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La réponse est facile : Chercher son bien, oui sans doute, mais son vrai bien; fuir son mal, mais son vrai mal; et dans un être tel que l'homme, l'un et l'autre se prennent, non du moment, mais d'une toute autre durée.

Chercher son bien, fuir son mal en ce qui n'offense point qutrui, c'est-à-dire, en ce qui n'offense ni Dieu dans ses droits sur nous, ni les hommes dans les droits de la société, ou dans ceux d'homme à homme; ce sera le droit de la nature. Mais la proposition ainsi énoncée, condamne le suicide, bien loin de l'autoriser. C'est ce que développe de la manière la plus sensible la réponse de Milord à son ami.

› Pensez-y bien, jeune homme ; que sont dix, vingt, > trente ans pour un être immortel? la peine et le plaisir › passent comme une ombre; la vie s'écoule en un ins> tant; elle n'est rien par elle-même; son prix dépend de › son emploi. Le bien seul qu'on a fait demeure, et c'est » par lui qu'elle est quelque chose. Ne dis donc plus que > c'est un mal pour toi de vivre, puisqu'il dépend de toi » seul que ce soit un bien, et que, si c'est un mal d'avoir » vécu, c'est une raison de plus pour vivre encore. Ne » dis pas non plus qu'il t'est permis de mourir, car autant » vaudroit dire qu'il t'est permis de n'être pas homme, qu'il t'est permis de te révolter contre l'Auteur de ton › être, et de tromper ta destination..... Toi qui crois » Dieu existant, l'ame immortelle, et la libertéde l'hom» me, tu ne penses pas sans doute qu'un être intelligent, reçoive un corps et soit placé sur la terre au hasard, seu> lement pour vivre, souffrir, et mourir? Il y a bien peut» être à la vie humaine un but, une fin, un objet moral? » je te prie de me répondre clairement sur ce point.....

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> Ta mort ne fait de mal à personne.....? Tu parles des > devoirs du Magistrat et du Père de famille; et parce qu'ils ne te sont pas imposés, tu te crois affranchi de > tout. Et la société, à qui tu dois ta conservation, tes talens, tes lumières; la patrie, à qui tu appartiens, les

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» rien? O l'exact dénombrement que tu fais ! Parmi les » devoirs que tu comptes, tu n'oublies que ceux d'homme » et de citoyen..... Et que dis-tu de la défense expresse > des loix ? Les loix, les loix, jeune homme ! le sage les > méprise-t-il ? Soerate innocent, par respect pour elles, > ne voulut pas sortir de prison : tu ne balances point à » les violer pour sortir injustement de la vie, et tu de» mandes : Quel mal fais-je.....? Il te sied bien d'oser » parler de mourir, tandis que tu dois l'usage de ta vie à » tes semblables! Apprends qu'une mort telle que tu la médites est honteuse et furtive. C'est un vol fait au » genre humain. Avant que de le quitter, rends-lui ce » qu'il a fait pour toi. Mais je ne tiens à rien ?je suis inu» tile au monde ? Philosophe d'un jour ! ignores-tu que > tu ne saurois faire un pas sur la terre sans y trouver > quelque devoir à remplir, et que tout homme est utile › à l'humanité par cela seul qu'il existe.....? Insensé ! j'ai » pitié de tes erreurs. S'il te reste au fond du cœur le » moindre sentiment de vertu, viens, que je t'apprenne » à aimer la vie. Chaque fois que tu seras tenté d'en sor> tir, dis en toi-même : Que je fasse encore une bonne ac>tion avant que de mourir..... Si cette considération te » retient aujourd'hui; elle te retiendra encore demain » après demain, toute ta vie «.

