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génie, tentèrent de rassembler, en les réformant, les coutumes moscovites. Frédéric, celui des modernes qui a le moins permis à la royauté d'effacer l'originalité de son caractère, chez lequel l'héroïsme le plus vrai s'alliait à la plus mordante ironie, et qui sut réunir l'enthousiasme et le cynisme, comprit que le disciple de Voltaire devait être législateur; et il se donna beaucoup de peine, à deux fois, pour laisser un Code général pour les États prussiens. L'Allemagne amène peu à peu sa langue et ses mœurs à rendre possible une législation générale et uniforme; le moment viendra pour elle de profiter de la science et de l'érudition de ses jurisconsultes. L'école historique est, sans le savoir, l'habile ouvrière qui prépare et facilite l'œuvre des législateurs à venir. Quand l'Angleterre aura retiré sa liberté des mains de l'aristocratie, on entendra l'école de Bentham dans la chambre des communes (1).

La France, qui a donné le signal des révolutions législatives, exercera encore une influence salutaire en révisant ses lois civiles, commerciales et criminelles. Elle devra porter dans cette réforme le même esprit que dans leur création primitive, c'est-à-dire l'esprit de système et d'unité philosophique en un mot, la révision de chaque ordre de lois devra être synthétique et embrasser toutes les parties d'un code. Je n'ignore pas que quelques excellents esprits préfèrent la révision partielle et successive de chaque matière importante; ils trouvent dans cette méthode la garantie que les détails essentiels seront approfondis, que chaque sujet spécial attirera sur lui seul toute l'attention du législateur. Jė réponds que ce souci est légitime, qu'il faut accorder à chaque loi particulière le temps et l'étude nécessaires pour la faire aussi bonne que possible; mais j'ajoute qu'il faut subordonner ce soin important à une pensée plus haute, à la double convenance de l'art législatif et du génie national.

(1) C'est ce qui est arrivé par le bill de réforme.

(Note de la 3e édition.)

Quand on préfère les amendements partiels à une révision générale, est-on bien certain de ne pas prendre l'exemple donné jusqu'à présent par l'Angleterre pour une vue de raison? Mais, si jusqu'ici l'Angleterre a cherché à réparer, à rajuster, à corriger pièce à pièce l'édifice de sa législation, ce n'a pas été par choix, mais par nécessité; elle a suivi le cours de son histoire, elle a surmonté les difficultés de la position par l'industrie de ses jurisconsultes et l'habileté de ses hommes d'État; enfin elle a obéi à son génie. Obéissons au nôtre. Or, l'esprit français excelle à embrasser l'étendue d'un sujet, à en saisir l'unité, à en tracer l'économie, à abstraire les principes dirigeants, à déduire les conséquences, à les subordonner, à parcourir avec une rapidité nette toute la gamme d'un système. Je dirais volontiers qu'il est plus poëte dans la philosophie et la politique que dans l'art même: voyez Montesquieu et Malebranche, Bossuet, Napoléon et Mirabeau. Il y a plus, nous ne concevons véritablement les détails qu'en les voyant découler d'un principe, qu'en les y ramenant; et, quand nous ne voyons pas tout, nous ne voyons rien.

Ces qualités philosophiques sont les plus nécessaires à la rédaction des lois; elles répondent au sujet même, à l'unité et aux rapports qui animent et constituent la législation d'un peuple. Conçoit-on la possibilité de réformer un titre du Code. civil sans réviser le Code même? Conçoit-on davantage la réforme du Code civil sans la réforme du Code de commerce? Comment concilier sans ce concert les principes de la législation et ceux de l'économie politique, qui doivent entrer dans la légalité?

On ne donnerait à la France que des lois sans génie et sans puissance si, au lieu de les refondre, on voulait les lui raccommoder. Prenez du temps; laissez les idées et les doctrines se produire, s'aventurer; mais, dès qu'une fois les hommes politiques auront résolu d'agir, plus de tàtonnements, de petits essais les lois d'un grand peuple

sont comme les armes d'Achille, il faut savoir les manier. Le gouvernement français vient de proposer une loi qui remédie aux lésions les plus injurieuses que le Code pénal faisait à la dignité humaine : cette mesure est excellente, non parce qu'elle rend inutile la révision du Code, mais parce qu'elle permet de l'ajourner.

CHAPITRE IV.

DU PROBLÈME DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE.

