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cipe commun de vie, la religion; une forme commune, féodale et guerrière. Une guerre religieuse pouvait seule l'unir; il ne devait oublier les diversités de races et d'intérêts politiques qui les déchiraient, qu'en présence d'une diversité générale et plus grande; si grande qu'en comparaison toute autre s'effaçât. L'Europe ne pouvait se croire une et le devenir, qu'en se voyant en face de l'Asie. C'est à quoi travaillèrent les papes, dès l'an 1000. Un pape français, Gerbert, Sylvestre II, avait écrit aux princes chrétiens, au nom de Jérusalem. Grégoire VII eût voulu se mettre à la tête de cinquante mille chevaliers pour délivrer le Saint-Sépulcre. Ce fut Urbain II, Français comme Gerbert, qui en eut la gloire. L'Allemagne avait sa croisade en Italie; l'Espagne chez elle-même. La guerre sainte Jérusalem, résolue en France au concile de Clermont, prêchée par le français Pierre l'Hermite, fut accomplie surtout par des Français. Les croisades ont leur idéal en deux Français : Godefroi-de-Bouillon les ouvre; elles sont fermées par saint Louis. Il appartenait à la France de contribuer plus que tous les autres aux grands événemens qui fit de l'Europe une nation.

CHAPITRE III.

LA CROISADE. 1195-1199.

Il y avait bien long-temps que ces deux sœurs, ces deux moitiés de l'humanité, l'Europe et l'Asie, la religion chrétienne et la musulmane, s'étaient perdues de vue, lorsqu'elles furent replacées en face par la croisade, et qu'elles se regardèrent. Le premier coup-d'œil fut d'horreur. Il fallut quelque temps pour qu'elles se reconnussent, et que le genre humain s'avouât son identité. Essayons d'apprécier ce qu'elles étaient alors, de fixer quel âge elles avaient atteint dans leur vie de religion.

L'islamisme était la plus jeune des deux, et déjà pourtant la plus vieille, la plus caduque. Ses destinées furent courtes; née six cents ans plus tard que le christianisme, elle finissait au temps des croisades. Ce que nous en voyons depuis, c'est une ombre, une forme vide, d'où la vie s'est retirée, et que les barbares héritiers des Arabes conservent silencieusement sans l'interroger.

L'islamisme, la plus récente des religions asiatiques, est aussi le dernier et impuissant effort de l'Orient pour échapper au matérialisme qui pèse sur lui. La Perse n'a pas suffi, avec son opposition héroïque du royaume de la lumière contre celui des ténèbres, d'Iran contre Turan. La Judée n'a pas suffi, tout enfermée qu'elle était dans l'unité de son Dieu abstrait, et toute concentrée et durcie en soi. Ni l'une ni l'autre n'a pu opérer la rédemption de l'Asie. Que sera-ce de Mahomet qui ne fait qu'adopter ce dieu judaïque, le tirer du peuple élu pour l'imposer à tous? Ismaël en saura-t-il plus que son frère Israël? Le désert arabique sera-t-il plus fécond que la Perse et la Judée ?

Dieu est Dieu, voilà l'islamisme, c'est la religion de l'unité. Disparaisse l'homme, et que la chair se cache: point d'images, point d'art. Ce Dieu terrible serait jaloux de ses propres symboles. Il veut être seul avec l'homme. Il faut qu'il le remplisse et lui suffise. La famille est à peu près détruite, la parenté, la tribu encore, tous ces vieux liens de l'Asie. La femme est cachée au harem; quatre épouses, mais des concubines sans nombre. Peu de rapports entre les frères, les parens; le nom de musulman remplace ces noms. Les familles sans nom commun, sans signes propres (1), sans perpétuité, semblent se renouveler

(1) Les Orientaux n'ont que des armoiries personnelles, et non

à chaque génération. Chacun se bâtit une maison, et la maison meurt avec l'homme. L'homme ne tient ni à l'homme ni à la terre. Isolés et sans trace, ils passent comme la poussière vole au désert; égaux comme les grains de sable, sous l'œil d'un Dieu niveleur, qui ne veut nulle hiérarchie.

Point de Christ, point de médiateur, de Dieuhomme. Cette échelle que le christianisme nous avait jetée d'en-haut, et qui montait vers Dieu par les Saints, la Vierge, les Anges et Jésus, Mahomet la supprime; toute hiérarchie périt, la divine et l'humaine. Dieu recule dans le ciel à une profondeur infinie, ou bien pèse sur la terre, s'y applique et l'écrase. Misérables atomes, égaux dans le néant, nous gisons sur la plaine aride. Cette région, c'est vraiment l'Arabie elle-même. Le ciel, la terre, rien entre; point de montagne qui nous rapproche du ciel, point de douce vapeur qui nous trompe sur la distance; un dôme impitoyablement tendu d'un sombre azur, comme un brûlant casque d'acier.

L'islamisme, né pour s'étendre, ne demeurera pas dans ce sublime et stérile isolement. Il faut qu'il coure le monde, au risque de changer. Ce Dieu que Mahomet a volé à Moïse, il pouvait rester abstrait, pur et terrible sur la montagne juive, ou dans le désert arabique, mais voilà que les ca

héréditaires. Description des monumens musulmans du cabinet de M. de Blacas, t. I, p. 119. Voy, aussi p. 72.

valiers du prophète promènent victorieusement de Bagdad à Cordoue, de Damas à Surate: Dès que la rotation du sabre, la ventilation du cimeterre, n'allumera plus son ardeur farouche, il va s'humaniser. Je crains pour son austérité les Paradis du Harem, et ses roses solitaires et les fontaines jaillissantes de l'Alhambra. La chair maudite par cette religion superbe (1) s'obstine à réclamer; la matière proscrite revient sous autre forme, et se venge avec la violence d'un exilé qui rentre en maître. Ils ont enfermé la femme au sérail, mais elle les Y enferme avec elle; ils n'ont pas voulu de la Vierge, et ils se battent depuis mille ans pour Fatema (2). Ils ont rejeté le Dieu-Homme et repoussé l'incarnation en haine du Christ; ils proclament celle d'Ali (3). Ils ont condamné le ma

(1) Chez les Musulmans, les mots femme et objet défendu par la religion peuvent se dire l'un pour l'autre. Bibl, des Croisades, t. IV, p. 169.

(2) Fatema entrera dans le Paradis la première après Mahomet ; les Musulmans l'appellent la Dame du Paradis.-Quelques Schyytes (sectateurs d'Ali) soutiennent qu'en devenant mère, Fatima n'en est pas moins restée vierge, et que Dieu s'est incarné dans ses enfans.Description des Monumens, musulmans du cabinet de M. de Blacas par M. Reinaud, II, 130, 202.

(3) Aujourd'hui encore des provinces entières, en Perse et en Syrie, sont dans la même croyance. « Ceux même des Schyytes qui n'ont pas osé dire qu'Ali était Dieu, ont été persuadés que peu s'en fallait et les Persans disent souvent : « Je ne pense pas qu'Ali soit Dieu; mais je ne crois pas qu'il en soit loin. »-Les Schyytes disent à ce sujet que tel était l'éclat qui reluisait sur la personne d'Ali, qu'il était impossible de soutenir ses regards. Dès qu'il paraissait, le peuple lui criait: Tu es Dieu.-A ces mots, Ali les faisait mourir ensuite il les ressuscitait, et eux de crier encore plus fort:

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