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toutes les vues de la raison. Cependant elles ont, sous le rapport de l'évidence, un avantage sur les preuves directes, en ce que la contradiction emporte toujours avec elle plus de clarté dans la représentation que ne saurait le faire la meilleure synthèse et qu'elle s'approche ainsi davantage du caractère intuitif d'une démonstration.

Le vrai motif pour lequel on se sert de preuves apagogiques dans diverses sciences, c'est que, quand les principes d'où l'on doit dériver une certaine connaissance sont trop divers ou trop profondément cachés, on cherche à voir si l'on ne pourrait pas l'atteindre par les conséquences. Or, le modus ponens qui conclut la vérité d'une connaissance de la vérité de ses conséquences n'est permis que si toutes les conséquences possibles qui en découlent sont vraies; car alors il ne peut y avoir qu'un seul principe qui est, par conséquent, le vrai. Mais ce procédé est impraticable, parce qu'il est au-dessus de nos forces d'apercevoir toutes les conséquences possibles d'une proposition admise, quelle qu'elle soit; on se sert cependant de cette manière de raisonner, bien qu'avec une certaine complaisance, quand il s'agit de prouver simplement quelque chose à titre d'hypothèse, en admettant ce raisonnement par analogie que, si toutes les autres conséquences qu'on a cherchées concordent bien avec le principe admis, toutes les autres conséquences possibles. devront aussi s'accorder avec lui. C'est pour cela qu'une hypothèse ne peut jamais être ainsi transformée en vérité démontrée. Le modus tollens des raisonnements qui concluent des conséquences aux principes ne prouve pas seulement rigoureusement, mais encore avec beaucoup de facilité. Car il suffit qu'une seule fausse conséquence puisse être tirée d'un principe pour que ce principe soit faux. Or, si, au lieu de parcourir dans une preuve ostensive toute la série des principes qui peut conduire à la vérité d'une connaissance, grâce à la complète intelligence de sa possibilité, on peut trouver une seule conséquence fausse parmi celles qui découlent du principe contraire, ce contraire est faux aussi et, par suite, la connaissance qu'on avait à prouver est vraie.

Mais la démonstration apagogique ne peut être permise que dans les sciences où il est impossible de substituer le subjectif de nos représentations à l'objectif, je veux dire à la connaissance de ce qui est dans l'objet. Là où domine l'objec

tif, il doit arriver fréquemment ou bien que le contraire d'une certaine proposition contredise simplement aux conditions subjectives de la pensée, mais non à l'objet, ou bien que les deux propositions ne se contredisent l'une l'autre que sous une condition subjective, que l'on prend faussement comme objective, et que, comme la condition est fausse, toutes deux peuvent être fausses, sans que de la fausseté de l'une on puisse conclure la vérité de l'autre.

Dans la mathématique cette subreption est impossible: c'est pourquoi les preuves apagogiques y trouvent leur vraie place. Dans la physique, où tout se fonde sur des intuitions empiriques, cette subreption, il est vrai, peut, la plupart du temps, être prévenue par un grand nombre d'observations comparées; cependant cette argumentation y est, la plupart du temps, de nulle valeur. Mais les tentatives transcendantales de la raison pure sont toutes faites dans le propre médium de l'apparence dialectique, c'est-à-dire du subjectif, qui s'offre ou même qui s'impose à la raison comme objectif dans ses prémisses. Or, en ce qui concerne les propositions synthétiques, il ne peut pas ici être permis de justifier ses affirmations en en réfutant le contraire. En effet, ou bien cette réfutation n'est autre chose que la simple représentation du conflit de l'opinion opposée avec les conditions subjectives qui permettent à notre raison de comprendre et cela ne

sert à rien pour rejeter la chose même (c'est ainsi, par exemple, que la nécessité inconditionnée dans l'existence d'un être ne peut pas du tout être comprise par nous et s'opposer à bon droit, par conséquent, d'une manière subjective à toute preuve spéculative d'un Être suprême nécessaire, mais se refuse à tort à la possibilité d'un tel être en soi); ou bien les deux parties, aussi bien celle qui affirme que celle qui nie, trompées par l'apparence transcendantale, prennent pour fondement un concept impossible de l'objet, et alors s'applique la règle non entis nulla sunt prædicata, c'est-àdire que ce qu'on affirme et ce que l'on nie de l'objet est, de part et d'autre, inexact, et qu'il est impossible d'arriver apagogiquement, par la réfutation du contraire, à la connaissance de la vérité. Ainsi, par exemple, si l'on suppose que le monde sensible est donné en soi quant à sa totalité, il est faux alors qu'il soit ou bien infini dans l'espace, ou bien fini et limité, parce que les deux choses sont fausses. Car des

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phénomènes (comme simples représentations) qui seraient cependant données en soi (comme objets Objecte) sont quelque chose d'impossible et l'infinité de ce tout imaginaire serait, il est vrai, inconditionnée, mais (puisque tout est conditionné dans les phénomènes) elle serait contradictoire avec la détermination quantitative inconditionnée, qui est cependant supposée dans le concept.

