صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

question d'un objet des sens, je ne pourrais pas confondre l'existence de la chose avec le simple concept de la chose. Car le concept ne me fait concevoir l'objet que conformément aux conditions universelles d'une connaissance empirique possible en général, tandis que l'existence me le fait concevoir comme enfermé dans le contexte de toute l'expérience; si donc, par sa liaison avec le contenu de toute l'expérience, le concept de l'objet n'est pas le moins du monde augmenté, notre pensée du moins en reçoit en plus une perception possible. Si, au contraire, nous voulons penser l'existence seulement par la pure catégorie, il n'est pas étonnant que nous ne puissions indiquer aucun criterium pour la distinguer de la simple possibilité.

Quelles que soient donc la nature et l'étendue de notre concept d'un objet, il nous faut cependant sortir de ce concept pour attribuer à l'objet son existence. Pour les objets des sens, cela a lieu au moyen de leur enchaînement avec quelqu'une de mes perceptions suivant des lois empiriques; mais pour des objets (Objecte) de la pensée pure, il n'y a absolument aucun moyen de connaître leur existence, parce qu'elle devrait être connue entièrement a priori, alors que notre conscience de toute existence (qu'elle vienne soit immédiatement de la perception, soit de raisonnements qui lient quelque chose à la perception) appartient entièrement et absolument à l'unité de l'expérience, et que si une existence hors de ce champ ne peut pas, à la vérité, être absolument déclarée impossible, elle est pourtant une supposition que nous ne pouvons justifier par rien.

Le concept d'un Être suprême est une idée très utile à beaucoup d'égards; mais, par le fait même qu'il est simplement une idée, il est incapable d'accroître par lui seul notre connaissance par rapport à ce qui existe. Il ne peut même pas nous instruire relativement à la possibilité d'une pluralité. Le caractère analytique d'une possibilité consistant en ce que de simples positions (des réalités) n'engendrent aucune contradiction, ne peut sans doute lui être contesté; mais comme la liaison de toutes les propriétés réelles dans une chose est une synthèse dont nous ne pouvons pas juger a priori la possibilité, parce que les réalités ne nous sont pas données spécifiquement (49) et que, quand même cela arriverait, il n'en résulterait aucun jugement, le caractère de la possibilité de

connaissances synthétiques ne devant jamais être cherché que dans l'expérience à laquelle l'objet d'une idée ne peut pas appartenir, il s'en faut bien que le célèbre LEIBNIZ ait fait ce dont il se flattait, c'est-à-dire qu'il soit parvenu, comme il le voulait, à connaître a priori la possibilité d'un être idéal aussi élevé.

Par conséquent, la preuve ontologique (CARTÉSIENNE) Si célèbre, qui veut démontrer par concepts l'existence d'un Être suprême fait dépenser en vain toute la peine qu'on se donne et tout le travail que l'on y consacre; nul homme ne saurait, par de simples idées, devenir plus riche de connaissances, pas plus qu'un marchand ne le deviendrait en argent, si, pour augmenter sa fortune, il ajoutait quelques zéros à l'état de sa caisse.

CINQUIÈME SECTION

De l'impossibilité d'une preuve cosmologique
de l'existence de Dieu.

Il était tout à fait contre nature, et ce fut une simple innovation de l'esprit scolastique (Schulwitzes), que de vouloir tirer d'une idée esquissée de manière tout arbitraire l'existence de l'objet même correspondant à cette idée. En fait, l'on ne se serait jamais engagé dans cette voie, si l'on n'avait auparavant senti le besoin qu'a notre raison d'admettre, pour l'existence en général, quelque chose de nécessaire (où l'on pût s'arrêter en remontant) et si, comme cette nécessité doit être inconditionnée et certaine a priori, la raison n'avait pas été obligée de chercher un concept qui satisfit, dans la mesure du possible, à une pareille exigence et fit, parfaitement a priori, connaître une existence. Or, on crut trouver ce concept dans l'idée d'un être souverainement réel, et si l'on se servit de cette idée, ce fut donc seulement pour avoir une connaissance plus déterminée d'une chose dont on avait, par ailleurs, la conviction ou la persuasion qu'elle devait exister: je veux dire, de l'être nécessaire. On déguisa, néanmoins, cette marche naturelle de la raison, et, au lieu de s'arrêter à ce concept. on essaya de commencer par lui pour en dériver la nécessité de l'existence qu'il n'était, cependant, que destiné à compléter. De là sortit cette malheureuse preuve ontologique qui

