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tés de Tibère, il trouva que le bien l'emportoit. Cela est d'auant plus croyable, qu'il jura, dans une harangue publique, qu'il n'avoit adopté Tibère que pour le bien de la république, et qu'on voyoit dans ses lettres qu'il le regardoit comme un général consommé, comme l'unique appui de la république. Ces réflexions sont appuyées de l'autorité de Suétone.

Auguste mourut l'an de l'ère chrétienne 14. Tibère ne rendit sa mort publique qu'après s'être assuré de celle du jeune M. Agrippa. Ce fut un tribun militaire, préposé à la garde de ce prince, qui le tua, après lui avoir montré l'ordre qu'il en avoit reçu. On ne sait si Auguste avoit signé cet ordre en mourant, pour prévenir les troubles, ou si Livie l'avoit donné en son nom, de l'aveu ou à l'insu de Tibère. Quoi qu'il en soit, lorsque le tribun annonça à ce dernier qu'il avoit fait ce qu'on lui avoit commandé, il répondit qu'il n'avoit donné aucun ordre, et que le sénat en jugeroit; mais ce n'étoit que pour n'etre pas chargé publiquement de l'odieux de ce meurtre, car il n'en fut jamais plus question.

Il convoqua le sénat en vertu de sa dignité de tribun; et ayant commencé à parler, tout d'un coup il s'arrêta comme étouffé de sanglots et succombant à sa douleur. Il auroit désiré, disoitil, perdre la vie avec la parole; et il donna son discours à lire à son fils Drusus. On apporta ensuite le testament d'Auguste :

parmi ceux qui l'avoient signé, on ne laissa approcher que les sénateurs; les autres reconnurent de loin leur signature. Ce fut un affranchi qui le lut. II commençoit par ces mots : Puisqu'un sort funeste m'a enlevé Caïus et Lucius, je nomme Tibère César héritier pour les deux tiers de ma succession; ce qui contribua encore à faire penser qu'il n'avoit jeté les yeux sur Tibère que par nécessité et non par choix, puisqu'il s'expliquoit de cette manière.

Quoique Tibère n'eût pas balancé un moment à s'emparer du gouvernement et à en faire les fonctions; quoiqu'il en eût déjà autour de lui l'appareil et les forces, cependant il feignit long-temps de le refuser avec une impudence sans exemple, répondant aux instances de ses amis: Vous ne savez pas quel monstre c'est que l'empire; et tenant en suspens, par des réponses ambigues et une incertitude artificieuse, tout le sénat qui se répandoit en supplications et qui étoit prosterné à ses pieds, de manière que quelques-uns perdirent patience, et que l'un d'eux s'écria dans la foule: Qu'il l'accepte, ou qu'il y renonce. Un autre lui dit en face, que souvent on avoit peine à exécuter ce qu'on avoit promis; mais que pour lui il avoit peine à promettre ce qu'il avoit déjà exécuté.

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Enfin, il accepta l'empire comme malgré lui, en déplorant la misérable et onéreuse servitude dont on le chargeojt, et

faisant entendre qu'il s'en délivreroit quelque jour. Ses paroles expresses furent P'attends le moment où vous jugerez équitable d'accorder du repos c vieillesse.

à ma

C'est ainsi que Suétone raconte l'avénement de Tibère à l'empire. Tacite en parle à peu près de même; il nous apprend que, pendant que Tibère amusoit le -sénat d'une feinte modestie, et

dont peu de gens furent les du

pes, dès qu'Auguste eut les yeux fermés, il s'empara de l'empire et des forces du gouvernement; qu'il donnoit le mot aux cohortes prétoriennes; que la garde et les autres fonctions militaires se faisoient chez lui comme chez l'empereur; que soit qu'il marchât par la ville, ou qu'il allât au sénat, il étoit toujours environné d'une troupe de soldats; qu'il ayoit même écrit aux armées pour leur notifier son avénement à l'empire, sans hésiter jamais que lorsqu'il parloit dans le sénat; et on reconnut depuis, ajoute cet auteur, que l'irrésolution apparente qu'affectoit Tibère tendoit à pénétrer la disposition des sénateurs, et qu'il fit périr dans la suite ceux qui se déclarèrent trop républicains, et qui furent assez imprudens pour laisser voir qu'ils avoient pénétré ses intentions.

Velléius Paterculus, au contraire, représente Tibère, après la mort d'Auguste, comme un homme qui connoissoit tout le bonheur de la vie privée, qui vouloit vivre dans l'égalité d'un

simple citoyen, et qui faisoit connoître qu'il regardoit comme le comble de sa gloire de pouvoir rétablir la république sur ses anciens fondemens et dans sa première liberté. Enfin, dit Velléius Paterculus, Tibère se laissa vaincre, plutôt par la raison que par l'ambition. La crainte seule que l'état ne périt, s'il n'en prenoit le gouvernement, le détermina à s'en charger; et il fut, ajoute l'auteur cité, presque plus longtemps à refuser l'empire par modestie, que ses prédécesseurs n'en avoient employé pour s'en emparer par la violence et par la voie des armes.

