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que, un esprit d'individualité, de division, dominait l'église celtique. Il fallait un élément plus liant, plus simpathique, pour attirer au christianisme les derniers venus des barbares. Il fallait leur parler du Christ au nom de Rome, ce grand nom qui, depuis tant de générations, remplissait leur oreille. Il fallait, pour convertir l'Allemagne, que le génie désintéressé de l'Allemagne elle-même (1) donnât au monde l'exemple de la soumission à la hiérarchie, et lui apprît à se résigner pour la seconde fois à la centralisation romaine.

Winfried (c'est le nom germanique de Boniface), se donna sans réserve aux papes, et sous leurs auspices, se lança dans ce vaste monde payen de l'Allemagne à travers les populations barbares. Il fut le Colomb et le Cortez de ce monde inconnu, où il pénétrait sans autre arme que sa foi intrépide et le nom de Rome. Cet homme héroïque, passant tant de fois la mer, le Rhin, les Alpes, fut le lien des nations; c'est par lui que les Francs s'entendirent avec les tribus Germani

(1) On pourrait s'étonner que l'exemple ait été donné par les Saxons, qui, sur le sol germanique, repoussèrent si long-temps le christianisme, et secouèrent les premiers le joug de Rome à la voix de Luther. Mais ces Saxons, transplantés dans la Bretagne, avaient cessé d'obéir aux descendans des Ases, pour suivre des chefs militaires; les nécessités de leurs expéditions lointaines, les nouveautés de la conquête en avaient fait d'autres hommes, et c'était encore une conquête tentante pour ces nouveaux chrétiens, que la conversion de leur ancienne patrie.

ques; c'est lui qui, par la religion, par la civilisation, attacha au sol ces tribus mobiles, et prépara à son insu la route aux armées de Charlemagne, comme les missionnaires du seizième siècle ouvrirent l'Amérique à celles de Charles-Quint. Il éleva sur le Rhin la métropole du christianisme allemand, l'église de Mayence, l'église de l'Empire, et plus loin, Cologne, l'église des reliques, la cité sainte des Pays-Bas. La jeune école de Fulde, fondée par lui au plus profond de la barbarie germanique, devint la lumière de l'Occident, et enseigna ses maîtres. Premier archevêque de Mayence c'est du pape qu'il voulut tenir le gouvernement de ce nouveau monde chrétien qu'il avait créé. Par son serment, il se voue lui et ses successeurs au prince des apôtres, qui seul doit donner le pallium aux évêques (1). Cette soumission n'a rien de servile. Le bon Winfried demande au pape, dans sa simplicité, s'il est vrai que lui pape, il viole les canons, et tombe dans le péché de simonie (2); il l'engage à faire cesser

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(1) Bonifac., epist. 105: Decrevimus in nostro synodali conventu et confessi sumus fidem catholicam et unitatem, et subjectionem, Romanæ ecclesiæ, fine tenùs vitæ nostræ, velle servare: sancto Petro et vicario ejus velle subjici.... Metropolitanos pallia ab illâ sede quærere et per omnia, præcepta Petri canonice sequi desiderare, ut inter oves sibi commendatas numeremur.

(1) Le pape écrit à Boniface : Tolia uobis à te referuntur, quasi nos corruptores simus canonum et patrum rescindere traditiones studeamus ac per hoc (quod absit) cum nostris clericis in simoniacan hæresim incidamus, expetentes et accipientes ab illis præmia, quibus

les cérémonies payennes que le peuple célèbre encore à Rome, au grand scandale des Allemands. Mais le principal objet de sa haine, ce sont les ScOTS (nom commun des Ecossais et Irlandais). Il condamne leur principe du mariage des prêtres. Il dénonce au pape, tantôt le fameux Virgile, évêque de Saltzburg (1), tantôt un prêtre nommé Samson qui supprime le baptême. Clément, autre Irlandais, et le gaulois Adalbert, troublent aussi l'église. Adalbert érige des oratoires et des croix près des fontaines (peut-être aux anciens autels druidiques); le peuple y court et déserte les églises (2); cet Adalbert est si révéré qu'on se dispute comme des reliques ses ongles et ses cheveux. Autorisé par une lettre qu'il a reçue de JésusChrist, il invoque des anges dont le nom est inconnu; il sait d'avance les péchés des hommes et n'écoute pas leur confession. Winfried, implaca

tribuimus pallia. Sed hortamur, carissime frater, ut nobis deinceps tale aliquid minimè scribas.... Acta SS. ord. S. Ben., sæc. III, 75.

