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courage y fervoit de degrés pour parvenir aux honneurs; cependant fans parler des prodiges de valeur de Léonidas au pas des Thermopyles, où il périt avec fes trois cents Lacédémoniens, la fupériorité de Themiftocle fur Xercès & de Paufanias fur Mardonius, empêcha les Grecs de fuccomber fous l'effort des armes du plus puiffant roi de l'Afie. Les Journées de Salamine & de Platée furent décifives en leur faveur; & pour comble de gloire, Léotichides 'roi de Sparte & Xantippe athénien triompherent à MyCale du refte de l'armée des Perfes. Če fut le foir même de la journée de Platée, l'an du monde 3505, que les deux généraux Grecs, avant de donner la bataille de Mycale, dirent à leurs foldats, qu'ils marchoient à la victoire, & que Mardonius venoit d'être défait dans la Grece; la nouvelle fe trouva véritable, ou par un effet prodigieux de la renommée, dit M. Boffuet, ou par une heureuse rencontre; & toute l'Asie mineure fe vit en liberté.

Ce fecond âge eft remarquable par l'extinction de la plupart des royaumes qui divifoient la Grece ; c'eft auffi durant cet Age, que parurent fes plus grands capitaines, & que fe formerent fes principaux accroiffemens, au moyen du grand nombre de colonies qu'elle envoya, tant dans l'Afie mineure que dans l'Europe; enfin c'est dans cet âge que vécurent les fept hommes illuftres auxquels on donna le nom de Sages. Quelques uns d'eux n'étoient pas feulement des philofophes fpéculatifs, ils étoient encore des hommes d'état. Voy. l'article PHILOSOPHIE DES GRECS.

Troisieme age de la Grece. Plus les Grecs avoient connu le prix de leur union pendant la guerre qu'ils foutinrent contre Xercès, plus ils devoient en reffer rer les nœuds après leurs victoires; malheureufement les nouvelles paffions que le fuccès de Sparte & d'Athènes leur infpira, & les nouveaux intérêts qui fe formerent entre leurs alliés, aigrirent vivement ces deux républiques l'une contre l'autre, exciterent entr'elles une fuhefte jaloufie; & leurs querelles en devenant le principe de leur ruine, vengerent, pour ainfi dire, la Perfe de fes triftes défaites.

Les Athéniens, fiers des journées de

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Salamine & de Platée, dont ils fe donnoient le principal honneur, voulurent non-feulement aller de pair avec Lacédémone, mais même affecterent le premier rang, trancherent, & déciderent fur tout ce qui concernoit le bien général, s'arrongeant la prérogative de punir & de récompenfer, ou plutôt agirent en arbitres de la Grece. Remplis de projets de gloire qui augmentoient leur préfomption, au lieu d'augmenter leur crédit; plus attentifs à étendre leur empire maritime qu'à en jouir; enorgueillis des avantages de leurs mines, de la multitude de leurs efclaves, du nombre de leurs matelots; & plus que tout cela, fe glorifiant des belles inftitutions de Solon, ils négligerent de les pratiquer. Sparte leur eût généreusement cédé l'empire de la mer; mais Athenes prétendoit commander par-tout, & croyoit que pour avoir particuliérement contribué à délivrer la Grece de l'oppreffion des Barbares, elle avoit acquis le droit de l'opprimer à fon tour. Voilà comme elle fe gouverna depuis la bataille de Platée, & pendant plus de cinquante ans.

Durant cet espace de temps, Sparte ne fe donna que de foibles mouvemens pour réprimer fa rivale; mais à la fin, preffée par les plaintes réitérées de toutes parts contre les vexations d'Athenes, elle prit les armes pour obtenir justice, & Athenes raffembla toutes les forces pour ne la jamais rendre. C'est ici que commence la fameufe guerre du Péloponnefe, qui apporta tant de changemens dans les intérêts, la politique, & les mœurs de la Grece, épuifa les deux républiques rivales, & les força de figner un traité de paix qui remit les villes grecques-afiatiques dans une entiere, indépendance. Thucydide & Xénophon ont immortalifé le fouvenir de cette guerre fi longue & fi cruelle , par l'histoire qu'ils en ont écrite.

