'y a parmi eux ni premier ni dernier : l'état ne peut donc avoir de chef. Le roi est le président héréditaire du pouvoir exécutif.

Le roi ne règne que par la loi, et ce n'est qu'au nom de la loi qu'il peut exiger l'obéissance.

Ollis salus populi suprema lex esto: le bien du peuple est la souveraine loi. C'est aussi la maxime générale que les princes doivent avoir toujours devant les yeux, puisqu'on ne leur a conféré l'autorité souveraine qu'afin qu'ils s'en servent pour procurer et maintenir le bien public, qui est le bien naturel des sociétés civiles. Ainsi ils ne doivent rien regarder comme avantageux à euxmêmes, s'il ne l'est aussi à l'état.

ROMAINE. PHYSIQUE. Sorte de balance dout le point de suspension se trouve plus près d'une extrémité que de l'autre, et à laquelle on adapte un poids mobile le long de la grande branche ou du grand levier. Voyez Balance.

ROMAN. BELLEs-lettres. Récit fictif de diverses aventures merveilleuses ou vraisemblables de la vie humaine.

On comprenait autrefois sous le nom de romans non-seulement ceux qui étaient écrits en prose, mais plus souvent ceux qui étaient écrits en vers. Aujourd'hui on appelle proprement romans des histoires feintes d'aventures amoureuses, écrites en

prose avec art, pour le plaisir ou pour l'instruction

des lecteurs.

Les bons romans sont l'histoire du cœur humain. Il serait donc à désirer que leur composition ne tombât qu'entre les mains d'honnêtes gens sensibles, et dont le cœur se peignît dans leurs écrits; à des auteurs, hommes de goût, qui ne fussent pas au-dessus des faiblesses de l'humanité, qui ne démontrassent pas tout d'un coup la vertu dans le ciel, hors de la protée des hommes, mais qui la leur fissent aimer en la peignant d'abord moins austère, et qui ensuite, du sein des passions, où l'on peut succomber et s'en repentir, sussent les conduire insensiblement à l'amour du bon et du bien. Les romans pourraient être aussi utiles qu'ils sont généralement nuisibles; l'on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que, quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l'entoure, ne trouvant que des sujets indignes ou fort au-dessous de ce qu'elle vient d'admirer, on doit s'étonner qu'elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse.

D'ailleurs on aime les romans sans s'en douter, à cause des passions qu'il peignent et de l'émotion qu'ils excitent. Nous nous plaisons à y retrouver l'empreinte de nos sentiments dans les diverses situations de la vie; il nous est doux d'interroger nos souvenirs, et de leur redemander les impressions qui ont agité nos âmes de crainte ou d'espoir, de plaisir, ou même de douleur; car la douleur qu'on n'éprouve plus alors qu'on la raconte n'est pas dépourvue de charmes. On peut par conséquent tourner avec fruit cette émotion et ces passions; on réussirait d'autant mieux, que les romans sont des ouvrages plus recherchés, plus débités, plus avidement goûtés que tout ouvrage de morale, et autres qui demandent une sérieuse application d'esprit. Eu un mot, tout le monde est capable de lire des romans, presque tout le monde les lit, et on ne trouve que peu de personnes qui s'occupent de sciences abstraites et de morale.

ROMANCE. BELLES-LETTRES. Vieille historiette écrite en vers simples, faciles et naturels, divisée par stances, et dont la naïveté est le principal caractère. Ce poëme se chante, et la musique française est une de celles qui lui conviennent le mieux. BEAUX-ARTS. En musique, on nomme romance un air sur lequel on chante un petit poëme du même nom, divisé par couplets, et dont le sujet est, pour l'ordinaire, quelque histoire amoureuse et souvent tragique. La romance doit être écrite d'un style

simple, touchant, et d'un goût un peu antique; l'air doit répondre au caractère des paroles, point d'ornement, rien de maniéré, une mélodie douce, naturelle, champêtre, et qui produise son effet par elle-même, indépendamment de la manière de la chanter.