Détruire les parlements, créer une magistrature nouvelle destituée de toute influence politique, telle était la tâche de l'Assemblée constituante. Elle l'accomplit en ce sens, que les tribunaux et les légistes qu'elle répartit sur le territoire, d'après le système administratif qu'elle avait adopté, ne furent qu'un ministère et des officiers de justice, et c'était pour la nation et le temps l'affaire essentielle. Il ne s'agissait pas alors de trouver le meilleur système possible, mais d'abolir entièrement celui qui avait régné. D'ailleurs, résoudre du premier coup le problème de l'organisation judiciaire ne se pouvait, tant à cause de la difficulté absolue de l'entreprise que des circonstances au milieu desquelles elle se tentait. La suppression des parlements ne faisait pas disparaître les éléments, les habitudes, et, pour ainsi dire, les mœurs de notre ancienne organisation judiciaire; ce vieux monde, qu'on voit se créer peu à peu dans l'histoire de la monarchie, subsistait encore tout entier avec ses préjugés, ses coutumes et ses us, même au milieu des nouveautés les plus tranchées, et des désirs les plus ardents d'innovation. De plus, il fallait respecter le sort et ménager l'influence de tous ceux qui jusqu'alors avaient vécu du régime de la justice, de tant de magistrats, de légistes et d'avocats. Beaucoup d'entre eux travaillaient à la révolution, siégeaient à la Constituante, et

délibéraient eux-mêmes sur leurs affaires. Aussi ne faut-il guère s'étonner si l'Assemblée constituante est inférieure à elle-même dans ses discussions et ses lois sur l'organisation judiciaire; il y avait dans les esprits même les plus intelligents, et à leur insu, trop de préjugés et de préoccupations, et il fallut toute l'indépendance et la clarté d'esprit du profond Duport pour conserver seul la puissance de créer un système.

En revanche, la Convention et Napoléon songèrent aux institutions judiciaires avec des préméditations arrêtées. La Convention poursuivait l'œuvre d'une démocratie souveraine, Napoléon d'un despotisme vaste et compliqué. Avoir de bons juges les occupait moins que de se procurer des instruments; et, comme dans leur position tout se soumettait à l'unité formidable et nécessaire de leurs desseins, le blame qu'on serait tenté de jeter sur les détails doit faire place à l'intelligence du tout. Il est temps de dépouiller contre ces deux colosses les colères d'avocat et de les juger, comme ils ont agi, en grand.

La restauration se mit à réchauffer tous les souvenirs de l'ancienne magistrature, et à vouloir s'appuyer sur les cours souveraines en guise de parlements. Comme la Convention et l'Empire, elle chercha aussi des instruments, et ne se trouva que trop entraînée à confondre la politique et la justice. Il n'y eut pas si mince tribunal auquel on ne s'efforçât de persuader qu'il était le soutien de la légitimité; tout, jusqu'aux huissiers, devait être monarchique; et, pendant quelques années, les emplois de la judicature furent au concours de la complaisance et du zèle politique.

Cette expérience successive doit enseigner au pouvoir à ne plus chercher dans la magistrature que des juges rendant des décisions civiles et criminelles sur des affaires particulières. Plus de tuteurs de la monarchie, plus de censeurs de la société, mais simplement des juges. Il est temps de poser le problème de l'organisation judiciaire d'une manière sim

ple et philosophique : Quelles sont les meilleures institutions judiciaires séparées de toute puissance politique?

Dans l'enfance des sociétés, les établissements judicaires sont toujours abandonnés à l'instinct des mœurs. D'abord, ils se confondent avec le pouvoir législatif, plus tard avec l'administration. Il n'y a pas d'institution où l'habitude et la coutume exercent plus d'empire, où la réforme soit plus délicate et plus difficile. Quand une nation s'est accoutumée à identifier les garanties mêmes d'une saine justice avec les formes d'une organisation défectueuse, elle résiste longtemps aux améliorations.

Il est impossible au publiciste, sans une enquête générale (1) sur l'ordre judiciaire d'un pays, de définir nettement les réformes nécessaires et praticables. Mais, il est utile dès aujourd'hui de préciser la question et de signaler certains points (2).

La justice sociale a deux faces; elle est en même temps la source et la conséquence de la loi, elle est le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Le même principe doit constituer ces deux pouvoirs. Dans l'ancienne monarchie française, le roi était justicier souverain, parce qu'il était législateur. Aujourd'hui, que la loi

(1) Le gouvernement français vient d'entrer dans une route nouvelle par le compte rendu de l'administration de la justice civile. Cette publicité, qui deviendra successivement plus complète, doit être aussi efficace pour amener une réforme judiciaire que l'a été en finances la notoriété commencée par M. Necker. « La connaissance de cette statistique, dit le < rapport (voyez le Moniteur du 7 novembre 1831), livrera aux publicis« tes, en même temps qu'aux magistrats, un riche sujet de méditation... « C'est en continuant à réunir de pareils documents que l'on pourra poser << à l'avenir les bases des changements qui pourraient être jugés nécessai«res dans l'organisation des tribunaux. »

(2) Dès 1818, M. Charles Comte, en publiant la traduction du livre de sir Richard Philips sur le jury, indiquait quelques réformes dans d'excellentes observations sur nos institutions judiciaires. Il a, en 1828, publié de nouveau l'ouvrage anglais et développé avec plus d'étendue ses considérations remarquables.

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