Tout faifoit préfumer que la Grece alloit jouir d'un profond repos, quand Thebes parut afpirer à la domination; jufque-là Thebes unie tantôt avec Sparte, tantôt avec Athenes, n'avoit tenu que le fecond rang, fans que l'on foupçonnåt qu'un jour elle prétendroit le premier. On fut bien trompé dans cette confiance. Les Thébains extrêmement

aguerris, pour avoir prefque toujours eu les armes à la main depuis la guerre du Pélopponnefe, & pleins d'un defir ambitieux qui croiffoit à proportion de leurs forces & de leur courage, fe trouverent trop ferrés dans leurs anciennes limites; ils rompirent avec Athenes, attaquerent Platée, & la raferent. Les Lacédémoniens irrités marcherent contr'eux, entrerent avec une puiffante armée dans leur pays, & y pénétrerent bien avant tous les Grecs crurent Thebes perdue; on ne favoit pas quelle reffource elle pouvoit trouver dans un feul citoyen,

Epaminondas que Cicéron regarde comme le premier homme de la Grece, avoit été élevé chez fon pere Polymne, dont la mailon étoit le rendez-vous des favans, & des plus grands maitres dans l'art militaire. Voyez dans Cornelius Nepos les détails de l'éducation d'Epaminondas, & fon admirable caractere. Ce jeune héros, defit totalement les Lacédémoniens à Leuctres, & leur porta mêine un coup mortel, dont ils ne fe releverent jamais. Après cette victoire, il traverfa l'Attique, paffa l'Eurotas, & mit le fiege devant Sparte; mais confidérant qu'il alloit s'attirer la haine de tout le Péloponnefe, s'il détruifoit une fi puiflante république, il fe contenta de l'humilier. Cependant ce grand homme, plein d'une ambition démesurée pour la gloire de fa patrie, vouloit lui donner fur mer la méme fupériorité, quand la fin de fes jours fit échouer un fi grand projet, que lui feul pouvoit foutenir. Il mourut d'une bleffure qu'il reçut à la bataille de Mantinée, où il avoit mis les ennemis en déroute.

minondas, il eut la même éducation
que ce héros, il y étoit en qualité d'ô-
tage, quand il apprit la confternation
des peuples de Macédoine par la perte de
leur roi Perdicas fon frere aîné, tué,
dans un combat contre les Illyriens. A
cette nouvelle, Philippe fe déroba de
Thebes, arriva dans fa patrie, réduit
les Péoniens fous fon obéiffance, ferma
la porte du royaume à Paufanias prince
du fang royal, vainquit les Illyriens
& fit une paix captieufe avec Athenes,
Enhardi par ces premieres profpérités,
il s'empara de Crénide que les Thafiens
avoient bâtie, & y ouvrit des mines,
dont il employa le produit à entrete-
nir un puiffant corps de troupes étran-
geres, & à s'acquérir des créatures.

Il avoit vifité les principales villes de la Grece, il en avoit étudié le génie, les intérêts, les forces, & la foibleffe. I favoit que la corruption s'étoit gliffée par-tout, qu'en un mot la Grece dans cette conjoncture fembloit ne demander qu'un maître. Convaincu de cette vérité, après avoir long - temps médité fon projet, & l'avoir caché avec une profonde diffimulation, il vainquit les Grecs par les Grecs, & ne parut être que leur inftrument. Démofthene leur parloit de l'amour de la gloire, de l'amour de la patrie, de l'amour de l'indépendance; & ces belles paffions n'exiftoient plus. Au lieu de s'unir très-étroitement, pour fe garantir d'un ennemi fi redoutable qui étoit à leurs portes, ils firent tout le contraire, & fe déchirerent plus que jamais par la guerre civile, qu'on nomima la guerre facrée.

