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bien fidèles, bien loyalement dévoués à leur seigneur et à la dame de leur seigneur ; joyeux à sa table et à son foyer, tout aussi joyeux quand il fallait passer avec lui les défilés des Alpes, ou le suivre à Jérusalem et jusqu'au désert de la mer Morte; de pieuses et candides âmes d'hommes sous la cuirasse d'acier. Et ces magnanimes empereurs de la maison de Souabe, cette race de poètes et de parfaits chevaliers, avaient-ils si grand tort de prétendre à l'empire du monde ? Leurs ennemis les admiraient en les combattant. On les reconnaissait partout à leur beauté. Ceux qui cherchaient Enzio, le fils fugitif de Frédéric II, le découvrirent sur la vue d'une boucle de ses cheveux. Ah! disaient-ils, il n'y a dans le monde que le roi Enzio qui ait de si beaux cheveux blonds (1). Ces beaux cheveux blonds, et ces poésies, et ce grand courage, tout cela ne servit de rien. Le frère de saint Louis n'en fit pas moins couper la tête au pauvre jeune Conradin, et la maison de France succéda à la prépondérance des empereurs.

L'empereur doit périr, l'Empire doit périr, et le monde féodal, dont il est le centre et la haute expression. Il y a en ce monde-là quelque chose qui le condamne et le voue à la ruine; c'est son matė

(1) Une jeune fille vint le consoler dans sa prison: ils curent un fils qui s'appela Bentivoglio (je te veux du bien). C'est, selon la tradition, la tige de l'illustre famille de ce nom.

rialisme profond. L'homme s'est attaché à la terre, il a pris racine dans le rocher où s'élève sa tour. Nulle terre sans seigneur, nul seigneur sans terre. L'homme appartient à un lieu; il est jugé, selon qu'on peut dire qu'il est de haut ou de bas lieu. Le voilà localisé, immobile, fixé sous la masse de son pesant château, de sa pesante armure.

La terre, c'est l'homme; à elle appartient la véritable personnalité. Comme personne, elle est indivisible; elle doit rester une et passer à l'aîné. Personne immortelle indifférente, impitoyable, elle ne connaît point la nature ni l'humanité : l'aîné possédera seul; que dis-je ? c'est lui qui est possédé les usages de sa terre le dominent, ce fier baron; sa terre le gouverne, lui impose ses devoirs; selon la forte expression du moyenâge, il faut qu'il serve son fief.

Le fils aura tout, le fils aîné. La fille n'a rien à demander; n'est-elle pas dotée du petit chapeau de roses et du baiser de sa mère (1) ? Les puinés, oh! leur héritage est vaste! Ils n'ont pas moins que toutes les grandes routes, et par dessus, toute la voûte du ciel. Leur lit, c'est le seuil de la maison paternelle; ils pourront de là, les soirs d'hiver, grelotans et affamés, voir leur aîné seul au foyer où ils s'assirent eux aussi dans le bon temps de leur enfance, et peut-être leur fera-t-il jeter quelques morceaux, nonobstant le grognement

(1) Par exemple dans les anciennes Coutumes de Normandie.

de ses chiens. Doucement, mes dogues, ce sont mes frères; il faut bien qu'ils aient quelque chose aussi.

Je conseille aux puinés de se tenir contens, et de ne pas risquer de s'établir sous un autre seigneur de pauvres, ils pourraient bien devenir serfs. Au bout d'un an de séjour, ils lui appartiendraient corps et biens. Bonne aubaine pour lui; ils deviendraient ses aubains; autant presque vaudrait dire ses serfs, ses juifs. Tout malheureux qui cherche asile, tout vaisseau qui brise au rivage, appartient au seigneur; il a l'aubaine et le bris.

Il n'est qu'un asile sûr, l'église. C'est là que se réfugient les cadets des grandes maisons. L'église, impuissante pour repousser les barbares, a été obligée de laisser la force à la féodalité; elle devient elle-même peu à peu toute féodale. Les chevaliers restent chevaliers sous l'habit des prêtres. Dès Charlemagne, les évêques s'indignent qu'on leur présente la pacifique mule et qu'on veuille les aider à monter. C'est un destrier qu'il leur faut, et ils s'élancent d'eux-mêmes (1). Ils chevau