RONGEURS. HISTOIRE NATURELLe. Septième ordre de mammiferes. La famille des rongeurs comprend un très-grand nombre de genres, qu'il est facile de reconnaître au premier coup d'œil; car le plus grand nombre présente en avant deux dents incisives tranchantes à chaque mâchoire, puis un intervalle sans laniaires, et des dents molaires plates. Leurs pieds de derrière sont en général plus longs que les antérieurs. Ils se nourrissent principalement de matières végétales, et leur estomac est simple, quoique leur ventre soit très-gros et leurs intestins volumineux.

ROSÉE. PHYSIQUE, MÉTÉOROLOGIE. La rosée est une petite pluie fine, qui tombe quelquefois sans que l'on aperçoive le moindre nuage au ciel; au contraire même, on a remarqué que plus les nuits sont calmes et sereines, plus la rosée est abondante. La rosée n'est autre chose que l'amas du serein joint aux vapeurs que la terre exhale la nuit dans les grandes chaleurs. Ces vapeurs ne peuvent beaucoup s'élever, parce que la fraîcheur de la nuit les condense. Dès l'approche du jour, l'atmosphère se réchauffe par le soleil; alors l'air qui les soutenait, venant à se dilater, les abandonne et les laisse tomber en gouttes. Un exemple familier fera saisir aisément ce phénomène. Lorque l'air est saturé d'humidité, et qu'il vient à toucher un corps plus froid que lui, toutes les parties de cet air qui se touchent, déposent dessus toute la quantité d'humidité qu'elles retenaient à une température plus élevée que celle à laquelle elles ont été abaissées par le contact du corps froid. C'est ce que nous voyons lorsqu'en été, par un temps chaud, on sort une bouteille de la cave; on sait que dans ce cas elle se couvre entièrement d'eau ; ce qui est dû à ce que la bouteille étant plus froide que l'air dans lequel on la transporte, elle précipite toute l'humidité que l'excès de la température avait fait perdre à cet air. La formation de la rosée a précisément la même origine; les corps sous lesquels elle se présente sont devenus plus froids, pendant l'absence du soleil, que l'air dans lequel ils sont; et, comme cet air se trouve toujours saturé d'une certaine quantité d'humidité, il vient la déposer sur les corps refroidis.

La rosée ne se dépose en grande quantité que pendant les nuits calmes et sereines. On en aperçoit quelquefois des traces dans les nuits couvertes, s'il ne fait pas de vent, et malgré le vent, quand le ciel est clair; mais il ne s'en forme jamais sous les influences réunies du vent et d'un ciel sombre. Dans les nuits également calmes et sereines, la rosée se précipite cependant en quantité très-inégale. En général, tout ce qui augmente l'humidité de l'air favorise la production de la rosée. La rosée est plus abondante au printemps, et surtout en automne, qu'en hiver; il est à remarquer que c'est dans ces saisons que la température du jour et celle de la nuit diffèrent le plus, et qu'un plus grand abaissement de température rapproche davantage l'air du point de saturation. La rosée se forme pendant toute la nuit ; mais, à parité de circonstances, il se forme moins de rosée entre le coucher du soleil et minuit, qu'entre minuit et le lever; il faut encore remarquer qu'en général cette dernière partie de la nuit est plus froide que la première.

On doit à M. Bénédict Prevost l'explication de plusieurs phénomènes qui ont du rapport avec la rosée nous ne parlerons que de quelques-uns. Tout le monde a remarqué que, lorsque l'air externe se refroidit la nuit, les vitres des fenêtres se couvrent d'humidité intérieurement, et que le contraire arrive si l'air du dehors est devenu plus chaud que celui de l'intérieur. Voici maintenant ce qu'a observé M. Prevost. Si l'on colle sur la surface du côté de l'air froid de l'un des carreaux une lame de métal poli, il ne se déposera que peu ou point d'humidité du carreau en contact avec l'air chaud, correspondant à l'armure métallique, tandis que le reste sera couvert de rosée. La lame métallique, placée sur la face contiguë à l'air froid, réfléchit vers l'air chaud intérieur qui tend à sortir, et empèche ainsi le carreau de verre de se refroidir. L'humidité doit donc moins s'y déposer que partout ailleurs. Si la lame métallique est placée sur la face contigue à l'air chaud, l'humidité ne se nontrera nulle part en plus grande abondance que sur la portion du carreau qu'elle couvre. Elle repousse dans l'intérieur toute la chaleur rayonnante qui tendrait à s'introduire de ce côté dans le verre, et dont l'effet serait de maintenir sa température, tandis qu'elle n'empêche pas l'autre face de se refroidir par voie de rayonnement de communication. Si les deux masses d'acier conservent longtemps l'effet de leur température actuelle, l'effet de la communication l'emporte sur celui de rayonnement, et l'humidité se dépose partout. - Beaucoup de personnes ont pu remarquer que le froid

