صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

aux lois de leur pays, et par conséquent ne peuvent être soumis à une autorité étrangère. Hobbes approfondit ici plus expressément la théologie du De Cive: ainsi il montre la puissance de Dieu personnifiée dans Abraham, Moïse, les souverains pontifes et les rois de Judas, la sainte influence du Christ, la nature du pouvoir ecclésiastique. Il combat la théologie ultramontaine, les doctrines de Bellarmin, pontificatus romani contra reges christianos pugil. Enfin après avoir énoncé ce qui est nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux, l'obéissance et la foi, il pénètre eufin dans le royaume de Satan.

L'auteur du Léviathan a raison de dire que nous sommes ici dans les ténèbres: Sumus ergo etiam nunc in tenebris. Quelle est la pensée de cet étrange fragment? est-ce le jet d'une ironie qui persévère et qui s'acharne ? ou bien le misanthrope et mélancolique écrivain a-t-il fini par être luimême la dupe et la proie de ses imaginations bizarres et solitaires? Quelques-uns de ses contemporains soupçonnaient qu'il n'était pas sans croire aux esprits. Quoi qu'il en soit, Hobbes nous apprend dans son règne des ténèbres que quatre causes d'erreur nous sont envoyées par Satan : d'abord l'ennemi (inimicus) a éteint pour nous la lumière des Écritures, et nous nous trompons en ignorant le sens de la parole révélée; puis nous admettons la démonologie des poëtes païens, leurs fictions et leurs images sur les idoles, les apparitions et les ombres des morts; troisièmement, nous mêlons aux saintes Écritures les restes de la religion, de la philosophie grecque et surtout les doctrines d'Aristote; enfin nous sommes séduits par des traditions et des histoires fausses, tronquées, incertaines. Atque ita erramus attenti spiritibus deceptoribus et doctrinis dæmoniorum. Je n'analyserai point ce livre, que caractérise surtout une double colère contre le pape et contre Aristote, morceau presque fantastique, véritable empire des ténèbres.

Il se termine par une tirade véhémente et amère, où Hob

bes s'est complu à concentrer sa doctrine et sa colère : « Si « cordibus scripsissem instar tabularum rasarum puris, bre «vior esse potuissem; suffecissent enim ea pauca quæ se<«< quuntur. Homines sine lege, propter jus omnium in omnia, <«< mutuis cædibus seipsos interimere, leges sine pœnis et «< pœnas sine potestate summa inutiles esse potestatem sine <«< armis et opibus in unius personæ manum collatis, vocem « meram, neque ad pacem, neque ad defensionem civium <<< momenti ullius esse; et proinde, cives omnes, sui (non <«< imperantium) boni causa ad rem publicam opibus suis «tuendam et confirmandam quantum possunt obligari; idque << arbitrio illius cui summam dederint potestatem : quæ (summa est partis primæ et secundæ. Deinde quoniam in « scriptoribus sacris (quarum lectionem Ecclesia nostra om«nibus permisit et commandavit) vita æterna et salus singu«lorum continetur; et unusquisque periculo animæ propriæ, «illas legit et sibimetipsi interpretatur; et propterea æquum «< est, ut conscientiæ eorum non pluribus fidei articulis one«rentur, quam qui sunt ad salutem necessarii, articulos illos, quinam sint, in parte tertia explicavi. Postremo in << quarta parte, ne populus a falsis doctoribus seduceretur, <«< consilia ambitiosą et astuta adversariorum Ecclesiæ angli« canæ patefeci. » Voilà ce que Hobbes se fût contenté d'exposer rapidement; mais s'il est entré dans des détails, dans de longs développements, c'est qu'il vit à une époque où la guerre civile a été le fruit des discordes religieuses, où non-seulement l'épiscopat national a disparu, mais le roi, les lois, la religion et la vertu; tellement qu'on dirait que ce malheureux royaume avait pour jamais été abandonné de l'esprit de justice et de raison. Les démocrates victorieux ont constitué la démocratie, bientôt après ils la perdirent, digne récompense de leurs crimes; un tyran vint asservir l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande, et confondre cette sagesse démocratique tant des hommes du peuple que du clergé. Le peuple, fatigué par la guerre, méprisa les démocrates au

tant qu'il les avait admirés. Quand le roi légitime fut rétabli sur son trône, ceux-ci demandèrent pardon, c'est-à-dire qu'ils reconnurent leurs folies. On leur pardonna par une amnistie universelle, ne sceleribus suis à bonis distinguerentur. Mais il faut étouffer les mauvaises opinions en propageant les bonnes, les esprits ont été infectés par la politique et la philosophie de l'antiquité. Il faut donc de toutes façons, par des prédications, des écrits et des controverses, travailler à éteindre cette peste démocratique, itaque atramentum illud democraticum prædicando, scribendo, disputando eluendum est. C'est aux universités à y travailler, et c'est à elles à prêter au pouvoir royal l'appui qu'elles ont donné autrefois à l'autorité pontificale.