Philippe vit avec plaifir cette guerre qui affoibliffoit des peuples dont il fe promettoit l'empire, & demeura neutre, jufqu'à ce que les Theffaliens furent affez aveugles pour l'appeller à leur fecours. Il y vola, chafla leur tyran, & fe concilia l'affection de ces peuples, dont l'excellente cavalerie jointe à la phalange macédonienne eut depuis tant de part à fes fuccès, & enfuite à ceux d'Alexandre. Au retour de cette entreprise, il s'empara du paffage des Thermopyles, fe rendit maître de la Phocide, fit déclarer amphiction général des Grecs contre les Perfes, vengeur, d'Apollon & de fon temple; enfin la vicElevé à Thebes chez le pere d'Epa-toire décifive de Chéronée fur les Athé

On vit alors la Grece partagée en trois puiffances. Thebes tâchoit de s'élever fur les ruines de Lacédémone; Lacédémone fongaoit à réparer fes pertes: Athenes, quoiqu'en apparence dans le parti de Sparte, étoit bien aise de voir aux mains fes deux rivales, & ne penfoit qu'à les balancer, en attendant la premiere occafion d'accabler l'une & l'autre. Mais une quatrieme puidance les mit d'accord, & parvint à l'empire de la Grece : ce fut Philippe de Macédoine, un des profonds politiques, & des grands rois que le hafard ait placés fur le trône.

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niens & les Béotiens, couronna fes au tres exploits. Ainfi la Macédoine juf qu'alors foible, meprifée, fouvent tributaire, & toujours réduite à mendier des protections, devint l'arbitre de la Grece. Philippe fut tué par trahifon à l'âge de 47 ans, l'an du monde 3648; mais il eut l'avantage de laiffer à fon fils un royaume craint & respecté, avec une armée difciplinée & victorieufe.

Alexandre n'eut pas plutôt pourvu au dedans de fon royaume, qu'il alla fondre fur les voisins. On le vit en moins de deux ans fubjuguer la Trace, paffer le Danube, battre les Getes, prendre une de leurs villes, & repaffant ce Reuve, recevoir les hommages de diverfes nations, châtier, en revenant, les Illyriens, & ranger au devoir d'autres peuples; de-là, voler à Thebes qu'un faux bruit de fa mort avoir révolté contre la garnifon macédonienne, détruire cette ville; & par cet exemple de févérité, tenir en bride le reste des Grecs qui l'avoient déjà proclamé leur chef.

Après avoir réglé le gouvernement de la Grece, il partit pour l'Afie l'an du monde 3650 avec une armée de trentehuit mille hommes, traverfa l'Hellefpont, & s'avança vers le Granique, où il remporta fa premiere victoire fur les Perfes. Enfuite il pouffa fes conquêtes jufqu'à Sardes qui fe rendit à lui; & parcourant la côte d'Afie, il continna de foumettre tout jusqu'à la Cilicie & la Phénicie: de-là revenant par l'intérieur des terres, il fubjugua la Pamphylie, la Pifidie, la Phrygie, la Pa. phlagonie, & la Cappadoce; il gagna la bataille d'Iffus, & bientôt après celle d'Arbelles, qui coûta l'empire à Darius. On fait la fuite de fes exploits. Ce prince conçut le deffein de conquérir les Indes, il s'empara des royaumes de Taxile & de Porus, it continua fa route vers l'Océan, arriva fur les confins du Carman, fubjugua les Cofféens, & mourut à Babylone l'an du monde 3660. S'il eft vrai que la victoire lui donna tout, il fit tout auffi pour fe procurer la victoire; & peut-être eft-ce le feul ufar. pateur qui puiffe fe vanter d'avoir fait répandre des larmes de joie à la famille quil avoit renversée du trône.

ce qu'il faut admirer le nombre incroyable de grands hommes qu'elle produifit, foit pour la guerre, foit pour les fciences, ou pour les arts. On trouvera dans Cornelius Nepos & dans Plutarque, d'excellentes vies des capitaines grecs du fiecle d'Alexandre; lifez-les, & les relifez fans ceffe.

