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A Paris, le 1er septembre 1694.

DIEU ma belle gouvernante, adieu, madame la Comtesse, adieu, divine Pauline, adieu, monsieur le cheva

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lier et tous les charmants habitants du palais d'Apollidon ; je pars de ce pas pour Tonnerre et pour Anci-le-Franc, et je m'abandonne, avec soumission, à mon étoile errante, qui ne me guide point trop mal. Madame de Louvois, contre l'avis des sottes gens

1. Palais de féerie dans le roman des Amadis.

qui s'opposoient à son voyage, en lui disant qu'une femme aussi riche et aussi heureuse qu'elle ne doit jamais passer Meudon, a pris courage et part, sans écouter davantage tous les flatteurs de sa cour; cependant, si elle alloit tomber malade, jugez de l'embarras et des repentirs qui nous suffoqueroient; mais il faut espérer que Dieu nous conservera tous en vie et en santé. Toujours est-il vrai, qu'il n'y a point actuellement d'air plus détestable que celui de Paris, où tout le monde est malade et meurt.

L'évangile du jour est la mort du maréchal d'Humières, qui mourut hier à Versailles1; l'on a attendu si tard à lui dire qu'il alloit mourir, de peur de l'effrayer, qu'il a fallu recourir à M. l'évêque de Troyes, pour tourner à bien ses derniers moments, dans lesquels il a reçu ses sacrements. Voilà un beau sujet de faire des réflexions. Le public donne déjà tous les grands postes qu'il occupoit; je ne sais si le roi sera de même goût; je souhaite du moins que le public ne se trompe pas, lorsqu'il donne l'artillerie au maréchal de Villeroi 2. La

1. Louis de Crévant, marquis d'Humières, maréchal de France, mourut à Versailles assez brusquement, dit Saint-Simon.

2. La charge de grand-maître de l'artillerie de France fut donnée, le lendemain, au duc du Maine.

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maréchale et la duchesse suivirent hier le roi à Marly; cela me paroît d'un bon augure. La maison d'Humières, au surplus, est ruinée de fond en comble; il n'y eut jamais une telle déroute la maréchale n'aura point de pain, au pied de la lettre; autre sujet encore de réflexion sur la mauvaise conduite. La maréchale', qui vint hier débarquer chez sa fille d'Isenghien2, se retire, aujourd'hui, chez les Filles de la Croix, dans le faubourg Saint-Antoine, sous les auspices de l'abbé d'Effiat, qui pourra lui servir de caution envers les religieuses.

Madame de Coulanges se porte assez joliment; elle a envoyé à son marquis (Carette, son médecin) une tabatière d'or, pesant deux cents écus et coûtant dix louis de façon, sous prétexte qu'elle avoit du tabac meilleur que le sien. Le marquis n'a pas daigné seulement l'en remercier, et a publié qu'elle lui avoit fait un présent, où il y avoit plus d'invention que de magnificence; il prétend lui avoir donné pour deux cent cinquante pistoles de bouteilles (de son élixir): jamais il n'y eut un homme plus extravagant et Madame de Coulanges est bien heureuse

1. Louise-Antoinette-Thérèse de La Châtre. 2. Marie-Thérèse de Crévant d'Humières, femme de Jean-Alphonse de Gand, prince d'Isenghien.

d'en être défaite. Je la quitte avec quelque repos, par le bon état où je la laisse. Adieu, mon aimable gouvernante, je m'en vais être plus près de vous de quarante-cinq lieues, et dans le voisinage de Bourbilly, si je ne me trompe; je trouverai peut-être les bois de Chantal sur mon chemin, et ils me feront plaisir, quand je les entendrai nommer. Je vous embrasse, ma belle Madame, avec une tendresse infinie. Écrivez-moi toujours, quand cela vous conviendra ; j'ai prié madame de Coulanges de m'envoyer toutes vos lettres; ainsi, ne nous séparez point cela seroit inutile, puisque les siennes me viendront, après qu'elle les aura lues.

1323.

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A Grignan, le 9 septembre 1694.

'AI reçu plusieurs de vos lettres, mon cher cousin ; il n'y en a point de perdues; ce seroit grand dom

mage elles ont toutes leur mérite particulier et font la joie de toute notre so

1. M. de Coulanges étoit alors à Anci-le-Franc, chez madame de Louvois.

ciété. Ce que vous mettez pour adresse sur la dernière, en disant adieu à tous ceux que vous nommez, ne vous a brouillé avec personne : Au château royal de Grignan. Cette adresse frappe, donne tout au moins le plaisir de croire que dans le nombre de toutes les beautés dont votre imagination est remplie, celle de ce chàteau, qui n'est pas commune, y conserve toujours sa place et c'est un de ses plus beaux titres. Il faut que je vous en parle un peu, puisque vous l'aimez. Ce vilain degré par où l'on montoit dans la seconde cour, à la honte des Adhémars, est entièrement renversé et fait place au plus agréable qu'on puisse imaginer; je ne dis point grand, ni magnifique, parce que ma fille n'ayant pas voulu jeter tous les appartements par terre, il a fallu se réduire à un certain espace, où l'on a fait un chef-d'œuvre. Le vestibule est beau et l'on y peut manger fort à son aise; on y monte par un grand perron; les armes de Grignan sont sur la porte: vous les aimez, c'est pourquoi je vous en parle. Les appartements des prélats, dont vous ne connoissez que le salon, sont meublés fort honnêtement, et l'usage que nous en faisons est très-délicieux. Mais puisque nous y sommes, parlons un peu de la cruelle et continuelle chère que l'on y fait, surtout en ce temps-ci; ce ne sont pourtant que les mêmes.

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