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res Séjan, dont la ruine entraîna elle de beaucoup de citoyens. I l'avoit élevé au plus haut degré e puissance, non pas tant par mitié, que pour perdre par ses rtifices les enfans de Germaicus, et assurer l'empire à son etit-fils Tibère, fils de Drusus. Il ne fut pas plus doux envers es littérateurs grecs, avec qui I vivoit le plus familièrement; émoins Zénon qu'il bannit, et e grammairien Seleucus qu'il fit nourir. La férocité et la pesaneur de son esprit se firent connoître dès sou enfance. Son maître de rhétorique parut le juger de bonne heure, et le caractériser parfaitement, en disant de lui: C'est de la boue détrempée dans du sang. Il lui échappa des traits de cruauté, mème dans les commencemens de son règne, où il cherchoit à gagner la faveur du peuple par des apparences de modération. Un bouffon dit tout haut à un citoyen mort, dont il voyoit passer le couvoi, d'annoncer à Auguste que les legs qu'il avoit faits au peuple romain n'étoient pas encore acquittés.. Tibère fit arrêter le bouffon, lui. fit payer ce qui lui revenoit pour sa part, et l'envoya au supplice, en lui recommandant de dire la vérité à Auguste.

Il commit beaucoup d'autres actions atroces et inhumaines, sous prétexte de sévérité et du maintien des lois, mais en effet pour suivre son penchant à la cruauté. On fit courir contre lui des vers sur les malheurs que l'on éprouvoit, et sur ceux que

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Dans un voyage de peu de jours que Tibère fit à Caprée, un pêcheur l'aborda tout à coup dans un moment où il vouloit être seul, et mit à ses pieds

un

surmulet d'une grandeur extraordinaire. Tibère, effrayé de l'apparition subite de ce pècheur qui étoit venu jusqu'à lui en grimpant par-dessus les rcchers, lui fit frotter le visage avec son poisson. Le pêcheur se félicita lui-même de ne lui avoir pas offert aussi une langrosse gouste qu'il avoit prise. Tibère fit apporter la langouste, avec laquelle on lui déchira la face. Il punit de mort un centurion des troupes prétoriennes qui avoit volé un paon dans un verger. Sa litière s'étant embarrassée dans des buissons, il se jeta sur le centurion, chargé de reconnoître le chemin, le terrassa, et pensa le faire mourir sous les coups.

Enfin il se livra à toute sorte de barbaries. Les occasions ne lui manquoient pas. Il avoit à poursuivre les amis de sa mère, de ses neveux, de sa bru, de Séjan, et même leurs simples connoissances. Ce fut

après la mort de Séjan que sa cruauté parut augmenter; ce qui fit voir que ce n' 'étoit pas ce ministre qui l'excitoit à verser le sang, mais qu'il fournissoit des prétextes au tyran qui les cherchoit.

Il seroit trop long de rapporter en détail toutes les cruautés de Tibère. Il suffira d'en donner une idée générale. Il ne se passa pas un seul jour, sans en excepier les jours de fête, ni même le premier jour de l'année, qui ne fût marqué par des supplices. Il enveloppoit dans la mème condamnation les femmes et les enfans des accusés. Il étoit défendu à leurs proches de les pleurer. Les plus grandes récompenses étoient décernées aux accusateurs et même aux témoins. Tout délateur étoit recevable; tout crime étoit capital, même de simples paroles. Un poëte fut ac、 cusé d'avoir fait dire des injures à Agamemnon dans une tragédie, et un historien d'avoir appelé M. Brutus et C. Cassius les derniers des Romains. Tous deux furent punis, et leurs écrits supprimés, quoique composés plusieurs années auparavant, même récités devant Auguste. Parmi les prisonniers, il y en eût un, à qui l'on refusoit, nonseulement des livres, mais même

et

tout commerce et toute conver

sation. Plusieurs appelés en justice, et sûrs d'être condamnés, se firent eux-mêmes des blessures mortelles pour éviter les tourmens et l'ignominie; d'autres avalèrent du poison au milieu

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du sénat. Mais on bandoit leurs plaies, et on les traînoit en prison à demi morts et palpitans. Tous ceux que l'on éxécutoit étoient traînés aux Gémonies, et de là dans le Tibre. On en exposa ainsi jusqu'à vingt-un un seul jour, et parmi eux des femmes et des enfans. Comme il n'étoit pas d'usage d'étrangler des vierges, le bourreau les violoit auparavant. On forçoit de vivre ceux qui vouloient mourir; ear Tibère regardoit la mort comme un supplice si léger, qu'ayant appris qu'un accusé se l'étoit donnée à lui-même, il s'écria que cet accusé lui étoit échappé.

