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CHAPITRE II

L'ANTINOMIE DE LA RAISON PURE

Nous avons montré, dans l'introduction à cette partie de notre ouvrage, que toute l'apparence transcendantale de la raison pure repose sur des inférences dialectiques dont la Logique donne le schème dans les trois espèces formelles de raisonnements en général, à peu près comme les catégories trouvent leur schème logique dans les quatre fonctions de tous les jugements. La première espèce de ces raisonnements sophistiques tendait à l'unité inconditionnée des conditions subjectives de toutes les représentations en général (du sujet ou de l'âme), en correspondance avec les raisonnements catégoriques dont la majeure énonce, à titre de principe, le rapport d'un prédicat à un sujet. La deuxième espèce d'arguments dialectiques aura donc pour contenu, par analogie avec les raisonnements hypothétiques, l'unité inconditionnée des conditions objectives dans le phénomène. Quant à la troisième espèce, dont il sera question dans le chapitre suivant, elle a pour thème l'unité inconditionnée des conditions objectives de la possibilité des objets en général.

Mais il est à remarquer que le paralogisme transcendantal n'a produit qu'une apparence partielle par rapport à l'idée du sujet de notre pensée et que l'assertion du contraire ne reçoit pas la moindre apparence tirée de concepts rationnels. L'avantage est entièrement du côté du pneumatisme, bien que cette doctrine ne puisse désavouer le vice originel qui fait qu'en dépit de toute l'apparence qui lui est favorable, elle s'en va toute en fumée dans le creuset de la Critique.

11 en est tout autrement quand nous appliquons la raison. à la synthèse objective des phénomènes; elle croit, avec beaucoup d'apparence, y rendre valable son principe de l'unité inconditionnée, mais elle s'embrouille bientôt dans de telles contradictions qu'elle est forcée de renoncer à ses prétentions en matière cosmologique.

Ici se présente, en effet, un nouveau phénomène de la raison humaine, je veux dire une antithétique toute naturelle où nul n'a besoin de subtiliser et de tendre ingénieusement des pièges pour y entraîner la raison qui, au contraire, y tombe d'elle

même et inévitablement; et, sans doute, elle se trouve préservée par là de l'assoupissement d'une persuasion imaginaire que produit une apparence unique, mais en même temps elle court le danger de s'abandonner au désespoir sceptique ou de prendre une suffisance dogmatique et de s'entêter opiniâtrement dans certaines assertions, sans vouloir prêter l'oreille aux raisons du contraire et leur rendre justice. C'est la mort de la saine philosophie, mais toutefois on peut dire, dans le premier cas, que la raison trouve une belle mort (Euthanasie).

Avant d'exposer les scènes de désordre et de déchirement qu'engendre ce conflit des lois (antinomie) de la raison pure, nous allons donner quelques explications qui pourront éclaircir et justifier la méthode dont nous nous servons dans l'exposition de notre objet. J'appelle toutes les idées transcendantales, en tant qu'elles concernent la totalité absolue dans la synthèse des phénomènes, des concepts cosmologiques, d'une part, à cause de cette totalité inconditionnée sur laquelle se fonde le concept de l'univers, qui n'est lui-même qu'une idée; d'autre part, parce qu'elles tendent uniquement à la synthèse des phénomènes, et, par suite, à la synthèse empirique, tandis qu'au contraire la totalité absolue dans la synthèse des conditions de toutes les choses possibles en général donne lieu à un idéal de la raison pure, qui est tout à fait différent du concept cosmologique, bien qu'il soit en relation avec lui. C'est pourquoi, de même que les paralogismes de la raison pure étaient le fondement d'une psychologie dialectique, de même l'antinomie de la raison pure exposera les principes transcendantaux d'une prétendue cosmologie pure (rationnelle), non, sans doute, pour la trouver valable et se l'approprier, mais, comme l'indique déjà le terme de conflit de la raison, afin de la représenter dans son apparence (Scheine) éblouissante, bien que fausse, comme une idée qui ne peut se concilier avec les phénomènes (Erscheinung).

PREMIÈRE SECTION

Système des idées cosmologiques.

Afin de pouvoir énumérer ces idées suivant un principe et avec une précision systématique, nous devons remarquer d'abord que c'est seulement de l'entendement que peuvent émaner des concepts purs et transcendantaux; que la raison

ne produit proprement aucun concept, mais qu'elle ne fait qu'affranchir le concept de l'entendement des restrictions inévitables d'une expérience possible, et qu'ainsi elle cherche à l'étendre au delà des limites de l'empirique, tout en restant en rapport avec lui. C'est ce qui a lieu par cela même qu'elle exige pour un conditionné donné une totalité absolue du côté des conditions (auxquelles l'entendement soumet tous les phénomènes de l'unité synthétique), et qu'elle fait ainsi de la catégorie une idée transcendantale pour donner une perfection absolue à la synthèse empirique, en la poursuivant jusqu'à l'inconditionné (qui ne se trouve jamais dans l'expérience, mais seulement dans l'idée). La raison l'exige en vertu de ce principe: Si le conditionné est donné, est aussi donnée la somme entière des conditions et, par conséquent, l'inconditionné absolu, qui seul rend le conditionné possible. Ainsi, premièrement, les idées transcendantales ne seront, à proprement parler, rien autre chose que les catégories étendues jusqu'à l'inconditionné, et on pourra les ramener à une table ordonnée suivant les titres de ces dernières. Mais, secondement, il faut remarquer que toutes les catégories ne sont pas bonnes pour cela, mais seulement celles où la synthèse constitue une série, et même une série de conditions subordonnées (et non coordonnées) entre elles; par rapport à un conditionné, la totalité absolue n'est exigée par la raison qu'en tant qu'elle porte sur la série ascendante des conditions nécessaires pour un conditionné donné, et non, par conséquent, lorsqu'il s'agit de la ligne descendante des conséquences, ni même de l'assemblage des conditions coordonnées relativement à ces conséquences. En effet, par rapport à un conditionné donné, sont déjà supposées des conditions qu'il faut considérer comme données avec lui, au lieu que, comme les conséquences ne rendent pas leurs conditions possibles, mais bien plutôt les présupposent, on n'a pas à s'inquiéter, dans la progression des conséquences (ou dans la régression d'une condition donnée au conditionné), si la série cesse ou non, et, en général, la question relative à leur totalité n'est nullement une supposition de la raison.