Quoi qu'il en soit, Tibère avoit des raisons pour balancer de prendre en mains les rênes du gouvernement. Plusieurs dangers le menaçoient, et il disoit souvent qu'il tenoit le loup par les oreilles. Un esclave de M. Agrippa, nommé Clémius, avoit rassemblé une troupe assez forte pour venger la mort de son maître; et L. Scribonius Libon, homme noble, avoit des desseins secrets et méditoit une révolution. Les troupes s'étoient soulevées en Illyrie et en Germanie. Elles faisoient plusieurs demandes extraordinaires; surtout elles vouloient avoir la même paie que les soldats prétoriens. Quelques-uns refusoient de reconnoître un prince qu'ils n'avoient point élu, et pressoient Germanicus leur commandant de s'emparer du trône; mais il s'en défendit avec fermeté. C'est surtout de ce côté que Tibère

avoit des alarmes. Il offrit de ne prendre du gouvernement que la part que le sénat voudroit lui laisser, avouant qu'il ne se sentoit pas la force de porter ce far deau tout entier, et qu'il avoit besoin de le partager avec un ou plusieurs collègues. Il feignit aussi d'être malade, afin que Germanicus attendît plus patiemment, ou une succession prochaine, ou le partage de la souveraineté. Les séditions furent apaisées; Clémius fut pris par trahison. A l'égard de L. Scribonius Libon, Tibère ne voulant pas commencer son règne par des rigueurs, attendit un au pour le convaincre dans le sénat, et jusque-là se tint en garde contre lui.

Délivré de toute crainte, Tibère se conduisit d'abord avec

beaucoup de modération et presque comme un simple particulier. Parmi beaucoup d'honneurs éclatans qu'on lui offroit, il n'accepta que les moindres et en petit nombre. Le jour de sa naissance s'étant rencontré avec les jeux du Cirque, il ne souffrit pas qu'on y ajoutât rien pour lui, si ce n'est un char à deux chevaux. Il ne voulut ni temples, ni prêtres, ni même de statues et d'images, à moins qu'il n'en donnât une permission spéciale, et encore à condition qu'elles ne seroient point placées parmi les statues des dieux, mais qu'elles seroient regardées comme un meuble et un

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de septembre s'appelât Tibère et celui d'octobre Livius. Il refusa le nom d'Empereur et le surnom de Père de la Patrie, ainsi que la couronne eivique, dont on voulut orner le vestibule de son palais. Il ne se servit du nom d'Auguste qui lui appartenoit par héritage, que dans ses lettres aux rois et aux souverains. Il ne fut que trois fois consul; la première, pendant peu de jours; la seconde, pendant trois mois; la troisième, absent de Rome, jusqu'aux ides de mai.

Tibère fut si ennemi de la flatterie qu'il ne souffrit jamais qu'aucun sénateur accompagnât sa litière, soit pour lui faire sa cour, soit pour lui parler d'affaires. Un homme consulaire qui lui faisoit une satisfaction voulut embrasser ses genoux. Tibère se retira si précipitamment qu'il tomba à la renverse. Si l'on parloit de lui d'une manière trop flatteuse, ou dans la conversation, ou dans. un discours public, il interrompoit celui qui parloit et le forçoit à changer ses expressions..

Un citoyen l'appela son maitre; il l'avertit de ne plus lui faire cet affront. Un autre appela ses occupations sacrées; il le reprit borieuses. Un troisième disoit et fit substituer occupations laqu'il s'étoit présenté au sénat par son ordre, il fit dire par son conseil.

Insensible aux bruits injurieux et aux libelles, il disoit souvent que dans une ville libre la langue et l'esprit devoient être libres. Le

sénat voulant connoître de ces sortes d'accusations: Nous avons assez d'affaires importantes, leur dit-il, sans nous charger encore de ce soin. Si vous entrez une fois dans ce détail, nous ne ferons plus autre chose; et, sous ce prétexte, chacun se servira de vous pour satisfaire sa haine.

On a retenu encore de lui ces

paroles dignes d'un citoyen: Si quelqu'un dit du mal de moi, je tâcherai de lui répondre par mes actions. S'il continue de me haïr, je le haïrai aussi.

Cette modération étoit d'autant plus remarquable, que lui-même étoit pour tout le monde d'une déférence qui alloit jusqu'au respect.

Il conserva une apparence de liberté, en maintenant la majesté et les priviléges du sénat et des magistratures. Il n'y eut point d'affaire, petite ou grande, publique ou particulière, dont il ne rendit compte au sénat. Il le consultoit sur les impôts, sur les monopoles, sur les édifices à construire ou à réparer, sur les levées de troupes et le congé des soldats, sur l'état des légions et des corps auxiliaires, sur la prolongation des commandemens sur la conduite des guerres étrangères, sur les réponses qu'il falloit faire aux rois, et la formule qu'il convenoit d'y observer.