Entre les poëtes, Efchile, Sophocle, Euripide, &c. pour le tragique; Eupolis, Cratinus, Ariftophane, &c. pour le comique, acquirent une réputation que la postérité leur a confervée, Pindare, malgré la ftupidité reprochée à fes compatriotes, porta l'ode à un degré fublime, qui a été plus admiré qu'imité.

Parmi les orateurs, on diftingue finguliérement Démofthene, Efchine, Ifocrate, Gorgias, Prodicus, Lyfias, &e.

Entre les philofophes, Anaxagore Méliffe, Empédocle, Parménide, Zénon d'Elée, Efope, Socrate, Euclide de Mégare, Platon, Ariftote, Diogene, Ariftippe, Xénophon, le même que le général & l'hiftorien.

Entre les hiftoriens, on connoît Hérodote, Ctéfias, Thucydide, &c. Voy. la fuite de cet article:

Le célebre Méthon trouva l'ennéadécatéride, ou la fameufe période de 19 années, découverte que les Athéniens firent graver en lettres d'or au milieu de la place publique. Voyez ENNE'ADECATE'RIDE.

Enfin, tous les artiftes les plus` célebres dont nous parlerons plus bas, fleurirent dans le troifieme âge de la Grece; âge incomparable qui fit voler la gloire de cette nation jufqu'au bout du monde, & qui la portera jufqu'à la fin des fiecles.

Quatrieme âge de la Grece. Alexandre mourut fouverain d'un état qui comprenoit la Trace, la Macédoine, l'Illyrie, l'Epire, la véritable Grece, le Péloponefe, les îles de l'Archipel, la Grece, afiatique, l'Afie mineure, la Phénicie, la Syrie, l'Egypte, l'Arabie, & la Perfe. Ces états toutefois n'étoient rien moins que conquis folidement; on avoit cédé aux forces, au courage, à l'habileté, ou fi l'on veut, à la fortune d'Alexandre; mais il n'étoit pas poffible qu'un joug fi nouveau & fi rapidement impofé, fût de longue durée: & quand ce moC'eft dans ce troifieme âge de la Gre-narque auroit eu un fils capable de lui

fuccéder, il y a lieu de croire qu'il n'au-mement à le feconder; cependant il

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roit pu long-temps contenir tant de peuples, fi différens de mœurs de langages, & de religions. Toujours eft - il fûr que la divifion ne tarda guere de fe mettre entre les prétendans à un fi vafte empire; auffi vit on que les principaux royaumes qui fe formerent des debris de la fortune de ce grand conquérant, au nombre de 12 ou 14, fe réduifirent enfin à trois l'Egypte, la Sirie, & la Macédoine, qui fubfifterent jufqu'à la conquête des Romains.

ne réuffit pas. Les Etoliens & Cléomene
roi de Lacédémone, s'opposerent fi for-
tement à fes vues "
qu'ils parvinrent
à les faire échouer. Enfin les Achéens
après avoir été défaits plufieurs fois,
appellerent Philippe II, roi de Macé-
doine, à leur fecours, & l'attirerent
dans leur parti, en lui remettant la for-
tereffe de Corinthe; c'eft pour lors què
ce prince déclara la guerre aux Etoliens's
on la nomma la guerre des alliées Jo-
ciale bellum; elle commença l'an 534
de Rome, & dura trois ans.

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Les Etoliens & les Athéniens réunis, mais également aveuglés par la haine qu'ils portoient au roi de Macédoine, inviterent Rome à les foutenir, & Rome ne gardant plus de mesure avec Philippe, lui déclara la guerre. Les anciennes injures qu'elle en avoit reques, & les nouveaux ravages qu'il venoit de Faire fur les terres de fes alliés, en furent un prétexte plaufible.

