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<«<tèrent souvent cet usage; celle de Genève en fit autant, et <«< s'en trouva bien. Rome, dans son plus bel àge, vit re« naitre en son sein tous les crimes de la tyrannie, et se vit « prête à périr pour avoir réuni sur les mêmes têtes l'auto«rité législative et le pouvoir souverain (1). »

Rousseau a parfaitement décrit dans ces lignes le législateur de l'antiquité. Les sociétés, dans leur enfance, n'ont pu être dirigées que par des hommes extraordinaires, dont la fonction particulière et supérieure semblait n'avoir rien de commun avec l'empire humain. C'est pourquoi ils se disaient en commerce avec les dieux; ils disaient en recevoir la loi qu'ils transmettaient aux hommes, sans discussion, avec une accablante autorité. Mais Rousseau n'a pas observé que le caractère et l'office du législateur avaient changé dans les temps modernes, non qu'il y ait eu moins d'hommes extraordinaires, car il n'est pas vrai que la marche du temps soit de niveler le génie; non que la puissance de l'homme ait diminué, mais les hommes extraordinaires et puissants, placés dans une autre époque du monde, agissent différemment. Charlemagne est législateur, mais il opère sur d'autres hommes, sur une autre nature que celle des Hébreux et des Grecs, dans un àge plus avancé de l'humanité. Aussi, il résume et corrige à la fois les mœurs de son siècle, il rédige et récapitule au moins autant qu'il édifie, parce que la société qu'il dirige est chrétienne, douée d'une vie, d'une indépendance morales que ne pouvait connaître le peuple de Lycurgue et de Numa. Quand Napoléon se fait législateur de la France, il n'a pas moins de génie que Mahomet; mais, au lien de promulguer le Coran, il décrète, au sein du conseil d'Etat, des codes qui expriment et améliorent la vie domestique du peuple français.

Le législateur, dans l'antiquité, était poëte et roi: dans les temps modernes, il est philosophe et peuple.

(1) Rou-seau, Contrat social, liv. II, chap. vi.

Les mœurs, chez les modernes, ont acquis une autorité qui change la position du législateur, et, sans la faire déroger, la rend plus difficile; elles se sont formé un empire qui ne doit pas être indépendant de la loi, mais où la loi n'a plus des enfants à mener, mais des hommes à diriger. Ouvrez un code moderne; vous y trouverez pour base des coutumes, des mœurs, des habitudes, des opinions, que le législateur n'a pas faites, qu'il devra réformer, améliorer, en les exprimant, qu'il devra d'époque en époque réviser et perfectionner, mais dont il est obligé de reconnaître l'antériorité et les influences. Depuis le christianisme, le législateur s'est plus rapproché du peuple, en ce sens qu'il a modifié sa souveraineté en raison des progrès de la liberté humaine.

Mais l'art de la législation n'en est devenu que plus délicat, plus profond et plus subtil. Placée au milieu de la société, entre les idées générales, les théories philosophiques, les mœurs, les coutumes historiques, les maximes et les arcanes de la jurisprudence, la législation doit écrire les prescriptions sociales d'un style populaire, savant et durable.

Un code est à la fois un système et une histoire. Si le Tasse, du haut d'une colline, en montrant les campagnes italiques, s'est écrié : « Voilà mon poëme ! » le législateur doit réfléchir dans son ouvrage les traits et la vie de sa nation en les rendant plus purs et plus beaux.

Il est conforme aux lois de l'esprit, à la structure de la raison, à la simplicité rigoureuse du bon sens, de rédiger et de distribuer les lois dans des codes méthodiques. Cela convient au génie prompt et juste de tout homme et de tout peuple. Ce sera une supériorité pour une nation sur les autres d'avoir su porter dans ses lois une économie philosophique, car ce sera la preuve d'une raison plus alerte et plus positive.

Chez un peuple qui a des codes, les lois sont mieux connues, plus claires, mieux obéies; la vie sociale plus facile, les opinions générales mieux exprimées.

Vouloir, comme l'école historique allemande (1), abandonner perpétuellement la légalité d'un pays aux instincts, aux habitudes des mœurs et aux élucubrations de la jurisprudence, c'est méconnaître l'office même de la science sociale; c'est donner le pas à la jurisprudence sur la législation, aux procédés techniques sur la vie même, à l'érudition sur la philosophie, au passé sur le présent, aux anciens us et coutumes sur l'esprit nouveau; c'est abdiquer l'initiative de la raison; c'est, pour échapper à l'écueil de violenter les mœurs, tomber dans la servitude de la routine.

Il est vrai qu'un peuple n'est pas préparé, à toutes les époques de son histoire, aux procédés philosophiques d'une codification, pas plus qu'un homme n'est mûr avant le temps pour le développement systématique de sa raison. Bentham a eu tort d'opposer si fort la coutume à la raison qu'il en fait comme deux puissances hostiles et irréconciliables (2). Sans doute il est un moment où la coutume, devenue caduque, veut être entièrement effacée par l'esprit philosophique; c'est alors qu'il est juste de dire avec Bacon que la coutume est stérile et que la raison est féconde; mais, quand la coutume fleurit chez un peuple, quand la loi non écrite sait se concilier une adhésion intelligente, tenez pour certain qu'au fond la raison n'est pas blessée; seulement, après les instincts et les croyances viendra l'âge de la réflexion philosophique.

