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liberté légitime du sanctuaire et de l'autorité de la cité. La législation ne se confond pas non plus avec la philosophie, mais il est entre elles deux des rapports nécessaires. Dans le premier âge des sociétés, les philosophes étaient législateurs; aujourd'hui le législateur, qu'il représente le peuple sur le trône ou dans les comices, et le publiciste, doivent être philosophes. La science de l'homme peut seule mettre en état de le rendre heureux et libre. De la philosophie d'un siècle dépendent ses réformes en législation; les idées que se fait le publiciste sur la nature humaine déterminent la direction de sa politique. Si Montesquieu eût été métaphysicien, s'il eût mieux connu l'homme (1), il n'eût pas tracé ses divisions arbitraires entre les lois divines, linmaines, naturelles et civiles; il n'eût pas écrit ces lignes : « La loi naturelle ordonne aux parents de nourrir leurs en«fants, mais elle n'oblige pas de les faire héritiers. Le par«tage des biens, les lois sur ce partage, les successions « après la mort de celui qui a eu ce partage, tout cela ne « peut avoir été réglé que par la société, et, par conséquent, par des lois politiques ou civiles. Il est vrai que l'ordre « politique ou civil demande souvent que les enfants succè«dent aux pères, mais il ne l'exige pas toujours (2). » Mais comment la société eût-elle constamment établi que les enfants hériteraient de leurs pères, si elle n'avait cru reconnaître dans cette succession un fait naturel et raisonnable? La distinction entre les lois naturelles et les lois civiles est entièrement fausse si on veut contrarier les unes par les autres, puisque la marche et les progrès des lois consistent. à exprimer de plus en plus les lois naturelles.

La société ne saurait être autre dans ses principes fondamentaux que l'homme même. La sociabilité est la nature

(1) Nous lui avons déjà fait ce reproche dans l'Introduction générale à l'Histoire du Droit, chap. XIV.

(2) Esprit des Lois, liv. XXVI, chap. vi.

même; l'art de la politique ne consiste pas à créer un fantôme pour l'opposer à la nature, mais à élaborer la nature connue, à en suivre les lois et les besoins. Or, si la nature ordonne aux parents de nourrir leurs enfants, elle l'ordonne aussi aux animaux. Mais d'où vient que la nourriture, chez l'homme, est autre chose que la nourriture chez la brute; qu'elle concerne l'âme comme le corps; que la sollicitude paternelle et maternelle dans l'espèce humaine ne se borne pas à la sustentation physique, mais qu'elle s'attache à la destinée morale de l'enfant, au développement de son imagination et de son cœur? Ce fait incontestable est aussi naturel, ce me semble. Il s'est trouvé naturellement encore que, dans les sociétés normales et constituées, la nourriture intellectuelle et physique de l'enfant avait pour conséquence l'héritage; l'héritage est donc un fait aussi naturel que la nourriture, et, comme la nourriture, il deviendra l'objet d'une prescription civile. Je le demanderai à Montesquieu : si la législation sur les successions n'avait pas sa raison dans la nature, d'où viendrait son ubiquité dans les institutions sociales de tous les peuples historiques? Comment expliquer cette unanimité sur une disposition arbitraire qui pouvait être comme n'être pas? Il est donc nécessaire au publiciste de prendre position dans la nature même de l'homme, de l'étudier directement, au vif, en écartant l'autorité et les textes, les divisions arbitraires, en convergeant le plus possible vers la vérité par l'indépendance de sa pensée et la simplicité de sa méthode.

Un métaphysicien célèbre, M. Destutt de Tracy, après avoir fait sortir de la faculté de vouloir les idées de personnalité et de propriété, en fait sortir nos besoins et nos moyens; et c'est de nos besoins et de nos moyens que naissent les idées de richesse et de dénûment; troisième filiation qui le conduit à considérer la société sous le rapport économique, parce que le philosophe veut traiter des actions de l'homme avant de s'occuper de ses sentiments. Il y a, dans

cette déduction qui donne le pas aux idées de personnalité et de propriété sur nos besoins et nos moyens, un sentiment juste de la nature des choses, et la raison de la différence qui sépare la législation proprement dite de l'économie politique.

En effet, l'économie politique se rapporte aux besoins physiques de l'homme, parce qu'elle en découle; elle se rapporte et à son bien-être et à ses intérêts matériels; à ce titre, elle est une partie essentielle de la science sociale, elle exerce une influence nécessaire sur les prescriptions des lois. Ainsi, quand Bentham démontre que l'usure ne blesse la liberté et les intérêts de personne, et qu'il est aussi licite de vendre l'argent que toute autre marchandise, l'usure doit cesser d'être un délit social. L'économie politique, qui a aujourd'hui dans le haut enseignement un vénérable et célèbre représentant (1), modifie donc la législation, mais elle ne saurait ni l'absorber ni la constituer.

