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que sans intelligence devant le berceau d'un nouvel univers. Les lois germaniques se développent en trois époques bien distinctes après une enfance pleine de poésie et de mystère, elles organisent sur la terre des vaincus des établissements politiques et se rédigent dans des codes informes; enfin, avec mille modifications, en s'imprégnant de droit romain et de droit canonique, elles constituent la féodalité, législation sans laquelle le monde moderne ne saurait être compris, pas plus que sans l'Orient l'antiquité (1).

Je laisserai de côté les mœurs religieuses et morales de la féodalité, pour considérer seulement les rapports positifs de la propriété terrienne. Quand le Gaulois, à l'approche des barbares, mettait sa femme et ses enfants sur un chariot et abandonnait son patrimoine, le Franc prenait la terre en déclarant qu'il la tenait de Dieu et de son épée, et il constitua l'alleu primitif, fondement de la société moderne et de l'aristocratie féodale. Ces premiers vainqueurs groupent autour d'eux leurs amis, leurs compagnons et leur tribu; ils leur partagent les terres qu'ils ne peuvent occuper euxmêmes; de là le bénéfice, de là encore la supériorité de l'alleu, qui n'est autre que l'avantage de celui qui donne sur celui qui reçoit. Les terres tributaires sont encore un autre degré de la propriété cultivée par des hommes libres à titre de redevances elles ne ressemblent pas mal aux possessio

(1) M. Mittermaier, dans la quatrième édition (1830) de son excellent Grundsætze des gemeinen deutschen Privatrechts, donne une vaste bibliographie sur les sources du droit germanique, les textes, les codes, les commentaires, les travaux des modernes. Voyez aussi du même auteur: Einleitung in das Studium der geschichte des Germanischen Rechts (1812). Nous citerons seulement ici les leçons de M. Guizot; Grimm, Deutsche Rechts-Alterthümer Gottingen (1828); Eicchorn, qui, outre son grand ouvrage, a donné une introduction fort utile; Rogge, esprit original, enlevé si tôt à la science: enfin, une Encyclopédie écrite en danois sur la jurisprudence, par M. Joh.-Fr.-Wilhelm Schlegel (1825), qui renferme de fort bonnes indications sur les législations du Nord.

nes des Romains. Enfin, le servage vint couronner cette étrange économie; et les serfs, adstricti glebæ, servaient d'instruments, de meubles et d'accessoires à la terre, règle de la condition politique.

La terre avait été répartie dans le principe en raison de l'importance des personnes; elle avait reçu de l'homme sa valeur. Elle la lui rendit dans une large mesure: car, une fois que la conquête eut brusqué le partage, on ne distingua plus la terre par les hommes, mais les hommes par la terre ; et la féodalité, sortie de la barbarie si personnelle des Germains, ne fut autre chose, eu égard à la condition positive des hommes, que la terre élevée à la souveraineté.

Voilà fondé le théâtre sur lequel va se déployer l'aristocratie féodale, car ici je ne crois pas qu'il faille admettre de moyen terme et la royauté au partage celle-ci n'a paru efficacement que plus tard. La grandeur individuelle de quelques maires du palais sert la puissance même de la noblesse. Si Charlemagne suspend à force de génie l'envahissement de la féodalité, et veut avant le temps contraindre l'Europe à s'asseoir sur le fondement d'une unité morale, l'aristocratie poursuit sa marche en traversant la tombe de Karle, et se joue facilement de Louis le Débonnaire, le prince le plus déplorable qui ait jamais abaissé un trône.

La civilisation française des dixième et onzième siècles est caractérisée par un fait jusqu'alors sans exemple: la terre ne constitue pas seulement la souveraineté, la condition politique et civile; elle constitue la justice, et le même domaine renferme le juge, le justiciable et le bourreau. Rien, dans les temps antérieurs, de comparable à la justice seigneuriale, à cette impitoyable localité du droit, à cette omnipotence immorale qui corrompit la noblesse en remettant à ses fantaisies la vie des hommes. Jamais les droits les plus chers de l'humanité ne furent plus méconnus; jamais institution ne laissa dans le cœur d'un peuple plus de ressentiment et de colère, et en même temps (chose bizarre) n'a déposé dans l'es

prit national plus de préjugés et d'habitudes opiniâtres. Pourquoi chaque arrondissement, chaque canton veut-il encore aujourd'hui avoir son juge et son tribunal? Pourquoi la pensée de diminuer le nombre des magistrats et des cours, et de créer une justice moins sujette aux petitesses et aux inconvénients de la localité, plus générale, plus simple, rencontret-elle dans nos mœurs tant de résistance, si ce n'est qu'en ce point nous n'avons pas encore extirpé ce dernier vestige de la féodalité?