Cependant au milieu de tant de tronbles, les Grecs ne furent fe faire ref pecter de perfonne; & loin de profiter des divifions des Macédoniens, ils en furent les premiers la victime; on ne fongea pas même à les ménager, parce que la foibleffe ou la vengeance, d'Antipater les avoit réduit, les rendoit prefque méprifables. Leur pays fervit de théâtre à la guerre, & leurs villes furent en proie à mille defpotes, qui s'emparerent fucceffivement de l'autorité fouveraine, jufqu'à ce que les Achéens jetterent les fondemens d'une république, qui fut le dernier effort de la liberté des Grecs, & le fruit de la valeur d'Abal l'avoit menacée, n'avoient fait que ratus, natif de Sycione.

Ce jeune guerrier n'avoit que vingt ans, lorfqu'il forma le deffein magnanime de rendre la liberté à toutes les villes de la Grece, dont la plus grande partie étoit opprimée par des tyrans, & par des garnifon's macédoniennes. Il commença l'exécution de ce projet par fa propre patrie; & plufieurs autres villes entrerent dans la confédération vers l'an 511 de la fondation de Rome.

Les vues des Atheniens étoient de ne Faire qu'une fimple république de toutes les villes du Péloponnefe, & Aratus les y encourageoit tous les jours par fes exploits. Les rois de Macédoine dont ce projet bleffoit les intérêts, ne fongerent qu'à le traverfer, foit en plaçant autant qu'ils le pouvoient, des tyrans dans les villes, foit en donnant à ceux qui y étoient déjà établis, des troupes pour s'y maintenir. Aratus mit toute fon application à chaffer ces garnifons par la force, ou à engager par la douceur les villes opprimées à fe joindre à la grande alliance. Sa prudence, fon adreffe, & fes rares qualités contribuerent extrê

Rome alors enrichie des dépouilles de Carthage, pouvoit fuffire aux frais des guerres les plus éloignées & les plus difpendieufes, les dangers dont Anni

donner une nouvelle force aux refforts de fon gouvernement. Tout étoit poffible à l'activité des Romains à leur amour pour la gloire, & au courage de leurs légions. Quelque légere connoiffance qu'on ait de la feconde guerre punique, on doit fentir l'étrange difproportion qui fe trouvoit entre les forces de la république romaine, fecondées par une partie des Grecs, & celles de Philippe. Auffi ce prince ayant été vaincu, fut obligé de foufcrire aux conditions d'une humiliante paix qui le laiffa fans reffource. Vainement Perfée fe flatta de venger fon pere; il fut battu & fait prifonnier l'an de Rome 596, & avec lui finit le royaume de Macédoine.

Les Romains effayerent dès lors fur les Grecs cette politique adroite & favante, qui avoit déjà trompé & fubjugué tant de nations; fous prétexte de rendre à chaque ville fa liberté, fes loix, & fon gouvernement, ils mirent réellement la Grece dans l'impuiffance de fe réunir.

Les Etoliens s'étoient promis de grands avantages de la part des Romains, en

favorifant leurs armes contre Philippe; | & pour toute récompenfe, ils fe virent obligés à ne plus troubler la Grece par leurs brigandages, & à périr de mifere, s'ils ne tâchoient de fubfifter par le travail & l'industrie. Cet état leur parut infupportable; mais comme le joug étoit déjà trop pefant pour le fecouer fans un fecours étranger, ils engagerent Antiochus roi de Syrie, à prendre les armes contre la république. La défaite de ce prince lui fit perdre l'Afie mineure ; & tous les Grecs enfemble fe trouverent encore plus affervis par la puifance des Romains.

