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poétique d'un si petit nombre de mots. Ecoutons Massillon.

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« Je sçais, dit-il, que l'impie prospère quel

quefois, qu'il paroît élevé comme le cèdre » du Liban, et qu'il semble insulter le Ciel >> par une gloire orgueilleuse qu'il ne croit » tenir que de lui-même. Mais attendez, son » élévation va lui creuser elle-même son pré>> cipice la main du Seigneur l'arrachera » bientôt de dessus la terre. La fin de l'impie » est presque toujours sans honneur. Tôt ou » tard il faut enfin que cet édifice d'orgueil et d'injustice s'écroule la honte et les mal» heurs vont succéder ici-bas à la gloire de ses » succès on le verra peut-être traîner une » vieillesse triste et déshonorée; il finira par

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l'ignominie: Dieu aura son tour; et la gloire » de l'homme injuste ne descendra pas avec lui » dans le même tombeau. »

Cet alinéa ne me paroît qu'une languissante amplification de la première pensée. Voilà un exemple frappant de ces répétitions que j'ai cru pouvoir reprocher à Massillon. Une si facile méthode, qui n'exige point assûrément une imagination bien vive et encore moins féconde pour exprimer la même idée en d'autres mots, a séduit trop souvent son talent ou son goût, principalement dans le petit Caréme. Cet écueil

avoit été signalé longtemps auparavant dans la carrière de l'Eloquence par les justes reproches que s'étoit attirés Fléchier, si peu digne d'avoir un tel imitateur, quand avec sa faconde ordinaire il faisoit, selon le langage du College, son théme en deux façons.

La même prolixité d'amplification se retrouve quelquefois aussi, mais beaucoup plus rarement, dans le Grand Carême de Massillon. Je ne veux en citer qu'un seul exemple pour justifier le reproche que je lui fais de ne s'être pas assez prémuni contre ce ton de déclamation. On trouve l'une de ces variantes de mots vers le milieu de la seconde Partie de son homélie sur la Samaritaine. « En » mettant des bornes à nos penchants, Dieu » en a donc mis à nos peines : en nous mar» quant nos devoirs, il nous a donc montré » nos remèdes : en ne nous laissant point à » nous-mêmes et entre les mains de nos pas

sions, il nous a donc empêché d'être nos » propres tyrans en nous assujettissant à sa » loi, il n'a pas voulu tyranniser notre cœur, » mais en fixer les inquiétudes.

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Je ne puis tolérer, je l'avoue, l'étrange systême de l'Abbé Batteux sur cette abondance de paroles qu'il ose trouver Oratoire. Cet Académicien dont la Doctrine littéraire est ordi

nairement foible et commune, mais saine au moins, n'a pas craint de faire d'une si lâche diffusion un mérite et, pour ainsi dire, un précepte de goûten Eloquence. Après avoir analysé dans le plus grand détail à la fin du chapitre Ix, tome 4, page 221, de ses Principes de Litté rature, l'Oraison funèbre de Turenne, Batteux croit bonnement louer Fléchier, en ajoutant que les idées de ce Discours sont Oratoires, parce que les mémes idées y sont développées, amplifiées et présentées plusieurs fois sous des faces différentes. Certes le Commentaire me scandalise encore plus que l'assertion. C'est précisément le contraire de cette méthode qui est une règle de l'Art Oratoire, et un principe fondamental du goût. Batteux confond ici le Rhéteur ou plutôt le Déclamateur, avec l'Orateur, quoique l'amplification. et l'Eloquence n'ayent pas plus d'analogie entr'elles, que les jeux de l'escrime ne ressem→ blent à la vigueur du pugilat.

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Il est si doux de pouvoir placer l'admiration à côté de la critique, qu'au moment où je relève ces fastidieuses redites dans les Compositions de Massillon, je me plais à lui rendre un juste hommage, de l'heureuse précision qui fortifie souvent son Eloquence. Je trouve avec toute la perfection de son style, un

exemple frappant des tournures très-serrées et très-oratoires dont il a enrichi notre Langue, dans son homélie déjà citée sur la Samari taine, vers la sixième page du premier Point. C'est un très-beau moule de phrase que je ne me souviens d'avoir vu dans aucun autre de nos Ecrivains. Un Orateur ordinaire auroit employé quatre fois plus d'espace pour présenter les mêmes pensées groupées par Massillon avec tant de concision et de clarté, que sans réfuter par la moindre discussion les prétentions des Pécheurs auxquels il ne veut laisser aucune excuse, il lui suffit de les exposer ou plutôt de les indiquer simplement pour les confondre avec tout l'ascendant de l'évidence et le triomphe de l'ironie: il n'a pas besoin de vous écouter, en vous accablant de questions auxquelles votre conscience répond en secret malgré vous : il vous force de vous juger vous-même; et l'énonciation rapide de tous vos prétextes vous en découvre aussitôt l'inconséquence et l'absurdité. Voici ce tour neuf et remarquable, que Démosthène et Cicéron eussent admiré.

« Quand vous nous dites que vous êtes du » Monde, que prétendez-vous dire? que vous » êtes dispensés de faire pénitence? mais si le » Monde est le séjour de l'innocence, l'asyle

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» de toutes les vertus, le protecteur fidelle de » la pudeur, de la sainteté, de la tempérance; » vous avez raison. Que la prière vous est moins » nécessaire? mais si dans le Monde les périls » sont moins fréquents que dans les solitudes, » les piéges moins à craindre, les séductions » moins ordinaires, les chûtes plus rares, et » qu'il faille moins de grâce pour s'y soutenir; je suis pour vous. Que la retraite n'y sçau»roit être un devoir? mais si les entretiens y » sont plus saints, les assemblées plus inno»centes; si tout ce qu'on y voit, qu'on y » entend, élève à Dieu, nourrit la Foi, réveille » la Piété, sert de soutien à la grâce : je le veux. » Qu'il en doit moins coûter pour se sauver? » mais si vous y avez moins de passions à » combattre, moins d'obstacles à surmonter; » si le Monde vous facilite tous les devoirs de » l'Evangile, l'humilité, l'oubli des injures, » le mépris des grandeurs humaines, la joie » dans les afflictions, l'usage chrétien des ri» chesses; vous dites vrai, et on vous l'ac» corde. O Hommes! tel est votre aveuglement, » de compter vos malheurs, parmi vos privi» léges; de vous persuader que ce qui multi» plie vos chaînes augmente votre liberté, et » de faire votre sûreté de vos périls mêmes. »

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Les variantes qui déguisent mal la répéti

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