sus,

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Ses fureurs redoublèrent lorsqu'il eut appris que son fils Druqu'il croyoit être mort de ses excès, avoit été empoisonné par Séjan. Il multiplia les tourmens et les supplices. C'étoit sa seule occupation; de manière qu'un Rhodien, son hôte, étant venu à Rome sur ses invitations, il le fit saisir à son arrivée et appliquer à la question, comme s'il eût été un des complices que l'on cherchoit; et lorsque l'erreur fut reconnue, il le fit tuer pour étouffer cette aventure. On montroit encore à Caprée, du temps de Suétone, le lieu des exécutions. C'étoit un rocher, d'où l'on précipitoit dans la mer les malheureux à qui l'on avoit fait souffrir les tourmens les plus longs et les plus recherchés. Des matelots les recevoient et les assommoient avec des crocs et des avirons. Il avoit imaginé, entre

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autres genres de cruautés, d'user d'adresse pour faire boire beaucoup de vin à un homme que l'on lioit ensuite, de manière qu'il ne lui étoit pas possible d'uriner.

sa bru et ses petits--fils, il les fit mener enchaînés dans une litière fermée, avec une garde qui avoit ordre d'empêcher les passans de regarder ni de s'arrêter. Et quand il se détermina à perdre Séjan, qui conspiroit contre lui et en étoit venu à ce point d'élévation, que l'on célébroit le jour de sa naissance, et qu'on révéroit ses images, il employa la ruse plutôt que l'autorité. Pour l'éloigner sur un prétexte honorable, il le fit son collègue dans son cinquième consulat qu'il demanda à ce dessein, quoiqu'absent, et à un long intervalle du quatrième. Ensuite il lui fit espérer son alliance et la puissance tribunitienne, et tout

Si la mort n'eût pas prévenu Tibère, et qu'un devin ne l'eût pas engagé à différer quelques unes de ses vengeances, en lui faisant espérer une plus longue vie, il auroit encore immolé plus de victimes; il n'auroit épargné aucun de ses petits-fils. Caius lui étoit suspect, et il méprisoit le jeune Tibère comme un fruit d'adultère. Il se récrioit souvent sur le bonheur de Priam, qui avoit survécu à toute sa famille, Mais, au milieu de tant d'hor-à-coup il l'accusa auprès du séreurs, s'il inspiroit la haine et l'exécration, il éprouvoit les frayeurs et l'opprobre du crime. Il défendit que l'on consultât les augures sans témoins. Il voulut anéantir les oracles voisins de Rome; mais la crainte le retint, parce qu'ayant fait venir les livres de Préneste dans une boëte cachetée, ils ne s'y trouvèrent plus, et ne reparurent que lorsque la boëte eut été reportée dans le temple. Il lui arriva de nommer des proconsuls au gouvernement de quelques provinces, et de ne pas oser les y envoyer. Il les retenoit jusqu'à ce qu'il leur eût donné des successeurs quelques années après. Il leur laissoit le titre de leur commandement, et même les fonctions qu'ils faisoient remplir par des lieute

nans.

Lorsqu'il eut fait condamner

nat; mais sa lettre étoit vile et misérable. Il prioit les sénateurs de lui envoyer un des consuls pour qu'il se remît seul entre ses mains, et qu'il vînt avec une garde, malgré son grand âge, paroître devant eux; plein d'alarmes, et craignant une révolution, il avoit donné ordre que l'on mît en liberté son petit-fils Drusus alors detenu en prison, si l'occasion le demandoit, et qu'on le mît à la tête des affaires. Il tenoit des vaisseaux tout prêts pour se réfugier auprès de quelqu'une des armées; et en attendant, il observoit du haut d'un rocher les signaux qu'il avoit demandés, afin d'être averti plutôt. Quand la conjuration de Séjan fut étouffée, il ne fut ni plus rassuré ni plus ferme, et demeura pendant neuf mois enfermé dans sa maison de l'île de

Caprée, que l'on appeloit la au-dessous de ces honneurs
maison de Jupiter.
n'en fût que plus avili.

Tibère recevoit à tout moment des avanies qui le désoloient. Les citoyens condamnés l'injurioient en face ou par des libelles que l'on trouvoit au théâtre. Il en étoit diversement affecté tantôt il en avoit honte, et cherchoit à les cacher; tantôt il feignoit de les mépriser, et les publioit lui-même. Rien ne le piqua plus qu'une lettre d'Artabane, roi des Parthes, qui lui reprochoit ses meurtres, sa làcheté, ses débauches et ses parricides, et qui l'exhortoit à se faire une prompte justice et à satisfaire, par une mort volontaire, la haine des citoyens.

Enfin, devenu odieux à luimême, il ne put s'empêcher de laisser entrevoir le malheureux état de son âme dans une lettre qu'il écrivit au sénat, et qui commençoit ainsi : Que vous écriraije, pères conscrits? ou comment vous écrirai-je? ou que ne vous écrirai-je pas? Que les dieux et les déesses me fassent périr plus cruellement que je ne me sens périr tous les jours, si je le sais.

