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ment quelque chose d'existant. Mais ce fondement s'écroule quand il ne repose pas sur le roc immobile de l'absolument nécessaire. Ce dernier à son tour reste lui-même suspendu sans appui, s'il y a encore, en dehors de lui et sous lui, un espace vide et s'il ne remplit pas tout lui-même, d'où il résulte qu'il ne laisse plus aucune place au pourquoi, et qu'il a une réalité infinie.

S'il existe quelque chose, quoi que ce soit, il faut accorder aussi que quelque chose existe nécessairement. Car le contingent n'existe que sous la condition d'autre chose, à titre de cause, et le même raisonnement s'applique à celle-ci jusqu'à ce qu'on arrive à une cause qui n'est plus contingente et qui, par cela même, existe nécessairement sans conditions. Tel est l'argument sur lequel la raison fonde sa progression vers l'être originaire.

Or, si la raison cherche le concept d'un être à qui convienne une prérogative d'existence telle que la nécessité inconditionnée, ce n'est pas tant pour conclure alors a priori du concept de cet être à son existence (car si elle osait procéder ainsi, elle n'aurait, en général, qu'à chercher parmi de simples concepts, sans avoir besoin de prendre pour fondement une existence donnée); c'est seulement pour trouver, parmi tous les concepts des choses possibles, celui qui n'a rien en soi de contraire à la nécessité absolue. Qu'il doive exister, en effet, quelque chose d'absolument nécessaire, c'est ce qu'elle tient pour déjà établi par le premier raisonnement. Si donc elle peut écarter tout ce qui ne s'accorde pas avec cette nécessité, sauf une chose, cette chose sera l'être absolument nécessaire, que l'on puisse ou non en comprendre la nécessité, c'est-à-dire la dériver de son concept seul.

Or, il semble que ce dont le concept renferme la raison de toutes choses, et une raison qui n'est en défaut dans aucun cas et sous aucun point de vue et qui suffit partout comme condition, soit, par là même, l'être à qui convient la nécessité absolue, puisque, possédant par lui-même toutes les conditions de tout le possible, il n'a besoin lui-même d'aucune condition et qu'il n'en est même pas susceptible, et que, par suite, du moins d'un côté, il satisfait au concept de la nécessité inconditionnée, ce que ne peut faire comme lui tout autre concept qui, étant défectueux et manquant de complément, ne montre jamais en lui-même un pareil caractère

d'indépendance à l'égard de toutes les conditions ultérieures. Il est vrai qu'on ne peut pas encore conclure sûrement de cela que ce qui ne renferme pas en soi la condition suprême et parfaite sous tous les rapports doive être, par là même, conditionné quant à son existence; mais il lui manque cependant le caractère d'existence inconditionnée qui seul rend la raison capable de reconnaître un être comme inconditionné au moyen d'un concept a priori.

Le concept d'un être doué de la réalité suprême serait, par conséquent, parmi tous les concepts de choses possibles, celui qui conviendrait le mieux au concept d'un être inconditionnellement nécessaire, et, alors même qu'il n'y satisferait pas pleinement, nous n'avons pas le choix et nous nous voyons forcés, au contraire, de nous y tenir, parce que nous ne pouvons pas jeter au vent l'existence d'un être nécessaire; mais, en accordant cette existence, nous ne pouvons, cependant, rien trouver, dans tout le champ de la possibilité, qui puisse élever une prétention fondée à une telle prérogative dans l'existence.

Telle est donc la marche naturelle de la raison humaine. Elle se persuade tout d'abord de l'existence de quelque être nécessaire. Elle reconnaît dans cet être une existence inconditionnée. Or, elle cherche le concept de ce qui est indépendant de toute condition et elle le trouve dans ce qui est en soi la condition suffisante de tout le reste, c'est-à-dire dans ce qui contient toute réalité. Mais le tout sans limites est unité absolue et il implique le concept d'un être unique, c'est-à-dire de l'Être suprême; et la raison conclut ainsi que l'Être suprême, comme principe fondamental de toutes choses,

existe d'une manière absolument nécessaire.

On ne saurait refuser à ce concept une certaine solidité quand il s'agit de décider, c'est-à-dire quand une fois l'existence de quelque être nécessaire est accordée et que l'on convient d'en embrasser la cause, où que l'on veuille le placer: car alors, on ne peut pas faire un choix plus convenable, ou plutôt on n'a pas le choix, mais on est obligé de donner son suffrage à l'unité absolue de la réalité parfaite, comme à la source originaire de la possibilité. Mais si rien ne nous. pousse à nous décider et que nous préférions laisser de côté toute cette affaire, jusqu'à ce que nous soyons contraints à consentir par le seul poids des arguments, c'est-à-dire s'il

ne s'agit que de juger simplement ce que nous savons de ce problème et ce que nous nous flattons seulement de savoir, alors il s'en faut de beaucoup que le raisonnement précédent se montre dans une posture aussi avantageuse, et il a besoin que la faveur supplée à son manque de titres légitimes.

En effet, admettons comme bien établi tout ce qui nous est ici présenté, à savoir que, premièrement, de quelque existence donnée (ne fût-ce, au moins, que de la mienne propre), on peut conclure légitimement à l'existence d'un être inconditionnellement nécessaire, et que, secondement, on doit regarder comme absolument inconditionné un être qui contient toute réalité et, par suite, aussi toute condition, ce qui nous fait trouver le concept d'une chose à laquelle convient la nécessité absolue; nous ne pouvons, pourtant, nullement en conclure que le concept d'un être limité, qui n'a pas la réalité suprême, répugne, pour cela même, à la nécessité absolue. Car, bien que je ne rencontre pas dans le concept de cet être l'inconditionné qui implique déjà par lui-même le tout des conditions, on ne peut cependant pas en conclure que son existence doive être par là même conditionnée; pas plus qu'on ne peut dire dans un raisonnement hypothétique: là où n'est pas une certaine condition (à savoir, ici, la perfection suivant des concepts), là n'est pas non plus le conditionné. Il nous sera plutôt permis de donner tous les autres êtres limités comme tout aussi inconditionnellement nécessaires, quoique nous ne puissions pas conclure leur nécessité du concept général que nous en avons. Mais, de cette manière, cet argument ne nous fournit pas le moindre concept des propriétés d'un être nécessaire et il n'aboutit jamais à rien du tout.