KANT

Raison pure.

22

ne contient rien de nature à satisfaire ni l'entendement naturel et sain, ni l'examen scientifique (schulgerechte).

La preuve cosmologique, que nous allons maintenant examiner, maintient l'union de la nécessité absolue avec la réalité suprême, mais, au lieu de conclure, comme la précédente, de la réalité suprême à la nécessité dans l'existence, elle conclut plutôt de la nécessité inconditionnée, préalablement donnée, de quelque être à sa réalité illimitée, et, de cette façon, du moins, elle remet tout sur la voie d'un raisonnement, dont je ne sais pas s'il est rationnel ou sophistique, mais qui est, au moins, naturel et qui emporte avec lui la plus grande persuasion, non seulement pour le vulgaire entendement, mais pour l'entendement spéculatif. Du reste, c'est visiblement cette pensée qui a tracé, pour tous les arguments de la théologie naturelle, les premiers linéaments qu'on a toujours suivis et qu'on suivra toujours, de quelques ornements qu'on les décore, sous quelques enjolivements qu'on les déguise. C'est cette preuve, que LEIBNIZ appelait aussi a contingentia mundi, que nous allons maintenant exposer et soumettre à notre examen.

Elle se formule ainsi : Si quelque chose existe, il faut aussi qu'existe un être absolument nécessaire. Or, j'existe du moins moi-même. Donc, il existe un être absolument nécessaire. La mineure contient une expérience; la majeure conclut d'une expérience en géneral à l'existence du nécessaire *. La preuve commence donc proprement par l'expérience et, par conséquent, elle n'est pas tout à fait déduite a priori ou ontologiquement; et, comme l'objet de toute expérience possible est le monde, on la nomme pour ce motif, la preuve cosmologique. Comme, d'ailleurs, elle fait abstraction de toute propriété particulière des objets de l'expérience par où ce monde se distingue de tout autre possible, elle se distingue déjà, par son titre même, de la preuve physicothéologique qui emploie comme arguments des observations tirées de la constitution particulière de notre monde sensible.

Cette argumentation est trop connue pour qu'il soit nécessaire de rexposer ici plus au long. Elle s'appuie sur cette loi naturelle soi-disant transcendantale de la causalité: que tout contingent a sa cause qui, si elle est à son tour contingente, doit de même avoir une cause, jusqu'à ce que la série des causes subordonnées les unes aux autres s'arrête à une cause absolument nécessaire, sans laquelle elle ne serait jamais complète.

Mais la preuve va plus loin et conclut qu'il n'y a qu'une seule manière de déterminer l'être nécessaire, c'est-à-dire qu'un seul de tous les prédicats possibles opposés peut le déterminer et que, par conséquent, il faut qu'il soit complètement déterminé par son concept. Or, il ne peut y avoir qu'un seul concept de choses qui détermine complètement cette chose a priori, je veux parler du concept de l'ens realissimum; donc le concept de l'être souverainement réel est le seul par lequel un être nécessaire puisse être conçu, c'est-àdire qu'il existe nécessairement un Être suprême.