(1) Monach. S. Gall., I. I, ap. Scr. fr. V, 109. « Un jeune clerc venait d'être nommé par Charlemagne à un évêché. Comme il s'en allait tout joyeux, ses serviteurs, considérant la gravité épiscopale, lui amenèrent sa monture près d'un perron; mais lui indigné, et croyant qu'on le prenait pour infirme, s'élança à cheval si lestement qu'il faillit passer de l'autre côté. Le roi le vit par le treillage du palais et le fit appeler aussitôt ; « Ami, lui dit-il, tu es vif et léger, fort leste et fort agile. Or, tu sais combien de guerres troublent la sérénité de notre Empire; j'ai besoin d'un tel clerc dans mon cor

chent, ils chassent, ils combattent, ils bénissent à coups de sabre, et imposent avec la masse d'armes de lourdes pénitences (1). C'est une oraison funèbre d'évêque : bon clerc et brave soldat. A la bataille d'Hastings, un abbé saxon amène douze moines, et tous les treize se font tuer. Les évêques d'Allemagne déposent un des leurs, comme pacifique et peu vaillant (2). Les évêques deviennent barons, et les barons évêques. Tout père prévoyant ménage à ses cadets un évêché, une abbaye. Ils font élire par leurs serfs leurs petits enfans aux plus grands siéges ecclésiastiques. Un archevêque de six aus monte sur une table, bal

tège ordinaire, sois donc le compagnon de tous nos travaux. » -→→ Actes du concile de Vernon, an 845, article 8. (Baluze, II, 17.) Quosdam episcoporum ab expeditionibus corporis defendit imbecilitas, aliis nutem vestra indulgentia cunctis optabilem largitur quietem; præcavendum est utriusque ne per eorum absentiam res militaris dispendium patiatur.

(1) Voy. un chant Suisse inséré dans le Des Knaben Wunderhorn.

(2) C'était Christian, archevêque de Mayence; il eut beau citer ces mots de l'évangile : Mets ton épée au fourreau; on obtint du pape sa déposition. Michaud, hist. des Croisades, IV, 392. — Dithmar. chron. 1. II, 34: Un évêque de Ratisbonne accompagna les princes de Bavière dans une guerre contre les Hongrois. Il y perdit une oreille et fut laissé parmi les morts. Un Hongrois voulut l'achever. « Tunc ipse confortatus in Domino post longum mutui agonis luctamen victor hostem prostravit; et inter multas itineris asperitates incolumis notos pervenit ad fines. Inde gaudium gregi suo exoritur et omni Christum cognoscenti. Excipitur ab omnibus miles bonus in clero, et servatur optimus pastor in populo, et fuit ejusdem mutilatio non ad dedecus sed ad honorem magis. >> Gieseler, Kirchengeschichte, t. II, P. I, 197.

butie deux mots de catéchisme (1), il est élu; il prend charge d'armes, il gouverne une province ecclésiastique. Le père vend en son nom les bénéfices, reçoit les dîmes, le prix des messes, sauf à n'en pas faire dire. Il fait confesser ses vassaux, les fait tester, léguer, bon gré malgré, et recueille. Il frappe le peuple des deux glaives; tour à tour il combat, il excommunie, il tue, damne à son choix.

Il ne manquait qu'une chose à ce système. C'est que ces nobles et vaillans prêtres n'achetassent plus la jouissance des biens de l'église par les abstinences du célibat (2); qu'ils eussent la splendeur sacerdotale, la dignité des saints, et, de plus, les

(1) Atto Vercellens., ap. d'Achery. Spicileg., I, 423. Ipsos etiam parvulos ad pastoralem promovere curam non dubitant.... Rident plurimi, alii quasi de infantis honore gaudentes... Ipse quoque parvulus de aliquibus interrogatus capitulis, quæ si præparare potuerit, memoriter reddet, vel in aliquo tremens leget pitatio( pinacio?).

(2) Nicol. à Clemangis, de præsul. simon., p. 165. Deniquè laici usque adeò Persuasum habent nullos cælibes esse, ut in plerisque parochiis non aliter velint presbyterum tolerare, nisi concubinam habeat, vel sic suis sit consultum uxoribus, quæ nec sic quidem usquequo quaque sunt extrà periculum. Voy. aussi Muratori, VI, 335. On avait déclaré que les enfans nés d'un prêtre et d'une femme libre seraient serfs de l'Eglise ; ils ne pouvaient être admis dans le clergé, ni hériter selon la loi civile, ni étre entendus comme témoins. Schroeckh, Kirchengeschichte, p. 22, ap. Voigt, Hildebrand, als Papst Gregorius der siebente, und sein Zeitalter, 1815.

Kex immortalis! quàm longo tempore talis
Mundi risus erunt, quos presbyteri genuerunt?

(armen pro nothis, ap. Ser. fr. VI, 444.

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