La démonstration apagogique est aussi le vrai prestige auquel se sont laissé prendre ceux qui admirent la solidité de nos raisonneurs dogmatiques; elle est, pour ainsi dire, le champion qui veut prouver l'honneur et le droit inattaquables du parti qu'il a embrassé, en s'engageant à croiser le fer avec tous ceux qui voudraient en douter, bien que cette fanfaronnade ne prouve rien en faveur de la chose, mais qu'elle montre uniquement les forces respectives des adversaires ou seulement celles de l'agresseur. Les spectateurs, voyant que chacun à son tour est tantôt vainqueur et tantôt vaincu, en prennent souvent occasion pour douter sceptiquement de l'objet même du combat. Mais ils n'ont pas raison et c'est assez de leur crier Non defensoribus istis tempus eget. Chacun doit établir sa cause au moyen d'une preuve loyalement conduite par la déduction transcendantale des arguments, c'est-à-dire directement, pour que l'on voie ce que ses prétentions rationnelles peuvent alléguer en leur faveur. En effet, si l'adversaire s'appuie sur des principes subjectifs, il est assurément aisé de le réfuter, mais sans que le dogmatique en puisse tirer aucun avantage, puisqu'il est de même attaché généralement aux principes subjectifs du jugement et qu'il peut être également mis au pied du mur par son adversaire. Mais si les deux parties procèdent directement, ou bien elles remarqueront d'elles-mêmes la difficulté et même l'impossibilité de trouver le titre de leurs affirmations et elles ne pourront en définitive s'en rapporter qu'à la prescription, ou bien la critique découvrira facilement l'apparence dogmatique et forcera la raison pure à abandonner ses prétentions exagérées dans l'usage spéculatif et à se renfermer dans les limites du terrain qui lui est propre, je veux parler des principes pratiques.

CHAPITRE II

CANON DE LA RAISON PURE

Il est humiliant pour la raison humaine de n'aboutir à rien dans son usage pur et d'avoir même encore besoin d'une discipline pour réprimer ses écarts et empêcher les illusions qui en résultent. Mais, d'un autre côté, il y a quelque chose qui l'élève et lui redonne confiance en elle-même, c'est de voir qu'elle peut et doit exercer elle-même cette discipline sans admettre une autre censure. Ajoutez à cela que les bornes qu'elle est contrainte de poser à son usage spéculatif limitent en même temps les prétentions sophistiques de tout adversaire et peuvent donc garantir de toutes les attaques tout ce qui peut rester encore à la raison de ses prétentions jadis excessives. Le plus grand et peut-être l'unique profit de la philosophie de la raison pure n'est sans doute que négatif; c'est qu'elle n'est pas un organe qui serve à étendre les connaissane. mais une discipline qui sert à en déterminer les limites, et au lieu de découvrir la vérité, elle n'a que le mérite silencieux de prévenir les erreurs.

Cependant, il doit bien y avoir une source de connaissances positives qui appartiennent au domaine de la raison pure et qui ne sont peut-être une occasion d'erreurs que par l'effet d'un malentendu, mais qui en réalité constituent le but que poursuit la raison. Car autrement, à quelle cause attribuer le désir indomptable de poser quelque part un pied ferme au delà des limites de l'expérience? Elle soupçonne des objets qui ont pour elle un grand intérêt. Elle entre dans le chemin de la spéculation pure pour se rapprocher d'eux; mais ils fuient devant elle. Elle peut sans doute espérer plus de bonheur sur l'unique voie qui lui reste encore, celle de l'usage pratique.

J'entends par canon l'ensemble des principes a priori pour l'usage légitime de certaines facultés de connaître en général. Ainsi la Logique générale, dans sa partie analytique, est un

canon pour l'entendement et pour la raison en général, mais seulement quant à la forme, car elle fait abstraction de tout contenu. Ainsi l'Analytique transcendantale a été le canon de l'entendement pur; ce dernier, en effet, est seul capable de véritables connaissances synthétiques a priori. Mais là où n'est possible aucun usage légitime d'une faculté de connaître, il n'y a point de canon. Or, toute connaissance synthétique de la raison pure dans son usage spéculatif, d'après les preuves qui ont été données jusqu'ici, est absolument impossible. Il n'y a donc pas de canon de l'usage spéculatif de la raison (car cet usage est tout à fait dialectique) et toute logique transcendantale n'est, à ce point de vue, que discipline. Par suite, s'il y a quelque part un usage légitime de la raison pure, il doit aussi y avoir, dans ce cas, un canon de cette raison et celui-ci ne devra pas concerner l'usage spéculatif, mais l'usage pratique de la raison qu'il s'agit maintenant de rechercher.

PREMIÈRE SECTION

But final de l'usage pur de notre raison.

La raison est poussée par un penchant de sa nature à sortir de l'expérience, pour s'élancer, dans un usage pur et à l'aide de simples idées, jusqu'aux extrêmes limites de toute connaissance, et à ne trouver de repos que dans l'achèvement de son cercle dan un tout systématique subsistant par lui-même. Or, cette tendance est-elle simplement fondée sur son intérêt spéculatif ou ne l'est-elle pas plutôt uniquement sur son intérêt pratique ?

Je laisserai de côté maintenant le succès qu'a la raison pure au point de vue spéculatif pour ne m'occuper que des problèmes dont la solution constitue son but final, qu'elle puisse ou non l'atteindre, but par rapport auquel tous les autres n'ont que la valeur de simples moyens. Ces fins suprêmes, d'après la nature de la raison, doivent avoir, à leur tour, leur unité afin de faire avancer en commun cet intérêt de l'humanité qui n'est subordonné à aucun autre plus élevé.

Le but final auquel se rapporte, en définitive, la spéculation de la raison dans l'usage transcendantal concerne trois

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