Ni les doctrines ni les fureurs de Hobbes n'eurent aucune influence. Les amis de la liberté renversèrent facilement des paradoxes dont, au surplus, l'originalité érudite ne pouvait devenir accessible et familière qu'au petit nombre. De leur côté, les soutiens des Stuarts et de la restauration se scandalisèrent des théories que voulait leur fournir un pareil auxiliaire, et qu'on eût plutôt prises pour une satire que pour une apologie du pouvoir. Si Machiavel a été immoral sans le savoir, il a du moins balancé les inconvénients de son siècle par ce génie des affaires et de l'histoire qui fait des ouvrages du secrétaire l'éternelle école du politique. Mais quel profit tirer de ces enseignements dogmatiques de despotisme et de servilité, sans vues positives de l'histoire, de ces emprunts hypocrites demandés aux Écritures, de ce matérialisme qui ne trouve d'autre utilité à Dieu, que d'enchaîner sans appel la liberté de l'homme? Quand Charles II revint à Londres, il trouva Hobbes sur sa route et lui donna sa main à baiser.

Quelques années plus tard, Locke fut, pour ainsi dire, le philosophe de la maison de Hanovre. Après la révolution qui mit Guillaume III sur le trône, il passa de la métaphysique à la philosophie sociale, et publia son traité du Gouvernement

civil. Métaphysicien, il est inférieur à Descartes, à Leibnitz et à Kant; il n'a ni Ja rigueur ni la profondeur de ces maitres de la pensée. Mais, écrivain moraliste et politique, il a exercé sur l'Europe une influence bienfaisante; dans sa lettre sur la Tolérance (1), il a le premier donné la leçon et l'exemple de cette humanité pratique dont Voltaire se fit, après lui, le prédicateur populaire. Vous ne trouvez dans son Gouvernement civil, ni la logique ni l'éloquence du Contrat Social; mais Locke a inspiré Rousseau, et, le premier, il a ressaisi, au nom de la liberté, la doctrine d'un contrat primitif dont Hobbes avait fait sortir le despotisme.

Le traité de Locke est court, clair et facile. Il enseigne que le véritable état de l'homme est l'état social. Après avoir flétri l'esclavage, il fonde la propriété sur le travail, manifestation de la personnalité humaine qui en transmet les fruits par l'héritage à ceux qui viennent après. La puissance paternelle, base de la famille, est séparée avec un bon sens exact du gouvernement politique. Quant aux sociétés ellesmêmes, la paternité naturelle a pu en être le début historique, mais non pas le fondement dans la nature des choses. Le consentement exprès ou tacite de chacun des membres de l'association, voilà la raison philosophique de l'état et de sa légitimité. « Chacun étant naturellement libre, et rien n'étant « capable de le mettre sous la sujétion d'aucun pouvoir que « son propre consentement, il faut considérer ce qui peut « être une déclaration suffisante d'un homme, pour le rendre <« sujet aux lois de quelque gouvernement. On distingue <«< communément entre un consentement exprès et un consen<< tement tacite, et cette distinction importe à notre sujet..... « La difficulté est de savoir ce qui doit être regardé comme « un consentement tacite et jusqu'où il oblige et lie, c'est-à« dire, jusqu'où quelqu'un peut être censé avoir consenti et <«< s'être soumis à un gouvernement, quoiqu'il n'ait pas pro

(1) Voyez tome VII, traduction de M. Thurot.

«féré une seule parole sur ce sujet. » Locke démontre que le même acte par lequel quelqu'un unit sa personne à quelque communauté, met pareillement ses possessions sous la domination de cette communauté, et qu'ainsi, par le fait même de sa présence, l'individu devient partie intégrante de la société. Si la fin principale que se proposent ceux qui entrent dans une société est de jouir de leurs propriétés en sûreté et en repos, la loi fondamentale de tous les États sera celle qui établira le pouvoir législatif et en définira la nature et l'étendue. Le philosophe sépare le pouvoir législatif du pouvoir exécutif, en ayant devant les yeux la constitution de son pays. Il est clair que, dans le chapitre XII du Gouvernement civil, Locke règle les rapports de ces deux pouvoirs suivant l'économie de la légalité britannique. La supériorité du pouvoir législatif, la permanence du pouvoir exécutif ne sont autre chose que le parlement et le roi d'Angleterre; le philosophe indique même en passant la nécessité d'une réforme dans les élections qui produisent la Chambre des communes. « Il est arrivé souvent, dit-il, que dans les gouverne<«ments où une partie de l'autorité législative représente le « peuple, et est choisie par le peuple, cette représentation, « dans la suite des temps, ne s'est trouvée guère conforme « aux raisons qui l'avaient établie dès le commencement. Il <« est aisé de voir combien grandes peuvent être les absurdi«tés dont serait suivie l'observation exacte des coutumes <«< qui ne se trouvent plus avoir de proportion avec les rai<«<sons qui les ont introduites. Il est aisé de voir cela, si l'on « considère que le simple nom d'une fameuse ville, dont « il ne reste que quelques masures, au milieu desquelles « il n'y a qu'une étable à moutons, et ne se trouve pour <«< habitant qu'un berger, fait envoyer à la grande assem« blée des législateurs, autant de députés que tout un « comté peuplé, puissant et riche. Les étrangers ea sont « fort surpris, et il n'y a personne qui ne confesse que la « chose a besoin de remède. Cependant il est très-difficile

« السابقةمتابعة »