La sagesse du législateur est de reconnaître l'âge et la maturité de son peuple, de discerner quand et comment il doit rédiger la coutume, et la réformer; la codification n'est pas une fantaisie de théoricien, mais un développement naturel dans chaque société.

Bentham est chimérique quand il veut qu'une nation charge

(1) Voyez Introduction générale à l'Histoire du Droit, chap. xvi. (2) Second essai sur les délais en jurisprudence, à l'occasion des procédures faites à Cadix.

un étranger de lui rédiger son code; ou plutôt il prend une réminiscence de l'antiquité pour une utile innovation (1). Le caractère de chaque peuple ne saurait être familier qu'à un indigène, qui seul peut trouver le secret d'adapter aux habitudes nationales les idées humaines et cosmopolites. L'acte du parlement britannique du 22 juin 1825, pour modifier et réunir les lois relatives aux jurés et aux jurys, commence en ces termes : « Considérant qu'il est nécessaire de revoir et de « modifier les lois très-nombreuses et très-compliquées rela«tives à la qualification, à l'appel des jurés et à la forma<«<tion des jurys en Angleterre et dans le pays de Galles, « d'augmenter le nombre des personnes aptes à être jurés, << de changer la manière de former les jurys spéciaux, et aussi « de modifier ces lois à quelques autres égards, etc., etc. » Comment un étranger eût-il pu se reconnaître dans toutes ces particularités de la légalité anglaise qu'il fallait ramener à un esprit plus général?

Maintenant il sera bon de confier à un seul homme la création ou la révision d'un code. Le système doit sortir d'abord d'une seule tête; il s'enrichira ensuite des conseils et des lumières d'un certain nombre d'hommes; enfin, il pourra se produire à la discussion d'une grande assemblée. Mais la tribune des peuples libres n'est-elle pas un écueil pour le législateur? Quand chacun peut y monter pour l'interroger, discuter son œuvre, la contredire, en percer les intentions, en relever les faiblesses, n'y a-t-il pas péril que la loi, déconsidérée avant d'être faite, ne présente plus qu'une lettre sans art, sans autorité, sans prestiges? Le danger est réel, mais qu'y faire? Vaincre la difficulté à force de raison et de génie. Tout aujourd'hui veut être démontré; les sociétés raisonneuses ont l'oreille dure aux promesses et aux assertions de ceux qui les mènent. Eh bien! que ces derniers sachent

(1) De l'Organisation judiciaire et de la Codification, section vii, page 393.

les persuader et les convaincre; le pouvoir n'est plus qu'à ce prix; qu'ils aient raison, mais d'une manière irréfragable. C'est aujourd'hui le droit et le progrès de la race humaine de ne se rendre qu'à l'évidence, et de pouvoir la contester d'abord pour contribuer elle-même à la mieux établir et à la mieux reconnaître. J'avoue que cette condition rend lourde la charge du pouvoir sur les épaules des insuffisants et des médiocres. Les esprits courts et les cœurs petits pourront perdre patience, prendre dégoût, déclarer que les nations ne sont plus gouvernables, et ne méritent pas les sacrifices que l'on fait pour elles. Mais peut-être le génie serait plus indulgent pour les hommes; comme il les connaîtra mieux, il ne se dépitera pas contre eux; oui, livrez la tribune au véritable législateur, il saura défendre son ouvrage, il parlera; les illuminations de la pensée, les effusions du cœur, voilà quels seront ses foudres et ses éclairs; malheur, malheur à lui, s'il est sans puissance et sans autorité quand il a la parole! Mais non, il expose, il démontre, il convainc, il entraîne; la loi soutient une épreuve morale au feu des raisonnements et des contradictions; elle s'y retrempe et s'y épure; elle sort du combat plus forte, car elle a vaincu les résistances; alors elle est loi véritablement sociale, véritablement humaine car, faite pour tous, elle est à la fois l'ouvrage d'un seul et de

tous.

L'esprit de la civilisation européenne est de résumer dans des codes les lois de chaque nation qui, sur ce point, suivra l'exemple donné par la France. Aux époques décisives de l'histoire du monde ou d'un peuple, vous trouvez des codes. Justinien résume l'antiquité, en l'altérant, pour l'amalgamer avec les principes nouveaux du christianisme. Charlemagne, saint Louis s'attachent déjà à régulariser la variété de la légalité moderne. Pierre le Grand, qui fonda Saint-Pétersbourg et l'empire russe, et cette Catherine, cette femme à la fois raffinée et barbare, qui semblait avoir besoin de se fatiguer d'émotions et de voluptés pour donner le branle à son

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