Il n'entra jamais au sénat que seul. Un jour qu'il y assista en litière, parce qu'il étoit malade, il fit retirer sa suite. Il ne se plaignoit point lorsqu'on ne suivoit

pas ses avis. Un préteur désigné eut permission de s'absenter quoique Tibère eût dit que ceux qui étoient désignés magistrats devoient, pour l'honneur de leur charge, rester dans la ville, Il vouloit qu'une somme d'argent léguée aux habitans de Trebie pour construire un théâtre fût employée à construire un grand chemin. L'intention du testateur fut ratifiée malgré lui. Un jour que le sénat se partageoit, il passa à l'avis du plus petit nombre, et personne ne le suivit.

ordinaire des lois, et l'autorité Tout se passoit selon le cours des consuls étoit telle, que dés députés d'Afrique allèrent les trouver pour se plaindre de ce que César, à qui on les avoit adressés, traînoit leur affaire en longueur. Lui-même se levoit toujours devant les consuls et se rangeoit sur leur passage. Il réprimanda les proconsuls qui étoient à la tête des armées de ce qu'ils ne rendoient point compte au sénat, et de ce qu'ils demandoient son aveu pour accorder des récompenses militaires, comme s'ils n'avoient pas tout pouvoir.

Il ne parut pas moins modéré à l'égard des particuliers et pour de moindres objets. Il avoit fait venir à Rome les magistrats de Rhodes qui lui avoient adressé des lettres sans signature. Il ne leur en fit aucun reproche; il se contenta de les renvoyer avec ordre de signer leurs lettres. Il écrivit aux commandans des provinces, qui lui conseilloient d'aug

menter les tributs, qu'un bon pasteur tondoit ses brebis, mais qu'il ne les écorchoit pas.

Peu après Tibère en vint à faire e rôle d'empereur, tantôt bien, cantôt mal, mais en général de manière à bien servir l'état et à empêcher les abus. Il cassa plusieurs arrêtés du sénat. De temps en temps il s'offroit pour conseil aux magistrats assis sur leur tribunal. Il prenoit place ou à côté d'eux, ou vis-à-vis d'eux, dans un lieu plus élevé, et s'il apprenoit qu'on voulût employer la faveur pour sauver un coupable, il paroissoit tout d'un coup ou dans la place, ou dans un des tribunaux, et avertissoit les juges de leur serment, des lois et de la faute qu'ils avoient à punir. Il s'opposoit de toutes ses forces à la corruption des mœurs publiques. Il réforma la dépense des jeux et des spectacles, en restreignant le salaire des acteurs et le nombre des gladiateurs. Il se plaignit amèrement que les vases de Corinthe fussent portés à un prix exorbitant, et que trois surmulets eussent été vendus plus de trente mille sesterces. Il fut d'avis qu'on mit des bornes au luxe des meubles, et que le sénat réglât tous les ans le prix des denrées. Les édiles eurent ordre de fermer les cabarets et les lieux de débauche avec tant de sévérité, qu'ils ne permettoient pas même les boutiques de pâtisserie. Tibère, pour donner l'exemple de l'économie, faisoit servir chez lui, dans les repas les plus solennels, des viandes de la veille, di

sant que la moitié d'un sanglier étoit aussi bonne qu'un sanglier tout entier.

Il défendit les cérémonies étrangères, les rites Juifs et Égyptiens. Il obligea ceux qui les observoient à brûler les habits et les instrumens de ces religions. Il distribua la jeunesse juive dans des provinces, où l'air étoit malsain, et l'y retint par une espèce de serment militaire. Il exila de Rome le reste de cette nation et ses sectateurs, sous peine d'esclavage, s'ils y reparoissoient. Il bannit aussi les astrologues; mais il leur permit de revenir sur la promesse qu'ils lui firent de ne point exercer leur art.

la paix

Il eut soin surtout que ne fût point troublée par des brigandages et des séditions. Il disposa des corps-de-garde dans I'Italie en plus grand nombre qu'auparavant. Il établit un camp à Rome, où il rassembla les cohortes prétoriennes, dispersées auparavant dans la ville et aux environs. Il réprima sévèrement les tumultes populaires et s'ap pliqua à les prévenir. Il abolit le droit d'asile partout. Les habitans de Cyzique avoient exercé quelques violences contre des citoyens romains, il leur ôta la liberté qu'ils avoient méritée dans la guerre contre Mithridate.

Il ne fit pendant tout son règne aucune expédition militaire. C'est par ses lieutenans qu'il repoussa les ennemis, mais toujours tard et comme malgré lui. Il employa les plaintes et les menaces plus

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