Cet argument conserve toutefois une certaine importance et un certain décorum qui, malgré son insuffisance objective, ne peuvent pourtant pas lui être enlevés tout d'un coup. Car, supposez des obligations tout à fait rigoureuses dans l'idée de la raison, mais qui seraient sans aucune réalité d'application par rapport à nous-mêmes, c'est-à-dire sans mobiles, si nous ne supposions pas un Être suprême capable de donner aux lois pratiques leur effet et leur influence (Nachdruck); nous aurións aussi dans ce cas l'obligation de suivre les concepts qui, bien que pouvant ne pas être objectivement suffisants, sont cependant décisifs, quant à la mesure de notre

raison, et en comparaison desquels nous ne connaissons rien de meilleur ni de plus convaincant. Le devoir de choisir mettrait fin, de la sorte, à l'irrésolution de la spéculation par le moyen d'une addition pratique, et même la raison, en sa qualité de juge très vigilant, ne trouverait en elle-même aucune justification si, sous l'influence de mobiles pressants, malgré l'insuffisance de ses lumières, elle ne suivait pas ces principes de son jugement qui sont, au moins, les meilleurs que nous connaissions.

Bien que cet argument soit, dans le fait, transcendantal, puisqu'il repose sur l'insuffisance intrinsèque du contingent, il est, cependant, si simple et si naturel qu'il est conforme au sens commun le plus vulgaire, dès qu'une fois il lui est présenté. On voit des choses changer, naître et périr; il faut donc que ces choses, ou du moins leur état, aient une cause. Mais toute cause qui peut jamais être donnée dans l'expérience ramène, à son tour, la même question. Or, où placerons-nous plus justement la causalité supréme, sinon dans ce qui est aussi la plus haute causalité, c'est-à-dire dans l'Être qui renferme originairement en soi la raison suffisante de tout effet possible et dont le concept est aussi déterminé (zu Stande kommt) très facilement par l'unique trait d'une perfection infinie. Nous tenons donc cette cause suprême pour absolument nécessaire, parce que nous trouvons qu'il est absolument nécessaire de s'élever jusqu'à elle et que nous n'avons aucune raison de remonter encore au-dessus d'elle. Aussi voyons-nous, chez tous les peuples, briller, à travers le polythéisme le plus aveugle, quelques étincelles du monothéisme auquel ils sont conduits non par la réflexion ou de profondes spéculations, mais seulement par une marche naturelle du sens commun s'éclairant peu à peu.

Il n'y a donc, par la raison spéculative, que trois preuves possibles de l'existence de Dieu.

Ou bien toutes les voies, que l'on a tentées dans ce but, partent de l'expérience déterminée et de la nature particulière de notre monde sensible que l'expérience nous fait connaître, et s'élèvent de là, suivant les lois de la causalité, jusqu'à la cause suprême résidant hors du monde; ou bien elles ne prennent pour point de départ empirique qu'une expérience indéterminée, c'est-à-dire une existence quel

conque; ou bien, enfin, elles font abstraction de toute expé rience et concluent, tout à fait a priori, de simples concepts à l'existence d'une cause suprême. La première preuve est la preuve physico-théologique, la deuxième, la preuve cosmologique, et la troisième, la preuve ontologique. Il n'y en a pas et il ne peut pas y en avoir d'autres.

Je démontrerai que la raison n'avance pas plus dans une voie (dans la voie empirique) que dans l'autre (dans la voie transcendantale) et que c'est vainement qu'elle déploie les ailes pour s'élever au-dessus du monde sensible par sa simple puissance de la spéculation. Pour ce qui est de l'ordre où ces diverses preuves doivent être examinées, il sera précisément l'inverse de celui que suit la raison, en se développant peu à peu, et dans lequel nous les avons d'abord représentées. On verra, en effet, que, si l'expérience en donne la première occasion, ce n'en est pas moins le simple concept transcendantal qui guide la raison dans cet effort et qui fixe à toutes ses recherches de ce genre le but qu'elle s'est proposé. Je commencerai donc par l'examen de la preuve transcendantale et je verrai, après cela, ce que l'addition de l'empirique peut ajouter à sa force démonstrative.

QUATRIÈME SECTION

De l'impossibilité d'une preuve ontologique
de l'existence de Dieu.

On voit aisément, d'après ce qui précède, que le concept d'un être absolument nécessaire est un concept pur de la raison, c'est-à-dire une simple idée dont la réalité objective est bien loin d'être encore prouvée par cela seul que la raison en a besoin, qui, d'ailleurs, ne fait que nous indiquer une certaine perfection inaccessible et qui sert proprement à limiter l'entendement plutôt qu'à l'étendre à de nouveaux objets. Or, il y a ici quelque chose d'étrange et de paradoxal : c'est que le raisonnement concluant d'une existence donnée en général à quelque existence absolument nécessaire paraît être pressant et rigoureux, et que nous avons pourtant tout à fait contre nous toutes les conditions nécessaires à l'entendement pour se faire un concept d'une telle nécessité.

On a de tout temps, parlé de l'être absolument nécessaire

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