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cha tantôt d'une part, tantôt de l'autre, jufqu'à ce que Philippe, pere d'Alexandre le Grand, fixa enfin à la Macédoine l'empire fur la Gréce, que ces trois Etats s'étoient fi long-tems & fi opiniâtrément difputé. En voilà affez pour donner une idée générale de la fituation où étoit la Gréce dans le fiécle de nos Poëtes tragiques.

Revenons au génie de leurs fpectateurs. L'orgueil fomenté par les victoires & les grandes richeffes, l'indépendance, fruit d'une liberté portée à l'excès, & je ne sçai quoi d'im¬ périeux dans l'air & les manieres que donne ordinairement à fes moindres citoyens la fupériorité de ville fouveraine, tout cela formoit d'Athènes une affemblée de gens qui fe regar doient comme autant au-deffus des autres hommes, que l'homme eft aus deffus de la bête. Cette vanité alloit jufqu'à traiter de barbares, non-feulement les Etrangers, mais les Grecs mêmes qui n'étoient pas de P'Afrique. L'Attique, idolâtre d'elle-même, ne fonge qu'à s'encenfer, & folle de fes chimères, elle les transforme en divinités. C'eft Minerve, la Déeffe des

béaux arts, qui lui accorde fon nom & fa protection. * La statue de Diane ne peut refter chez les Thraces, barbares indignes d'elle. Orefte la vole de concert avec Iphigénie, & la tranf porte dans l'Attique fon véritable féjour. Le célébre Aréopage foumet à fes décifions, non-feulement des héros, mais des Dieux. Mais lui-même eft obligé de fubir fon jugement. Les Euménides, toutes fières qu'elles font, perdent leur procès contre Oreste à ce tribunal, trop heureufes d'accepter des autels à Athènes pour faire leur paix. L'Attique feule poffede les monumens les plus redoutables à ses ennemis, tels que le corps d'Oedipe, qui lui fert de boulevart contre les entreprises des Thébains, & les corps des chefs Argiens qui la maintiennent contre Argos. Tout fon terrain eft illuftre par des prodiges. Tout en un mot eft grand & divin chez les Athéniens. L'abondance & la profpérité y produifent le goût.des arts & des fciences. La Tragédie & la Comédie y naiffent fucceffivement, & y font

Iphigénie en en Tauride, d'EURIPIDE. Les Eumenides, d'ESCHYLE. Les Electres, des trois Poctes. Oedipe à Colone, de SorHOCLE, &C.

reçûes avec une efpéce d'idolâtrie. Les cérémonies facrées fe changent en divertissemens. L'émulation multiplie les Poëtes, & leur nombre fait établir des difputes, des prix, des couronnes. Le peuple paffionné pour les amusemens du Théâtre, en devient infatiable. Les Théâtres s'agrandiffent, l'emportent fur les Temples, & toute Athènes fe trouve raffemblée dans leur enceinte. On s'infatue de vers jufqu'à apprendre par coeur les Tragédies entieres, à mesure qu'on les joue; manie, qui devint utile aux foldats faits prifonniers dans la défaite de Sicile. C'étoit affez de fçavoir des vers d'Euripide pour enchanter les Siciliens, ce qui fonda ce proverbe, il est mort en Sicile, où il y récite des vers. Les Rois même des Etats voifins combloient de careffes les bons Poëtes Athéniens, & fe croyoient heureux de pouvoir les attirer à leur Cour. Euripide éprouva fouvent leurs faveurs; mais la plus flatteufe étoit l'applaudiffement d'un peuple auffi éclairé qu'avide de fpectacles & de nouveautés. Car ce n'étoit pas feulement la Poëfie qui faifoit fortune à Athènes. La Philofophie y tenoit un

théniens.

rang diftingué. Socrate ne parut fur les rangs qu'après quantité d'autres qui y avoient joué de grands rôles. L'Eloquence fur-tout, y tenoit la premiere place. Athènes en un mot, paffoit (comme le dit Cicéron) pour l'inventrice & la mere de tous les arts. IV. L'inconftance & la légéreté, Caractè défauts fi naturels à une multitude re des Alibre & indocile, étoient particulierement ceux des Athéniens de ce fiécle. Leurs Héros guerriers, les Miltiades, les Thémistocles, les Ariftides, les Periclès, l'éprouverent à leurs dépens, & à la honte de leur patrie. Nos Poëtes même en reffentirent quelquefois de triftes effets. La fuperstition étoit à la mode, comme elle le fut depuis à Rome. Mais il paroît par les ouvrages de nos Poëtes, qu'elle n'y dominoit pas au point de s'allarmer de quelques railleries. Il eft vrai qu'Efchyle, accufé une fois comme impie, auroit été victime de la vengeance Athénienne, fi un de fes freres, qui avoit perdu un bras à la bataille de Salamine, n'eût redemandé au peuple un frere qui avoit luimême fi bien payé de fa perfonne en faveur de la patrie. Mais d'un autre

côté il eft difficile d'accorder les rifées de ce peuple au fujet des railleries fur les Dieux, qu'Ariftophane met dans la bouche de Socrate, avec la condamnation de ce même * Socrate.

*Dans la Comédie des Nuées & ailleurs, voyez la troifiéme partie, & l'explication de ce Problême à la fin de tout l'ouvrage. En attendant, je prie le lecteur de faire attention à cette Note. PLUTARQUE (traité de la maniere de lire les Poëtes, traduct. d'Amyot) parlant des fictions des Poëtes bien différentes de la religion -payenne, cite entr'autres chofes le bel endroit où HOMERE dit de Jupiter, qu'il pesa dans la 'balance les forts d'Achille & d'Hector. » Es

CHYLUS, Continue-t-il, a ajouté à cette ficDo tion toute une Tragédie entiere, laquelle il »a intitulée, le poids ou la balance des ames,

faifant affifter à l'un des baffins de la balan» ce, d'un côté Thétis, & de l'autre l'Aurore, lorfqu'elles prient pour leurs fils qui combattent : & néanmoins il n'eft homme qui ne voye clairement que c'eft chose feinte, <p>& fable controuvée par HOMERE pour don

ner plaifir & apporter ébahiffement au lec»teur, &c. Voilà, je crois, la folution d'une difficulté très-grande qui fe rencontre dans les Ecrits des Poetes Grecs, fur-tout d'ARISTOPHANE, fçavoir leur extrême liberté à railder les Dieux. La précifion eft aisée à faire. Il avoit une Religion férieufe, & une fabuleufe, l'une de pratique, & l'autre de Théâtre. Celle-ci ne laifoit pourtant pas de nuire à celle-là c'eft pourquoi PLATON, 1. 2. de la Républ. blâme ESCHYLE d'avoir admis une

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