On conçoit nécessairement comme donné (bien que pour nous il ne soit pas déterminable) un temps complètement écoulé jusqu'au moment présent. Mais comme le temps à venir n'est pas la condition nécessaire pour arriver au temps présent, il

est tout à fait indifférent, pour comprendre celui-ci, de traiter le temps futur de telle ou telle manière, c'est-à-dire de le faire cesser à un certain moment ou de le prolonger à l'infini. Soit la série, m, n, o, où n est donné comme conditionné par rapport à m, mais en même temps comme condition de o; supposons que cette série aille en remontant du conditionné n àm (l, k, i, etc.), et qu'elle aille ainsi en descendant de la condition n jusqu'au conditionné o (p, q, r, etc.): il me faut alors supposer la première série pour considérer n 'comme donné, et n n'est possible qu'au moyen de cette série suivant la raison (la totalité des conditions). Mais sa possibilité ne repose pas sur la série suivante o, p, q, r, que l'on ne peut pas, par conséquent, considérer comme donnée, mais seulement comme donnable (dabilis).

J'appellerai régressive dans une série la synthèse qui porte sur les conditions, par conséquent celle qui part de la condition la plus voisine du phénomène donné pour remonter aux conditions les plus éloignées, et progressive, celle qui, du côté du conditionné, s'élève de la conséquence la plus proche aux conséquences plus éloignées. La première porte sur les antécédents, la seconde, sur les conséquents. Les idées cosmologiques s'occcupent donc de la totalité de la synthèse régressive, remontent aux antécédents et ne descendent pas aux conséquents. Descendre aux conséquents, ce serait traiter un problème arbitraire et non nécessaire de la raison pure, puisque, pour arriver à la compréhension complète de ce qui nous est donné dans le phénomène, nous avons besoin de principes, mais non de conséquences.

Or, pour dresser la table des idées d'après la table des catégories, nous prendrons d'abord les deux quanta originaires de toute notre intuition, le temps et l'espace. Le temps est en soi une série (et la condition formelle de toutes les séries) et c'est pourquoi il est possible d'y distinguer a priori, par rapport à un présent donné, les antécédents, comme conditions (le passé) des conséquents (de l'avenir). L'idée transcendantale de la totalité absolue de la série des conditions pour un conditionné donné ne porte donc que sur tout le temps passé. D'après l'idée de la raison, tout le temps écoulé sera nécessairement pensé comme donné en qualité de condition du moment donné. Mais pour ce qui est de l'espace, il n'y a pas à distinguer en lui de progression et de régression,

puisqu'il constitue un agrégat et non une série, toutes ses parties existant simultanément. Je ne puis considérer le moment présent que comme conditionné par rapport au temps passé, mais jamais comme condition de ce temps, puisque ce moment n'est produit tout d'abord que par le temps écoulé (ou plutôt par l'écoulement du temps précédent). Mais comme les parties de l'espace ne sont pas subordonnées, mais coordonnées entre elles, une partie n'est donc pas la condition de la possibilité d'une autre, et ainsi l'espace ne constitue pas en soi une série comme le temps. Cependant, la synthèse des diverses parties de l'espace, au moyen de laquelle nous l'appréhendons, est successive, s'effectue ainsi dans le temps et renferme une série. Et comme dans cette série d'espaces agrégés (par exemple, de pieds dans une perche), à partir d'un espace donné, ceux qu'on y ajoute par la pensée, sont toujours la condition des limites des précédents, la mesure d'un espace doit être aussi considérée comme une synthèse d'une série de conditions relatives à un conditionné donné; seulement, le côté des conditions n'est pas différent en soi du côté où se trouve le conditionné, et, par conséquent, dans l'espace, la régression et la progression semblent être identiques. Cependant, puisqu'une partie de l'espace n'est pas donnée, mais seulement limitée par les autres, il nous faut (muss) regarder tout espace limité, à ce titre, comme conditionné, puisqu'il suppose un autre espace comme la condition de ses limites, et ainsi de suite. Au point de vue de la limitation, la progression dans l'espace est donc aussi une régression, et l'idée transcendantale de la totalité absolue de la synthèse dans la série des conditions concerne aussi l'espace, et je puis tout aussi bien poser une question sur la totalité absolue du phénomène dans l'espace que sur celle du phénomène dans le temps écoulé. Y a-t-iljamais pour ces questions de réponse possible? c'est ce que nous verrons plus tard.

En second lieu, la réalité dans l'espace, c'est-à-dire la matière, est un conditionné qui a pour conditions internes les parties de l'espace, et pour conditions éloignées les parties des parties, de telle sorte qu'il y a ici une synthèse régressive dont la raison exige l'absolue totalité, et qui ne peut avoir lieu que par une division complète où la réalité de la matière se réduit soit à rien, soit à ce qui n'est plus matière, je veux dire au simple. Il y a donc encore ici une

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