Puisque l'économie politique cherche les moyens de procurer aux sociétés la plus grande somme possible de bienêtre, il est évident qu'elle partage avec la législation et la philosophie le soin de travailler au bonheur de l'homme. Mais l'homme ne vit pas seulement de pain. Son bonheur n'est pas un élément simple, mais le résultat complexe des principes satisfaits qui le constituent, de ses idées, de ses sentiments et de ses besoins. Sans doute, la satisfaction des besoins matériels et physiques est pour l'homme, comme pour la société, la condition de la vie; et voilà pourquoi la science économique est la base même de la science sociale, exerce sur elle une influence nécessaire, et doit par ses progrès améliorer la condition matérielle des sociétés. modernes. Mais ni les besoins physiques ni l'économie politique ne sauraient s'attribuer la direction de la société. Quand le fondateur du christianisme annonça l'égalité parmi

(1) M. J.-B. Say, professeur au Collège de France.

les hommes,, pourquoi l'humanité se réjouit-elle? assurément elle ne fut pas soulagée sur-le-champ dans ses misères matérielles, mais l'homme tressaillit à cette reconnaissance de sa nature et de sa dignité; et il en fut heureux, parce qu'il s'en trouva plus grand et plus libre. L'égalité devant la loi doit-elle être réputée une chimère parce qu'elle n'est pas une réalité palpable et physique? Eh! c'est précisément l'excellence de l'homme de concevoir le droit, sans y rattacher immédiatement la jouissance; ainsi le peuple français est idolâtre de l'égalité, sans entacher son caractère des bassesses de l'envie qui déchire l'âme et qui la corrompt (1).

La prétention qu'affiche en ce moment même l'économie politique à envahir la morale peut s'expliquer. Si l'industrie déploie aujourd'hui ses richesses, son orgueil, et se proclame reine absolue de la civilisation, dont elle ne doit être qu'un des premiers ministres, son émancipation encore toute récente s'était fait attendre longtemps, et jusqu'au moment de l'obtenir elle avait vécu dans une triste condition. Dans l'ancienne monarchie elle gémissait sous le poids des dédains et de l'inconsidération que lui prodiguaient la robe et l'épée, et se trouvait maintenue, pour ainsi dire, dans un état d'ignominie légale. Elle a passé d'une oppression inique et lourde à une émancipation brusque, et elle s'est couronnée de ses propres mains. Serait-ce donc parce qu'on lui a refusé longtemps d'être homme, qu'aujourd'hui elle se fait dieu?.

Au moment où l'économie politique commençait à se proclamer la science sociale par excellence, elle déployait une grande originalité. L'école du Producteur, fondée par SaintSimon, émettait, comme nous l'avons dit, des vues nouvelles sur la condition des travailleurs, sur les fermages, les loyers, intérêts et salaires, sur l'institution des banques, vues fé

(1) Pourquoi cet éloge, que je faisais avec tant de joie de mon pays, n'a-t-il pas toujours été mérité ? (Note de la 3e édition.)

condes qui devaient améliorer sur certains points la législation industrielle et civile. Nous avons montré comment les conclusions de l'école vinrent bientôt déborder les prémisses, et comment elle voulut faire sortir une révolution morale, une refonte de la nature humaine, d'une réforme économique. Ici commença l'erreur. Au surplus, cette insurrection de l'économie politique surprendra moins si l'on considère que, depuis quarante ans en France, ni la législation ni l'administration n'ont pas su tenir compte de ses progrès et de ses besoins; les idées industrielles ont d'autant plus réagi qu'elles étaient plus injustement méconnues; sachez les satisfaire et les appliquer avec discernement et justesse, l'équilibre se rétablira.

CHAPITRE III.

DE LA CODIFICATION.

«Le législateur est à tous égards un homme extraordi<< naire dans l'État. S'il doit l'être par son génie, il ne l'est « pas moins par son emploi. Ce n'est point magistrature, ce

n'est pas souveraineté. Cet emploi, qui constitue la répu«blique, n'entre pas dans sa constitution; c'est une fonction « particulière et supérieure qui n'a rien de commun avec « l'empire humain; car, si celui qui commande aux hommes << ne doit pas commander aux lois, celui qui commande aux <«<lois ne doit pas non plus commander aux hommes; autre«ment ses lois, ministres de ses passions, ne feraient sou«< vent que perpétuer ses injustices; jamais il ne pourrait << éviter que des vues particulières n'altérassent la sainteté de «son ouvrage.

« Quand Lycurgue donna des lois à sa patrie, il commença «< par abdiquer la royauté. C'était la coutume de la plupart « des villes grecques de confier à des étrangers l'établisse«ment des leurs. Les républiques modernes de l'Italie imi

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