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joug, en suivant l'exemple de Venise; il a sagement ordonné, pour anéantir toute puissance de l'inquisition dans ses états, 1o que le procureur-général, accusateur, communiqueroit à l'accusé les articles de l'accusation et le nom des témoins; 2° que l'accusé auroit la liberté de choisir un avocat et de conférer avec lui; 3° il a de plus défendu d'exécuter aucune sentence de l'inquisition qu'elle n'eût été confirmée par son conseil. Ainsi les projets de Jean de Bragance ont été exécutés, un siècle après, par un de ses successeurs.

Sans doute qu'on a imputé à un tribunal si justement détesté des excès d'horreurs qu'il n'a pas toujours commis; mais c'est être mal-adroit que de s'élever contre l'inquisition par des faits douteux, et plus encore de chercher dans le mensonge de quoi la rendre odieuse; il suffit d'en connoître l'esprit.

Bénissons le jour où l'on a eu le bonheur d'abolir dans ce royaume une juridiction si contraire à l'indépendance de nos rois, au bien de leurs sujets, aux libertés de l'église gallicane, en un mot à toute sage police. L'inquisition est un tribunal qu'il faut rejeter dans tous les gouvernemens. Dans la monarchie, il ne peut faire que des hypocrites, des délateurs et des traîtres. Dans les républiques, il ne peut former que de malhonnêtes gens. Dans l'état despotique, il est destructeur comme lui. Il n'a servi qu'à faire perdre au pape un des plus beaux fleurons de sa couronne, les Provinces Unies, et à brûler ailleurs, aussi cruellement qu'inutilement, un grand nombre de malheureux.

Ce tribunal inique, inventé pour extirper l'hérésie, est précisément ce qui éloigne le plus tous les protestans de l'église romaine; il est pour eux un objet d'horreur: ils aimeroient mieux mourir mille fois que de s'y soumettre; et les chemises ensoufrées du saint office sont l'étendard contre lequel on les verra toujours réunis. De là vient que leurs habiles écrivains proposent cette question Si les puissances protestantes ne pourroient pas se liguer avec justice pour détruire à jamais une juridiction cruelle, sous laquelle gémit le christianisme depuis si long-temps?

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Sans prétendre résoudre ce problême, il est permis d'avancer, avec l'auteur de l'Esprit des Lois, que si quelqu'un, dans la postérité, ose dire qu'au dix-huitième siècle tous les peuples de l'Europe étoient policés, on citera l'inquisition pour prouver qu'ils étoient en grande partie des barbares; et l'idée que l'on en prendra sera telle, qu'elle flétrira ce siècle, et portera la haine sur les nations qui adopteroient encore cet établissement odieux. (M. de JAUCOURT.)

LES

Es inscriptions des monumens publics de France doivent - elles être écrites en latin ou en français ? Cette question fut agitée avec beaucoup de chaleur, sous Louis XIV, dans le temps de la rapidité de ses conquêtes sur la Hollande. On avoit arrêté qu'on éleveroit au monarque un arc de triomphe. Il convenoit d'embellir ce monument de belles inscriptions; mais l'embarras fut extrême parmi les savans, pour décider quelle langue, de la française ou de la latine, étoit la plus propre à remplir cet objet important. Les uns étoient pour notre langue, les autres pour celle des Romains. Le célèbre et trop décrié Perrault, partisan des modernes, vouloit que les inscriptions fussent en français : c'étoit aussi l'avis du grand Colbert; mais les Santeuil, les Commire toutes les universités, tous les colléges, regardoient cette innovation comme le coup le plus mortel qu'on pût porter aux sciences et aux lettres. Ils vouloient qu'on laissât le latin dans sa longue possession de transmettre à la postérité les actions des héros, et qu'on célébrât Louis XIV dans une langue qui avoit immortalisé César, Auguste, Tite et Trajan.

