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tion et le vuide des idées ne sont cependant pas le seul reproche que l'on puisse faire à Massillon. Tous ou presque tous ses plans sont les mêmes. Outre cette uniformité dont on est plus frappé quand on lit ses Sermons. de suite, il se borne ordinairement dans ses Divisions à combattre les prétextes des passions ou de la foiblesse humaine, et n'entre peut-être pas assez avant dans le fond de ses Sujets. Massillon étoit né avec de très-grands talents pour l'Eloquence; mais il n'étoit pas assez laborieux dans sa jeunesse il se hâtoit trop peut-être en traitant un grand nombre de Sujets, sans les avoir assez creusés : il abusoit de sa facilité; et j'oserois lui appliquer le jugement que l'Orateur Romain portoit de Pison qu'il a perdu pour sa gloire tout ce qu'il a refusé au travail (1). On peut le soupçonner avec regret, malgré toute sa réputation, de n'avoir pas tiré de son génie tous les trésors qu'il pouvoit lui fournir. C'est en lui décernant l'hommage de mon admiration la plus vive et la plus sincère; c'est en applaudissant de cœur et d'âme à l'opinion qui le proclame l'un de nos plus grands Ecrivains; c'est en le lisant

(1) Quantùm detraxit ex studio tantum amisit e gloria.. Brutus, 236

la

sans cesse, et en le relisant toujours avec amour, qu'il doit être permis à mon enthousiasme pour son talent et à mon zèle pour perfection de l'Art, de lui adresser le même reproche que fait le Cardinal de Retz au grand Condé, quand il l'accuse de n'avoir pas rempli tout son mérite (1).

Eh! combien en effet Massillon ne seroit-il pas au-dessus même de sa renommée, si tous ses Sermons étoient aussi parfaits que ses Conférences ecclésiastiques, ses Discours sur le petit nombre des Elus, sur le Pardon des Ennemis, sur la mort du Pécheur, sur la Confession, sur l'Aumône, sur la Divinité de Jésus-Christ, sur le mélange des Bons et des Méchants, sur le Respect humain, sur l'Impénitence finale, sur la Tiédeur, sur les Injustices du Monde, ses homélies de l'Enfant prodigue, du Mauvais riche et de la Samaritaine, etc. etc. et presque tous les Sermons de son Avent et de son grand Carême ! Voilà les Chef-d'œuvres qui accusent les. Discours moins classiques de Massillon! c'est là qu'il déploye tout son génie, et qu'on regrette quelquefois qu'il n'ait pas donné plus de temps ou de travail à la composition de tous ses

(1) Mémoires, tome 1.

Ouvrages. Il est manifeste que ce grand Ecrivain, trompé par sa fécondité, ne nourrit point assez de pensées son style enchanteur; et il perdroit beaucoup sans doute s'il étoit jugé sur cette maxime de Fenelon (1): Un bon Discours est celui où l'on ne peut rien retrancher sans couper dans le vif. Quelquefois enfin ses raisonnements trop peu réfléchis sont dénués de la justesse, de la force, peut-être même de la gravité qu'il étoit si digne de leur donner. Croiroit-on, par exemple, que dans son Sermon sur la certitude d'un Avenir, qui est rempli d'ailleurs de beautés mâles et énergiques, Massillon réfute sérieusement, et plus d'une fois, l'objection frivole qui se fonde sur l'impossibilité de croire à une autre vie, par la raison que personne n'en est revenu?

L'Orateur François par excellence, Bossuet, a daigné confondre aussi cette prétention des Pécheurs, qui voudroient être favorisés d'apparitions miraculeuses, pour déterminer leur Conversion. Une phrase lui suffit, en finissant l'Oraison funèbre de Madame Henriette, le plus touchant de tous ses Discours, pour étouffer cette demande par un trait sublime. Plût à Dieu que Massillon eût souvent imité

(1) Lettre sur l'Eloquence.

D

cette hardiesse de pinceau! « Attendons-nous
» s'écrie l'Evêque de Meaux, que Dieu ressus-
» cite les morts pour nous instruire? Il n'est
» point nécessaire que les morts reviennent,
que quelqu'un sorte du tombeau : ce qui
» entre aujourd'hui dans le tombeau, doit
» suffire pour nous convertir. >>

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LIX. Des Talents

Fenelon.

S'il n'est pas nécessaire pour être placé au plus haut rang parmi les Orateurs, d'avoir Oratoires de composé un grand nombre de Chef-d'œuvres; s'il suffit pour fonder en ce genre une renommée éclatante, d'avoir illustré son talent par un ou deux Discours du premier ordre, ou même simplement d'une imposante célébrité, comme Pline en composant le Panégyrique de Trajan, et peut-être Fléchier en prononçant l'Oraison funèbre de Turenne, infiniment supérieure à tous ses autres Ouvrages; si une pareille distinction suffit enfin pour consacrer une grande réputation Oratoire, et même pour partager la gloire de ces génies plus féconds qui jouissent des honneurs de la primauté dans la carrière de l'Eloquence, on peut ajouter avec confiance à la liste de nos plus célèbres Orateurs Sacrés, sur laquelle l'opinion publique n'inscrit encore que Bossuet, Bourdaloue et Massillon, le nom d'un Ecrivain supérieur en goût comme en talent

aux deux Panégyristes de Trajan et de Turenne, je veux dire, le nom chéri de Fenelon qui s'est associé à la prééminence de nos trois immortels Prédicateurs et marche leur égal, sans avoir besoin d'autres titres que deux Discours qui lui en assûrent le droit aux yeux de la Postérité.

C'est louer beaucoup, je le sens : c'est exalter sur-tout fort tard, après plus d'un siècle révolu, l'Eloquence de Fenelon, que de l'assimiler à de tels rivaux dans le genre de la Chaire. Mais outre que l'enthousiasme seroit sans doute excusable, en réclamant contre un déni de justice, mon admiration ne demande nullement à être crue sur parole. Je produirai dans un instant les preuves qui la motivent; et je reconnoîtrai que j'ai tort, si les citations les plus triomphantes ne servent pas de fondement à mes éloges.

L'un des titres Oratoires sur lequel je fonde mon opinion, est le sublime et pathétique Discours que Fenelon prononça dans l'Eglise Collégiale de Lille en 1708, quand il fit la Consécration du Prince de Bavière ArchevêqueElecteur de Cologne. C'est une pièce d'Eloquence du premier ordre. J'ai suffisamment manifesté, et le jugement des Gens de Lettres a pleinement confirmé la haute admiration

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