Remarquons ici avec un des plus baaux génies de notre fiecle, l'habileté de leur conduite après la défaite d'Antiochus. Ils étoient maîtres de l'Afrique, de l'Afe, & de la Grece, fans y avoir prefque de villes en propre. Il fembloit qu'ils ne conquiffent que pour donner; mais ils reftoient fi bien les maîtres, que lorfqu'ils faifoient la guerre à quelque prioce, ils l'accabloient, pour ainfi dire, du poids de tout l'univers.

Il n'étoit pas temps encore pour les Romains de s'emparer des pays qu'ils venoient de conquérir. S'il avoient gardé les villes prifes à Philippe, ils auroient fait ouvrir les yeux à la Grece ențiere. Si après la feconde guerre punique ou celle contre Antiochus ils avoient pris des terres en Afrique ou en Afie, ils n'auroient pu conferver des conquêtes fi foiblement établies. Il falloit attendre que toutes les nations fuffent accoutumées à obéir comme libres & comme alliées avant de leur commander comme fujettes, & qu'elles euffent été fe perdre peu-à-peu dans la république romaine comme les Aeuves vont fe perdre dans la mer.

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Après la défaite de Philippe, de Perfée, & d'Antiochus, Rome prit. l'habi tude de régler par elle-même les diffé rends de toutes les villes de la Grece. Les Lacédémoniens, les Béotiens, les Etoliens, & la Macédoine les Athéniens, fans forces par eux-mêmes, & fans alliés, n'étonnoient plus le monde que par leurs baffes Aatteries; & l'on ne montoit plus fur la tribune où Démofthene avoit parlé, que pour propofer les décrets les plus lâches. Les feuls Achéens oferent fe piquer d'un ref

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te d'indépendance, lorfque les Romains leur ordonnerent par des députés de féparer de leur corps Lacédémone, Corinthe, Argos, & Orcomene d'Arcadie. Sur leur refus, le fénat leur déclara la guerre, & le Préteur Métellus remporta fur eux deux victoires; l'une auprès des Thermopyles, & l'autre dans la Phocide. Enfin, Rome, bien réfolue de faire refpecter fa puiffance & de pouffer les avantages auffi loin qu'il lui feroit poffible , envoya le conful Mummius avec les légions, pour le rendre maitre de toute l'Achaïe. Le choix étoit terrible, & le fuccès affuré.

Ce conful célebre par la rufticité de fes mœurs, par la violence & la dureté de fon caractere, par fon ignorance dans les arts qui charmoient la Grece, défit pour la derniere fois les Achéens, & leurs alliés. Il paffa tout au fil de l'épée, livra Corinthe au pillage & aux Rammes. Cette riche capitale de l'Achaie, cette ville qui fépara les deux mers, ouvrit & ferma le Pélopponnefe; cette ville de la plus grande importance, dans un temps où le peuple grec étoit un monde, & les villes grecques des nations; cette ville, dis-je, si grande & fi fuperbe, fut en un moment pillée, ravagée, réduite en cendre ; & la liberté des Grecs fut à jamais enfevelie fous fes ruines. Rome victorieufe & maîtreffe fouveraine, abolit pour lors dans toutes les villes le gouvernement populaire. Eu un mot, la Grece devint province romaine, fous le nom de province d'Achaže. Ce grand événement arriva l'an de Rome 608, & l'an du monde 3838.

Durant ce quatrieme âge que nous venons de parcourir, la Grece fit toujours éclore des héros, mais rarement plufieurs à la fois comme dans les fiecles précédens. Lors de la bataille de Marathon, on avoit vu dans un même tems Léonidas, Paufanias, Miltiades, Thémiftocle, Ariftide, Léotichides, & plufieurs autres hommes du premier ordre. On vit dans cet âge-ci, un Phocion, un Aratus, & enfuite un Philopoemen, après lequel la Grèce ne produifit plus de héros dignes d'elle, comme fi elle étoit épuifée. Quelques rois tels que Pyrrhus d'Epire, Cléomene de Sparte, fe fignalerent à la vérité par leur courage: mais la conduite, les vertus, & la mo

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