en hiver est plus vif le soir que pendant le jour, par un temps serein que par un ciel couvert de nuages : l'explication de ce phénomène rentre dans celle donnée plus haut pour la rosée; il est encore tout simple que le froid soit moins grand sous un abri quelconque, sous un arbre, sous un parapluie, qu'à l'air libre. On sait que les jardiniers couvrent d'une natte mince les pêchers, les abricotiers et d'autres plantes délicates, pour les défendre de l'action du froid. M. le docteur Wells a fait des expériences directes, qui montrent bien que la théorie de la rosée eût indiqué ce moyen s'il n'ëtait pas établi par un long usage. Ainsi un thermomètre placé sous un mouchoir, fixé à quelques pieds de hauteur sur des bâtons, marquait trois à quatre degrés plus qu'à l'air libre: c'est de la même manière que les arbres élevés défendent les vignes dans les hivers rigoureux.

La rosée se résout en vapeur par la chaleur, si elle n'est pas absorbée par les corps qu'elle touche; aussi est-elle dissipée dès que le soleil a un peu de hauteur sur l'horizon. Lorsque la rosée est prise de froid, elle devient gelée blanche; lorsqu'elle est très-abondante et que le soleil l'aspire, elle devient brouillard.

Il y a entre la rosée et le serein cette différence que celui-ci a lieu le soir, tandis que celle-là se manifeste principalement durant la seconde partie de la nuit et le matin. Voyez SEREIN.

ROUTES. INDUSTRIE, COMMERCE, ÉCONOMIE POLITIQUE. Nous avons renvoyé à cet article les études relatives aux voies de transport en général; nous traiterons donc, 1o de leur importance relativement à la création et à la distribution des riches ses; 2o des diverses espèces de voies de transport, et, jusqu'à un certain point, de leur construction. De toutes les questions d'intérêt matériel qui s'agitent en France en ce moment, celle des voies de transport tient le premier rang, à notre avis; car celle des douanes lui est subordonnée sous beaucoup de rapports, et il est démontré qu'an moins, dans l'état actuel des choses, le commerce de l'intérieur est plus considérable que celui d'exportation et d'importation. Il s'en faut de beaucoup cependant que cette grave question soit bien comprise, et la meilleure preuve (preuve douloureuse?) que nous puissions en donner, c'est que la question ne se résout point; elle ne se résoudra que quand la classe de la société qui fait ou fait faire la loi, comprendra toutes les conséquences d'un systeme de routes complétement organisé, et ne considérera plus comme sacrifiés les capitaux dont ce système

réclame l'avance. Il ne s'agit donc maintenant que de détruire ce préjugé, et ensuite, d'enseigner comment on fait des routes: tout se résoudra alors comme par enchantement.

Si les hommes n'étaient pas destinés à vivre en société, le globe qu'ils foulent offrirait à de misérables sauvages tout ce qui est nécessaire pour végéter à l'instar des animaux; le sol qui en général n'est pas assez compact pour s'opposer à la germination et au développement des plantes, est assez ferme pour supporter sans trop fléchir le poids de l'individu qui le parcourt; cet individu peut à la rigueur se jeter à la nage si une rivière l'arrête dans sa course vagabonde; et que lui importe d'ailleurs la droite ligne? ne peut-il se détourner, et remonter ou descendre le fleuve ? Quel intérêt l'appellerait au sud ou à l'est, plutôt qu'à l'ouest ou au nord ?

