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nouvel effort à l'idée de la patrie universelle, de la cité de la Providence.

A l'époque où cette histoire est parvenue, au dixième siècle, nous sommes bien loin de cette lumière des temps modernes. Il faut que l'humanité souffre et patiente, qu'elle mérite d'arriver... Hélas! à quelle longue et pénible initiation elle doit se soumettre encore! quelles rudes épreuves elle doit subir! Dans quelles douleurs elle va s'enfanter elle-même! Il faut qu'elle sue la sueur et le sang pour amener au monde le moyen-âge, et qu'elle le voie mourir, quand elle l'a si long-temps élevé, nourri, caressé. Triste enfant, arraché des entrailles même du christianisme, qui naquit dans les larmes, qui grandit dans la prière et la rêverie, dans les angoisses du cœur, qui mourut sans achever rien; mais il nous a laissé de lui un si poignant souvenir, que toutes les joies, toutes les grandeurs des âges modernes ne suffiront pas à nous consoler.

LIVRE IV.

CHAPITRE PREMIER.

L'AN 1000. LE ROI DE FRANCE ET LE PAPE FRANÇAIS. ROBERT ET GERBERT. FRANCE FÉODALE,

CETTE vaste révélation de la France, que nous venons d'indiquer dans l'espace, et que nous allons suivre dans le temps, elle commence au dixième siècle, à l'avènement des Capets. Chaque province a dès lors son histoire, chacune prend une voix, et se raconte elle même. Cet immense concert de voix naïves et barbares, comme un chant d'église dans une sombre cathédrale pendant la nuit de Noël, est d'abord âpre et discor dant. On y trouve des accens étranges, des voix grotesques, terribles, à peine humaines, et vous douteriez quelquefois si c'est la naissance du Sauveur, ou la Fête des fous, la Fête de l'âne. Fantastique et bizarre harmonie, à quoi rien ne res

semble, où l'on croit entendre à-la-fois tout cantique, et des Dies iræ, et des Alleluia.

C'était une croyance universelle au moyen-âge, que le monde devait finir avec l'an mil de l'incarnation (1). Avant le christianisme, les Etrusques aussi avaient fixé leur terme à dix siècles, et la prédiction s'était accomplie. Le christianisme, passager sur cette terre, hôte exilé du ciel, devait adopter aisément ces croyances. Le monde du moyen-âge n'avait pas la régularité extérieure de la cité antique, et il était bien difficile d'en discerner l'ordre intime et profond. Ce monde ne voyait que chaos en soi; il aspirait à l'ordre, et l'espérait dans la mort. D'ailleurs, en ces temps de miracles et de légendes, où tout apparaissait bizarrement comme à travers de sombres vitraux, on pouvait douter que cette réalité visible fût

(1) Concil. Troslej. ann. 909 (Mansi, XVIII, p. 266). Dùm jam jamque adventus imminet illius in majestate terribili, ubi omnes cum gregibus suis venient pastores in conspectum pastoris æterni, etc. -Trithemii chronic., ann. 960: Diem jamjàm imminere dicebat (Bernhardus, eremita Thuringia) extremum, et mundum in brevi consummandum.-Abbas Floriacensis, ann. 990 (Gallandius, XIV, 141) : De fine mundi coràm populo sermonem in ecclesia Parisiorum audivi, quod statim finito mille annorum numero Antechristus adveniret, et non longo post tempore universale judicium succederet. Will. Godelli chronic., ap. Scr. fr. X, 262: Ann. Domini MX, in multis locis per orbem tali rumore audito, timor et moeror corda plurimorum occupavit, et suspicate sunt multi finem sæculi adesse. - Rad. Glaber, 1. IV, ibid. 49 : Estimabatur enim ordo temporum et elementorum præterita ab initio moderans secula in chaos decidisse perpetuum, atque humani generis interitum.

autre chose qu'un souge. Les merveilles composaient la vie commune. L'armée d'Othon avait bien vu le soleil en défaillance et jaune comme du safran (1). Le roi Robert, excommunie pour avoir épousé sa parente, avait, à l'accouchement de la reine, reçu dans ses bras un monstre. Le diable ne prenait plus la peine de se cacher: on l'avait vu à Rome se présenter solennellement devant un pape magicien. Au milieu de tant d'apparitions, de visions, de voix étranges, parmi les miracles de Dieu et les prestiges du démon, qui pouvait dire si la terre n'allait pas un matin se résoudre en fumée, au son de la fatale trompette ? Il eût bien pu se faire alors que ce que nous appelons la vie, fût en effet la mort, et qu'en finissant, le monde, comme ce saint du légendaire, commençât de vivre et cessât de mourir. « Et tunc vivere incepit, morique desiit. »

Cette fin d'un monde si triste, était tout ensemble l'espoir et l'effroi du moyen-âge. Voyez ces vieilles statues dans les cathédrales des dixième et onzième siècles, maigres, muettes et grimaçantes dans leur roideur contractée, l'air souffrant comme la vie, et laides comme la mort. Voyez comme elles implorent, les mains jointes, ce moment souhaité et terrible, cette seconde mort de la résurrection, qui doit les faire sortir de leurs ineffables tristesses, et les faire passer du néant à

(1) Rad. Glaber, 1. IV, c. 9.

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