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tructions sur les Œuvres de Miséricorde. Cette exhortation est en quelque sorte cachée dans le volume des Mystères.

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<< Ce qu'il y a de plus déplorable, dit-il, c'est » que des mœurs qui nous paroîtroient dan» gereuses, si elles n'étoient accompagnées de » quelqu'office de piété, perdent à nos yeux » tout ce qu'elles ont de douteux, dès que ces » œuvres extérieures les soutiennent. Et si quelquefois les vérités du salut entendues, » ou la grâce plus forte troublent cette fausse » paix et jettent des terreurs dans la cons»cience: ah! la nudité couverte, la faim rassa» siée, la misère secourue, l'innocence protégée » s'offrent à l'instant à notre esprit, et calment > cet heureux orage. Ce sont des signes de paix » qui dissipent aussi-tôt nos alarmes. C'est cet >> arc trompeur dont parle le Prophète Osée, » arcus dolosus (1), lequel au milieu des » nuages et des tempêtes que le doigt de Dieu. » commençoit à exciter dans le cœur, vient » nous promettre une fausse sérénité, et di>> vertit notre esprit de l'image présente du D danger. On s'endort sur ces tristes débris » de Religion, comme s'ils pouvoient nous »sauver du naufrage; et des œuvres chré

(1) Osee, cap. 7, vers. 16.

» tiennes qui devroient être le prix de notre » salut, deviennent l'occasion de notre perte » éternelle. »>

La finesse d'observation et la justesse d'esprit qui distinguent ce tableau ne sont pas moins remarquables que le mouvement et la vivacité du style. Ce langage d'une riche Poésie est le véritable idiome de la Chaire. Le trait souligné paroît simple au premier coup-d'œil; mais quand on l'analyse, on y trouve sous des expressions communes, une hardiesse d'Eloquence et de simplicité, que l'imagination de Massillon pousse jusqu'à l'audace, et que son excellent goût sçait voiler sous le ton familier d'une élocution ordinaire.

Voulez-vous voir comment Massillon sçait allier le naturel du style à la majesté de la pompe Oratoire? lisez ce passage du Discours qu'il prononça pour la bénédiction des drapeaux du régiment de Catinat : « Hélas! que » sont les Hommes sur la terre? une fatale » révolution, une rapidité que rien n'arrête, » entraîne tout dans les abîmes de l'éternité. » Les siècles, les générations, les Empires, » tout va se perdre dans ce gouffre tout y >> entre et rien n'en sort. Nos Ancêtres nous » en ont tracé le chemin, et nous allons le

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frayer dans un moment à ceux qui viennent

>> après nous. Ainsi les âges se renouvellent:" » ainsi la figure du Monde change sans cesse : >> ainsi les morts et les vivants se succèdent » et se remplacent continuellement. Rien ne » demeure, tout s'use, tout s'éteint. Dieu seul est toujours le même, et ses années >> ne finissent point. Le torrent des âges et » des siècles coule devant ses yeux; et il voit » de foibles Mortels dans le temps même qu'ils sont entraînés par le cours fatal, l'in»sulter en passant, profiter de ce seul mo» ment pour déshonorer son nom, et tomber >> au sortir de là entre les mains éternelles de » sa justice. »

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Ce contraste du rapide instant de notre vie avec l'éternité de Dieu, rend plus frappante la démence des Hommes; et au moment même où nous sommes entraînés par le cours fatal, le délire de l'insulter en passant devient un trait sublime. Je ne puis transcrire ici tout ce qui mérite un tribut particulier d'admiration dans le style d'un si grand Ecrivain. Mais j'y renvoye le Lecteur avec confiance; et je veux signaler du moins à sa pieuse curiosité le commencement de la seconde réflexion du quatrième Discours pour une profession Religieuse : il y verra un double tableau de la Société et de cette solitude, que Madame de

Maintenon trouvoit si bonne, disoit-elle, quand on n'est pas mauvais soi-même, aussi remarquable par la peinture des mœurs et la beauté du style que par la connoissance du Monde et du cœur humain.

Massillon est assez grand et assez assûré de son immortalité, comme du rang éminent qu'il occupe à juste titre parmi nos Orateurs classiques, pour que l'on puisse avouer sans inquiétude pour sa gloire les négligences et les fautes de ses Compositions. Je conviens donc qu'il abuse quelquefois de sa facilité pour répéter les mêmes idées. Il les présente sous des formes variées qui les énervent à force de les reproduire. En voici un exemple que je tire à dessein de son petit Carême, où ce défaut est beaucoup plus sensible

ses autres Sermons.

que dans

Au milieu de son Discours sur le respect que les Grands doivent à la Religion, Massillon emprunte de David un passage très-heureusement imité ou amplifié par Racine (1), et

(1) Voici la traduction de Racine que l'on peut citer comme un modèle de Poésie, mais non pas de précision, quand on la compare au texte.

J'ai vu l'impie adoré sur la terre :

Pareil au cèdre, il cachoit dans les Cieux

Son front audacieux,

auquel on ne peut rien comparer dans l'Antiquité profane (1). C'est ce 35° verset du 36 Pseaume, Vidi impium superexaltatum et elevatum sicut cedros Libani; et transivi, et ecce non erat. J'ai vu l'impie surexalté et élevé comme les cèdres du Liban; j'ai passé : il n'étoit plus. Massillon a voulu paraphraser aussi à sa manière ce même passage dans lequel la concision du texte sacré fait fuir l'image avec autant de rapidité que l'objet qu'on voit disparoître comme l'éclair. L'Orateur y ajoute un bel accessoire : il semble insulter le Ciel par sa gloire orgueilleuse; mais il n'en énerve pas moins l'original par six variantes qui expriment toutes la même idée. Il délaye sa pensée : il détrempe dans un flux de paroles un trait qui tire sa sublimité de sa précision, et dont le Roi-Prophète avoit consacré l'énergie, en le lançant avec plus de force par le ressort

Il sembloit à son gré gouverner le tonnerre,
Fouloit aux pieds ses ennemis vaincus;

Je n'ai fait que passer : il n'étoit déjà plus.

(1) Les Livres Saints nous fournissent un digne objet de comparaison avec ce trait sublime de David, dans le 26 verset du 32 chapitre du Deuteronome. Moyse y fait dire à Dieu dont une seule parole a suffi pour faire disparoître ses ennemis et abolir à jamais leur mémoire sur la terre. J'ai parlé : où sont-ils? Dixi: ubinam sunt?

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