Voilà ce que la raison toute seule pouvoit dire. Mais à qui croit la Religion chrétienne, faut-il tant de raisonnemens? Peut-on être bien convaincu de la réalité de ses menaces comme de ses promesses, et vouloir, pour se délivrer d'une vie mêlée de plaisirs et de peines, s'ouvrir à l'instant et à coup sûr une éternité des plus affreux supplices? Avouons-le à la honte de l'Incrédulité, c'est l'affoiblissement de la religion parmi nous, qui, de nos jours, a rendu si commun le suicide.

LETTRE XLVIII.

Du Comte de Valmont au Marquis. EMILIE est toujours au même état. Lausane est mort. Sa famille, instruite de ce que l'on avoit tenu secret jusqu'alors, concerte les mesures qu'elle doit prendre pour me perdre sans se compromettre *. Je suis caché dans la maison de Mesdames de Veymur, qui sont ici sous des noms empruntés. M. de Veymur ne me quitte pas un seul moment: et sa présence, ainsi que votre dernière Lettre, me soutient contre moimême. Sa femme est sans cesse au chevet du lit de sa chère Émilie, à qui sa vue semble apporter un foible soulagement. Dans les momens où cette chère épouse a l'esprit plus libre, la piété fait toute sa force. Quelle piété, grand Dieu ! quels tableaux j'ai vus ! et dans leur contraste, quels argumens en faveur de la Religion! Encore deux jours, et je vous instruirai de tout. Mais l'état

Selon les loix, de deux hommes qui se sont battus en duel, on ne peut faire le procès à l'un, sans flétrir la mémoire de l'autre, sans déterrer même son cadavre, s'il est enseveli, et sans le condamner à être traîné sur

d'Émilie, je vous l'avoue, m'inquiète et m'agite trop pour me laisser la force de vous en dire davantage. Que n'ai-je suivi vos sages conseils! ô Dieu! que ne les ai-je suivis !

LETTRE XLIX.

Du même.

EMILIE MILIE étoit hier à l'extrémité. Depuis long-tems elle sentoit son état, malgré la pitié barbare, disoit-elle à ses femmes, qui nous portoit à le lui cacher. Elle désiroit, dès les premiers jours de sa maladie, de recevoir les derniers sacremens; elle les a reçus enfin, et ils ont produit sur elle un effet tout contraire à celui que j'en appréhendois. Ils l'ont rendue plus calme; ils l'ont en quelque sorte rappelée à la vie, et un rayon d'espérance luit encore pour moi. Son fils, qu'elle a redemandé avec les plus vives instances, est sous ses yeux; et plût au Ciel qu'il n'y eût pas plus à craindre pour sa mère que pour lui! ma situation étant aujourd'hui plus tranquille, j'en profite pour vous raconter plus au long mes égaremens et mes malheurs.

Vous aviez pressenti les excès auxquels

mon caractère impétueux, mes passions vives et ardentes pouvoient me porter ; je n'ai que trop justifié toutes vos craintes.

Des amis indiscrets me rapportoient sans, cesse des propos ou des démarches de Lausane, qui enflammoient ma jalousie, et réalisoient à mes yeux les chimères que je m'étois formées. Des émissaires, que j'avois placés en tous lieux sur ses pas, empoisonnoient encore ses discours légers, et aggravoient chaque jour mes soupçons. Il se faisoit un jeu de ma crédulité : et voulant la faire servir à d'affreux projets, que lui-même m'a dévoilés, croyant d'ailleurs qu'avec le crédit et l'autorité dont il jouissoit, je n'oserois jamais faire avec lui d'une prétendue galanterie une affaire sérieuse, il mit enfin, par la plus abominable invention, le comble à ses noirceurs. Il montra à ceux dont j'avois fait mes confidens, un portrait d'Émilie, accompagné d'une lettre qui paroissoit écrite de sa main, et dans laquelle, après un préambule assez naturel sur les soins qu'elle avoit toujours apportés à déguiser à mes yeux son attachement pour lui, elle lui recommandoit de nouveau de s'observer devant moi avec plus d'attention, et lui envoyoit un gage de sa

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