L'aristocratie a toujours provoqué un second terme, le peuple, qui ne manque jamais à l'appel. La liberté moderne a commencé par une lutte semblable à celle que nous avons vue à Rome tant il y a, dans les différences de l'histoire, une analogie rationnelle! Sans aucune intention de dogmatisme et de système, un historien contemporain a décrit une à une les insurrections naissantes de plusieurs communes : Laon, Beauvais, Cambrai, Reims, Vézelay, avec leur pauvre bourgeoisie, avec leurs agressions courageuses et leurs résistances désespérées, ont pris dans l'histoire la place qu'elles méritaient et qu'elles attendaient depuis si longtemps, grâce à la plume énergique et aux divinations patriotiques de M. Augustin Thierry. C'est avec le cœur d'un plébéien qu'il a écrit l'histoire des premières tentatives de l'insurrection populaire, héritage sacré qu'il a su recueillir avec une piété sans faste et avec lequel il a pour jamais confondu son nom. Comme Niebuhr après Vico a fait mieux comprendre l'histoire de la liberté romaine, M. Thierry a désormais rendu plus facile l'intelligence des progrès de la liberté française. Les lois de l'histoire concordent ici avec les témoignages de l'érudition. Comment se représenter en effet des chartes octroyées, l'intervention de l'autorité royale, sans l'antériorité de l'insurrection des communes? C'est la même cause et la même marche que dans la Grèce et dans Rome; le Spcs chez les Grecs, la plebs dans le Latium, la bourgeoisie chez les Français, re

vendiquent et finissent par conquérir leurs droits. Quand les communes auront vivement attaqué l'aristocratie, la royauté pourra s'entremettre et amener, comme un juge du camp, les parties belligérantes à composition; mais une longue guerre doit précéder la transaction et la paix.

Tenons donc pour certain que la royauté n'a exercé d'empire dans les affaires modernes que provoquée et enhardie par les vives impatiences des peuples; les rois n'étaient pas autre chose que des chefs de noblesse, abandonnant leur caste pour se créer une fortune particulière en s'appuyant sur des alliés étrangers.

L'ÉGLISE.

CHAPITRE III.

LA RÉFORME. LE DROIT CANONIQUE.

La Grèce avait donné à l'Europe la philosophie; mais son génie causeur, brillant et logique, ne pouvait aller au delà de la spéculation. Xénophon, dans ses Memorabilia, nous montre chez Socrate lui-même une ironie caustique et babillarde qui atténue un peu la dignité de ce réformateur. La religion devait naître au sein d'une nation plus grave, héritière de l'Orient et déjà douée de l'esprit occidental, nourrie dans une discipline religieuse qui gouvernait ses mœurs, sa politique et ses sentiments; et c'est du mosaïsme, au milieu du concours de trois sectes philosophiques et religieuses, des Pharisiens, des Sadducéens et des Esséniens, que devait sortir le fondateur d'une religion divine, Jésus de Nazareth. Ouvrez le plus élémentaire et le plus simple des quatre évangiles, secundum Matthæum; parmi les premières paroles qui s'échappent de la bouche de Jésus, vous lirez celles-ci : Nolite putare quoniam veni solvere legem aut prophetas; non veni solvere, sed adimplere. (Ch. v, vers. 17.) Ainsi il n'est pas venu briser quoi que ce soit ; mais il est venu compléter,

développer, et abstraire du mosaïsme des nouveautés fécondes.

Après lui, douze hommes, qui l'ont toujours environné et suivi, se mettent à répandre la doctrine de leur maître, et avec la propagation commence une ombre de gouvernement. Dans ces temps primitifs du christianisme tout fut insensible, libre, spontané, successif; on n'y voit pas ces impatiences hàtives qui tendraient à précipiter l'allure naturelle des choses. Une inaltérable foi vivifie d'une chaleur douce et paisible les premiers chrétiens. Après saint Paul la hiérarchie s'affermit de plus en plus; administration à la fois spirituelle et positive, íɛpa ágyà, elle remet naturellement aux plus pieux et aux plus dignes le gouvernement de la société naissante; les fidèles réunis proclament les hommes qu'ils veulent pour guides, et, par ce mélange de démocratie et d'aristocratie, l'épiscopat devient pour toutes les églises un pouvoir à la fois religieux et politique.

Les évêques (car nous laissons le fond du christianisme pour ne considérer que son institution politique) se trouvèrent successivement en présence des empereurs romains, des rois barbares, de Pépin et de Charlemagne. Les rapports de l'épiscopat avec les successeurs de Constantin furent presque toujours amiables et paisibles. L'Empire ne songeait pas à troubler la liberté de l'Église, et ne demanda quelquefois qu'à confirmer les évêques, à ne laisser convoquer les conciles que sous son autorité, et dans certains cas sous la présidence de l'empereur. Quand les barbares arrivèrent, tout à fait préparés à se convertir et à apprendre, puisqu'ils n'avaient rien à oublier, l'entremise de l'épiscopat entre les vainqueurs et les vaincus fit du sacerdoce une magistrature morale. Hommes d'État, lettres, prêtres saints et pieux, les évêques pendant quatre siècles furent véritablement les instituteurs de la société moderne.

En examinant les principales révolutions qu'a subies la propriété dans l'histoire, nous avons vu que le spiritualisme

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