Dans cette preuve cosmologique, il se présente tant de propositions sophistiques à la fois que la raison spéculative semble y avoir déployé tout son art dialectique afin de produire la plus grande apparence transcendantale possible. Nous laisserons un moment de côté son examen pour nous borner à mettre en évidence l'artifice avec lequel la raison fait passer pour nouveau un vieil argument revêtu d'un autre habit et en appelle à l'accord de deux témoins, je veux dire au témoin qu'est la raison pure et à un autre dont le témoignage est empirique, tandis que c'est le premier seul qui change simplement de costume et de voix pour se faire passer pour le second. Pour se donner un fondement solide, cette preuve s'appuie sur l'expérience et se donne ainsi l'apparence de différer de l'argument ontologique, qui met toute sa confiance en de simples concepts purs a priori. Mais la preuve cosmologique ne se sert de cette expérience que pour faire un seul pas, c'est-à-dire pour s'élever à l'existence d'un être nécessaire en général. L'argument empirique ne peut rien apprendre concernant les attributs de cet être; et alors la raison prend tout à fait congé de lui et cherche, derrière de simples concepts, quels doivent être les attributs d'un être absolument nécessaire en général, c'est-à-dire d'un être qui, parmi toutes les choses possibles, renferme les conditions requises (les requisita) pour une nécessité absolue. Or, elle ne croit rencontrer ces conditions uniquement que dans le concept d'un être souverainement réel et elle conclut alors que cet être est l'être absolument nécessaire. Mais il est clair que l'on suppose ici que le concept d'un être de la réalité la plus parfaite satisfait pleinement au concept de la nécessité absolue dans l'existence, c'est-à-dire qu'on peut conclure de la première à la seconde ; c'est là une proposition que soutenait

[merged small][ocr errors][ocr errors]

l'argument ontologique. On introduit donc ce dernier dans la preuve cosmologique, à laquelle on le fait servir de fondement, alors qu'on avait voulu cependant l'éviter. La nécessité absolue est, en effet, une existence tirée de simples concepts. Or, si je dis que le concept de l'être souverainement réel (entis realissimi) est un concept de cette espèce et qu'il est le seul à être conforme et adéquat à l'existence nécessaire, il me faut accorder aussi que cette dernière en peut être conclue. Ce n'est donc proprement que dans la preuve ontologique par simples concepts que réside toute la force de ce qu'on prétend être une preuve cosmologique, et l'expérience, à laquelle on croit faire appel, est tout à fait inutile, peutêtre, pour ne nous mener qu'au concept de la nécessité absolue, mais, à coup sûr, elle ne l'est pas pour nous montrer cette nécessité dans une chose déterminée. En effet, dès que nous nous proposons ce but, il nous faut aussitôt abandonner toute expérience et chercher parmi des concepts purs, celui d'entre eux qui peut bien renfermer les conditions de la possibilité d'un être absolument nécessaire. Il suffit, de cette

nière, qu'on voie la possibilité d'un être de ce genre pour que son existence soit aussi démontrée; car cela revient à dire que dans tout le possible il y a un être qui implique la nécessité absolue, c'est-à-dire que cet être existe d'une manière absolument nécessaire.

Il est très facile de faire voir toutes les illusions que contient ce raisonnement, en ramenant ses arguments à la forme syllogistique. Voici comment on peut le faire.

Si cette proposition est juste: tout être absolument nécessaire est en même temps l'être souverainement réel (et c'est là le nervus probandi de la preuve cosmologique), cette proposition doit pouvoir, comme tous les jugements affirmatifs, se convertir au moins per accidens, et alors, on aura: quelques êtres souverainement réels sont en même temps des étres absolument nécessaires. Or un ens realissimum ne differe d'un autre sous aucun rapport et, par conséquent, ce qui s'applique à quelques êtres contenus dans ce concept s'applique aussi à tous. Donc, je pourrai (dans ce cas) convertir aussi la proposition absolument et dire tout être souverainement réel est un être nécessaire. Or, comme cette proposition est déterminée a priori par ses seuls concepts, il faut que le simple concept de l'être le plus réel implique

« السابقةمتابعة »