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idées ordinaires ne fe reffemblent plus. L'orgueilleufe Gréce n'eftimoit qu'elle, & comptoit les autres nations pour rien. Athènes fur-tout, fe regardoit comme le centre de l'efprit & de la politeffe des Grecs. A peine croyoit-elle qu'il y eût du fens commun ailleurs. Tout étoit barbare à fon égard. Ce double orgueil détermina les Poëtes à fervir les Athéniens & les Grecs à leur gré. Leurs nombreuses Tragédies ne furent que l'hiftoire fabuleufe ou véritable de la. Gréce, matiere propre à flatter & à nourrir la vanité Athénienne. La nôtre, quoiqu'elle foit la même à certains égards, ne va pas à exclure de notre Scène ce qui eft étranger. Elle ne va qu'à lui donner un air François. Augufte & Mécene, tels que nous les peint Horace, ne nous plairoient pas. Il faut qu'ils prennent un peu nos manieres. Pour l'antiquité de notre Monarchie, la grandeur de nos événemens, & les exploits de nos héros, ces fujets nous font plaifir dans l'hiftoire. Ils nous intéreffent néceffairement par l'amour naturel de la patrie. Mais nous ne les fouffrons pas aifément fur le Théâtre, foit que

notre vanité fe choque de voir des vérités prendre l'air de la fable dans un pur fpectacle; foit que notre curiofité veuille une forte de merveilleux que nous ne trouvons pas dans la fimplicité de nos annales; foit enfin qu'une longue habitude, née d'une tradition prefqu'immémoriale, ait comme confacré au Théâtre des faits étrangers, dont l'antiquité ou l'éloignement impose beaucoup plus que des objets nouveaux ou préfens. Êncore une raison imperceptible, quoique réelle, c'eft que la plupart de nos noms antiques, tout refpectables qu'ils font, portent à l'oreille je ne fçai quoi de barbare & de gothique qui la choque & qui gâte la plus belle Poëfie. C'est par ces raisons secrétes que le fiége de Troye, qui au fonds n'approche pas de nos moindres fiéges, fait pourtant fur notre efprit une impreffion de refpect qui nous enchante & qui enléve nos fuffrages. Il en eft comme des médailles. Les étrangères nous font plus précieuses que les nôtres. Chez les Grecs le. goût étoit bien différent, parce que la Tragédie étant née Grecque, ils lui donnerent la deftination qu'ils vou

Perfon

lurent, & la tournerent en intérêt domestique. Auffi voyons-nous qu'il n'y a pas une ville, pas une fête, pas un monument chez eux dont l'o rigine n'ait été célébrée par un ou plufieurs fpectacles. Il n'a donc pas été inutile de montrer d'abord, comme nous l'avons fait, quel étoit le génie des fpectateurs Grecs, & de les rapprocher des fpectateurs d'aujourd'hui, qui n'ont hérité de la Tragé die, (auffi-bien que les Romains,) que comme d'un plaifir étranger dont l'ame par conféquent devoit être toute étrangère. A la vérité la Comédie que nous avons auffi reçûe par imitation n'a pas eu le même fort. Elle a pris les moeurs & les manieres de tous les peuples qui l'ont adoptée. Mais c'étoit fon unique destination: fans cela elle n'auroit jamais pû atteindre à fon but, qui eft de rendre ridicules les vices populaires. Cependant combien n'a-t-il pas fallu de tems pour la rendre toute Françoise? Ce n'eft que par Moliere qu'elle l'est devenue.

XV. Après avoir réfléchi fur les fumages. jets, jettons les yeux fur les perfonnages que préfentent la Scène Grecque

& celle de nos jours. Ce font des héros & des Rois de part & d'autre : mais les idées de l'héroïfme & de la Royauté ont fi fort changé, qu'Agamemnon & Achille, l'un Roi des Rois, & l'autre héros des héros, (s'il eft permis d'ufer de cette expreffion,) ne font plus les mêmes hommes dans Euripide & dans Racine, quoique le fonds de leur caractère foit le même; & il a fallu fans doute que cela fût ainfi, parce que le point de vûe & les yeux étant tout différens, les objets ont auffi dû l'être. Imaginonsnous une affemblée innombrable de Républicains d'un côté ; & de l'autre une foule affez petite de citoyens habitans de la plus riche Monarchie. Ceux-là n'ont eû l'idée que de petits Rois dont l'Empire avoit fouvent les mêmes bornes que leur ville, Rois fi peu Monarques, qu'ils n'en avoient pas même le nom. Ceux-ci, après une longue révolution d'années, ont vû påffer fous leurs yeux des Empires & des Monarchies redoutables par leur pouvoir & par leurs richeffes, particulierement l'Empire Romain devenu prefque Monarchique. Les premiers ne veulent de Rois fur la Scène que

pour jouir de leur abaiffement, par une haine implacable de la dignité fuprême: les feconds ne peuvent les voir humiliés que pour rehauffer la majesté ou plûtôt la tyrannie Romaine. Les uns ne connoiffent de héros que des hommes diftingués du vulgaire par les qualités perfonnelles autant du corps que du coeur, par la force & la taille autant que par la valeur & la prudence. Les autres accoutumés à une efpéce de bravoure plus fine, regardent les héros par les fentimens & par les paroles beaucoup plus que par les effets. Les Rois & les héros ne font que des hommes chez les premiers, ou du moins ils ne ceffent pas de l'être. L'égalité Républicaine les ramène à leur condition naturelle. Ils font un ordre à part chez les seconds: ce ne font plus des hommes, ce font des Dieux, & même quelque chofe de plus. Ils ne reffemblent aux Dieux & aux hommes que par les foibleffes de l'amour. Du refte ils font infiniment au-deffus des hommes ; & fur la Scène ils s'arrogent le droit d'infulter les Dieux. De ces idées contradictoires des fpectateurs anciens & modernes, nous ti

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