Mais l'homme est un être éminemment perfectible; ses besoins se multiplient l'un par l'autre dans une progression à laquelle il ne connaît pas de limites. Il cherche l'homme son semblable, pour le seul besoin de se rapprocher de son semblable, pour s'en faire un ami, un appui; trop souvent, hélas! pour le combattre! Il veut communiquer ses pensées, les étendre; il veut rendre son existence plus douce, se préserver des intempéries de l'air, jouir des produits variés des climats qui different du sien; il veut voir, enfin, admirer, et satisfaire ou du moins occuper l'insatiable curiosité qui l'agite et le dévore. C'est alors qu'une multitude d'obstacles l'arrêtent, et qu'il travaille à les vaincre. Avant tout, c'est sa faiblesse : ses organes out une puissance si bornée! Il dompte donc quelque animal sur lequel il s'élance, qui le porte, et qui décuple son activité. Se dirigeant de préférence vers tel point de l'horizon, il se fraie un sentier au travers des broussailles. Si un cours d'eau n'est pas guéable, il invoque le secours d'un voisin, pour abattre quelques arbres et construire un pont grossier. Mais quoi! une bête de somme ne peut porter que de faibles fardeaux, elle en traînerait de beaucoup plus pesants: une machine ingénieuse, trèssimple d'abord, plus parfaite, et plus compliquée bientôt, va exiger des sentiers plus larges; les eaux amolissaient ce chemin, et la marche était ralentie, que les routes se fassent done! Et les routes sont faites, et la civilisation se fait aussi. En sorte que le degré de civilisation d'un pays se mesurera pres

que

à la quantité et à la perfection des moyens de communication. Supposez l'absence totale de ces voies, et supposez en même temps un homme qui veut, en France, arriver à cent lieues d'un point

donné du territoire. Ce voyage sera hérissé de difficultés telles, que le voyageur mettra peut-être un an à l'effectuer, à moins que le hasard ne lui fasse atteindre l'arête de quelque grande ligne de partage entre les principales vallées, qu'il la suive constamment, et que les précipices et les anfractuosités le lui permettent. Est-il surprenant que dans les voyages de découvertes au milieu de contrées inconnues, on n'avance que de quelques lieues par jour ? Ne faut-il pas se faire jour au travers des forêts, remonter les grands cours d'eau, chercher l'issue des lacs? — Il n'y a ni routes, ni chemins, ni sentiers.

Le temps, les forces consommées au transport des denrées, s'estiment, s'évaluent, et forment une dépense qui, ajoutée aux dépenses de production d'un objet, le rendent d'autant plus coûteux. Moins on aura consommé de temps et de forces, plus cet objet sera à bas prix, avantage qui équivaut à un accroissement de richesse (voyez ce mot); d'où il suit que l'établissement des moyens de communication ne satisfait que la moitié tout au plus des besoins qui l'appellent, et qu'il faut, pour que tout soit en ordre, que ces moyens atteignent la plus grande perfection désirable. Deux villes sont distantes l'une de l'autre de cent lieues; il m'en coûte cent francs et dix jours pour parcourir l'espace qui les sépare; vient un homme de génie qui me fera faire ce voyage en quatre jours; quelle économie que ces six jours épargnés! ils sont comme ajoutés à mon existence, car j'en avais fait en quelque sorte le sacrifice. N'est-ce pas ensuite comme si les deux villes s'étaient rapprochées l'une de l'autre, et de la moitié de leur distance? Ce n'est pas tout.

Grâce à cette rapidité plus grande obtenue par l'amélioration des surfaces du chemin; grâce à l'économie dans l'emploi des forces de traction, voici que les produits de toutes les industries se transporteront en meilleur état, plus fraîches, d'un meilleur débit, pour moitié des dépenses antérieures. Qui sait? tandis que, sur le continent européen, tant d'individus sont réduits à parcourir de longues distances à pied, perdant un temps précieux, s'exténuant de fatigue, et dépensant plus encore que s'ils montaient en voiture, peut-être, dans une petite île voisine, fait-on monter en voiture les chevaux, les bœufs, les moutons, jusqu'aux porcs, pour parcourir économiquement quatorze lieues en une heure et demie * ! Toute dépense faite avec la certitude d'atteindre le but cherché:

*Sur le chemin de fer de Manchester à Liverpool.

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