Quelques-uns croient que la la connoissance qu'il avoit de l'avenir lui avoit découvert longtemps auparavant à quelle infamie et à quelles horreurs il étoit destiné, et que c'est pour cela qu'à son avénement à l'empire, il s'étoit ópposé avec tant d'obstination à ce qu'on l'appelât Père de la patrie, et à ce qu'on jurât par ses actions, de peur que trop

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ii

Pendant le temps de sa retraite à Caprée, Tibère essaya deux fois de revenir à Rome. La première fois, il vint sur une trirème jusqu'auprès des jardins de César. Des soldats, rangés sur les bords du Tibre avoient ordre d'écarter tous ceux qui auroient voulu venir au-devant de lui. La seconde fois il s'avança par la voie Appia jusqu'à sept milles de Rome; mais, content d'en avoir vu les murailles, il Un prodige,

retourna sur ses pas.
dit-on, l'y détermina. (C'est au
premier voyage; on ne sait quelle
fut la cause de son retour.) Il
avoit un serpent qu'il s'étoit
amusé à élever, et qu'il nourris-
soit de sa main. Il le trouva
mangé par des fourmis; et un
oracle l'avertit de redouter les
forces de la multitude. Il re-
tourna donc, et tomba malade
dans l'île d'Astura auprès de la
Campanie. Puis se sentant mieux,
il alla jusqu'à l'île de Tirce; et
pour déguiser la foiblesse de sa
santé, il assista à des jeux mi-
litaires, et même lança des jave-
lots sur un sanglier qu'on avoit
lâché dans l'arène Mais l'effort
qu'il fit lui donna un point de
côté; et ayant senti la fraîcheur
de l'air, après s'être échauffé, il
se trouva plus dangereusement
malade.

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Cependant il se soutint encore quelque temps et s'étant fait porter à Misène, il n'interrompit pas même ses débauches, soit intempérance, soit dissimula

tion.

Hon. Chariclès, son médecin, tant prêt à se séparer de lui, u sortir d'un repas, lui prit la main pour la lui baiser. Tibère, royant qu'il avoit voulu lui tâter e pouls, le fit rester, et prolonea le festin. Il observa même la coutume qu'il avoit de se tenir ebout après le repas, au milieu le la salle à manger, avec un liceur à côté de lui, et de recevoir insi les adieux de tous les conrives et de leur faire les siens.

Cependant ayant lu dans les ctes du sénat qu'on avoit renvoyé, même sans les entendre, plusieurs accusés au sujet desquels il avoit écrit légèrement, et comme sur de simples indices, crut qu'on commençoit à le népriser. Il en fut indigné, et résolut de retourner à Caprée, à quelque prix que ce fût, n'osant cien entreprendre qu'à l'abri de ses rochers. Mais, retenu par es vents contraires et par la violence de son mal, il s'arrêta lans une maison de campagne de L. Lucullus, et y mourut dans a soixante-dix-huitième année de son âge, et la vingt-troisième le son regne, le 16 mars, sous le consulat de Cn. Accerronius Proculus et de C. Pontius Nigrinus, l'an de Rome 788, et de l'ère chrétienne 37.

Quelques-uns ont cru que Caïus lui avoit donné un poison lent; d'autres que, dans un moment où la fièvre l'avoit quitté, on lui avoit refusé à manger; d'autres enfin qu'on l'avoit étouffé avec des matelas, comme il redemandoit son anneau, qu'on Tome XXXVII.

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lui avoit ôté pendant sa défaillance. Sénèque a écrit que, sentant sa fin approcher, il avoit tiré son anneau de son doigt comme pour le donner à quelqu'un; qu'il l'avoit tenu quelque temps, et qu'ensuite il l'avoit remis et étoit resté immobile et la main gauche fermée; que tout à coup il avoit appelé ses esclaves, et que, comme personne ne lui répondoit, il s'étoit levé; mais que les forces venant à lui manquer, il étoit tombé mort auprès de son lit.

A la première nouvelle de sa mort, la joie fut telle dans Rome que chacun couroit dans les rues, criant qu'il falloit le jeter dans le Tibre, en conjurant la terre et les dieux Mânes de refuser une place à son ombre, si ce n'est parmi les impies et dans le Tartare; d'autres menaçoient de le trainer aux Gémonies.

Une atrocité récente se joignoit au souvenir de ses anciennes barbaries. Le sénat avoit sta tué que le supplice des citoyens condamnés seroit toujours différé jusqu'au dixième jour : quelques malheureux devoient être exécutés précisément le jour où l'on apprit la mort de Tibère; ils demandoient leur grâce à grands cris; mais comme il n'y avoit personne à qui l'on pût s'adresser, Caius étant encore absent, les gardes, craignant de rien faire contre la règle, les étranglèrent et exposèrent leurs cadavres. La haine redoubla contre le tyran, dont la barbarie se faisoit encore sentir après sa mort.

Gg

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