(1) Acta SS. ord. S. Ben., sæc. III, 308-309 :

Protulit in lucem quem mater Hibernia primùm,
Instituit, docuit, nutrivit,........... amavit.

C'est celui qui affirma le premier que la terre était ronde.

Fecit

(2) Saint Boniface écrit au pape Zacharie: Maximus mihi labor fuit adversùs duos hæreticos pessimos,.... unus qui dicitur Adelbert, natione Gallus, alter qui dicitur Clemens, genere Scotus. quoque (Adelbert) cruciculas et oratoriola in campis, et ad fontes ;.... ungulas quoque et capillos dedit ad honorificandum et portandum cum reliquiis S. Petri principis apostolorum. Epist. 135.

ble ennemi de l'église celtique, obtient de Carloman et Pépin qu'ils fassent enfermer Adalbert. Ce zèle âpre et farouche était au moins désintéressé. Après avoir fondé neuf évêchés et tant de monastères, au comble de sa gloire, à l'âge de soixantetreize ans, il résigna l'archevêché de Mayence à son disciple Lulle, et retourna simple missionnaire dans les bois et les marais de la Frise payenne, où il avait quarante ans auparavant prêché la première fois. Ily trouva le martyre (1).

Quatre ans avant sa mort (751), il avait sacré roi Pépin au nom du pape de Rome, et transporté la couronne à une nouvelle dynastie. Ce fils de Charles Martel, seul maire par la retraite d'un de ses frères au Mont Cassin, et par la fuite de l'autre, était le bien-aimé de l'église. Il réparait les spoliations de Charles Martel; il était l'unique appui du pape contre les Lombards. Tout cela l'enhardit à faire cesser la longue comédie que jouaient les maires du palais, depuis la mort de Dagobert, et à prendre pour lui-même le titre de roi. Il y avait près de cent ans que les Mérovingiens enfermés dans leur villa de Maumagne ou dans quelque monastère conservaient une vaine ombre de la royauté (2). Ce n'était guère qu'au printemps, à l'ouverture du Champ-de-Mars, qu'on tirait l'idole de son

(1) Acta SS., sæc. III: Eginhard., annal. ap. Script. rer. fr. V, 197.

(2) C'était comme le pontife-roi à Rome, le Calife à Bagdad dans la décadence, ou le Daïro au Japon.

sanctuaire, qu'on montrait au peuple son roi. Silencieux et grave, ce roi chevelu, barbu ( c'étaient, quelque fût l'âge du prince, les insignes obligés de la royauté), paraissait, lentement traîné sur le char germanique, attelé de bœufs, comme celui de la déesse Hertha (1). Parmi tant de révolutions qui se faisaient au nom de ces rois, vainqueurs, vaincus, leur sort changeait peu. Ils passaient du palais au cloître, sans remarquer la différence. Souvent même le maire vainqueur quittait son roi pour le roi vaincu, si celui-ci figurait mieux. Gėnéralement ces pauvres rois ne vivaient guère; derniers descendans d'une race énervée, faibles et frêles, ils portaient la peine des excès de leurs pères. Mais cette jeunesse même, cette inaction, cette innocence dut inspirer au peuple l'idée profonde de la sainteté royale, du droit du roi. Le roi lui apparut de bonne heure comme un être irréprochable, peut-être comme un compagnon de ses misères, auquel il ne manquait que le pouvoir pour en être le réparateur. Et le silence même de l'imbécillité ne diminuait pas le respect. Cet être taciturne semblait garder le secret de l'avenir. Dans plusieurs contrées encore le peuple croit qu'il y a quelque chose de divin dans les idiots,

(1) Crine profuso, barbâ submissâ..... quocumque eundum erat, carpento ibat, quod bubus junctis, bubulco rustico more agente, trahebatur. Eginhard., vita Karoli Magni, c. 1, ap. Scr. fr., V, 89.

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