Ce n'étoit pas pour la première fois qu'on s'élevoit contre l'usage. Dès 1636, M. de la Chambre, l'un des premiers académiciens français, s'étoit déclaré l'apologiste de notre langue. Il avoit écrit qu'elle pouvoit se plier à tous les sujets, et il ne vouloit pas qu'on eût recours à d'autres pour les monumens publics. Un avocat, au conseil privé du roi, nommé Bélot, l'avoit réfuté. Bélot prétendit que le latin méritoit uniquement nos soins, et qu'il étoit dangereux, pour l'état et pour la religion, de lui substituer le français. Il mit sur le compte de notre langue les hérésies des derniers temps, et sur-tout les guerres de la ligue et de la fronde. Il écrivit de manière qu'on se moqua de lui.

Ménage fit courir ces vers :

La pauvre langue latiale

Alloit être troussée en malle

Si le bel avocat Bélot,

Du barreau le plus grand falot,
N'en eût pris en main la défense,
Et protégé son innocence,
En quoi certes et sa bonté,
Et son zèle, et sa charité,
Se firent d'autant plus paroître,
Qu'il n'a l'honneur de la connaître.
Semblable à ces preux chevaliers,
Ces paladins aventuriers

Qui, défendant des inconnues,
Out porté leur nom jusqu'aux nues.

Les savans prirent peu de part à cette dispute. Le latin étoit encore trop en règne; au lieu qu'il commença à déchoir sous Louis XIV, à mesure que nos grands écrivains parurent, et que le génie de notre langue se développa. Elle s'étoit déjà très-enrichie par un grand nombre de chef-d'œuvres qui l'ont rendue supérieure à toutes celles de l'Europe, lorsqu'on mit en délibération si l'on secoueroit enfin le joug de la langue latine, et si on lui préféreroit la nôtre pour les inscriptions de l'arc de triomphe. Cela fut discuté en France, avec cette chaleur qu'on peut attendre d'une nation passionnée pour sa langue, et glorieuse de la voir se perfectionner chaque jour par la plume de tant d'écrivains originaux. Le plus grand nombre étoit d'avis qu'on annonçât, en français, aux peuples, les actions éclatantes des rois et les vertus des citoyens. L'académie, établie uniquement dans la vue de donner à la langue toute la perfection dont elle est susceptible, ne s'oublia pas dans cette occasion. Les trois quarts au moins de ce corps se déclarèrent pour le français: quelques académiciens, à la vérité, écrivirent en faveur du latin.

Au milieu de cette agitation des esprits, et de l'incertitude où l'on étoit comment la dispute finiroit, Charpentier entreprit de la faire décider en faveur de notre langue. Ce savant et laborieux académicien, qui a donné la traduction de la Cyropédie, publia, en 1676, sa defense de la langue française, pour l'inscription de l'arc de triomphe. Ce qu'on peut dire de mieux là-dessus se trouvoit réuni dans cet ouvrage, de l'avis même de ceux qui pensoient autrement que l'auteur. La cause qu'il soute

noit ne pouvoit lui faire aucun tort. Après avoir passé la plus grande partie de sa vie à dévorer le grec et le latin, il ne craignoit pas d'être récusé pour juge, ni soupçonné de n'avoir rejeté ces langues que parce qu'il les ignoroit.

Son livre répandit une alarme générale sur le parnasse latin. Santeuil fit à ce sujet une élégie. D'autres poètes latins exprimèrent leur indignation; mais personne ne réfuta Charpentier plus vivement que le P. Lucas, professeur de réthorique au collège de Louis-le-Grand. Ce jésuite, homme de mérite, prononça, le 25 novembre 1676, une harangue latine, dans laquelle, sans se permettre aucune personnalité, il s'attacha simplement à prouver que les inscriptions des monnmens publics devoient être en latin. L'assemblée, devant laquelle il parla, 'étoit nombreuse et choisie; mais il n'entraîna pas tout le monde dans son sentiment. On se contenta d'applaudir au style et aux pensées ingénieuses de l'orateur, et l'on ne crut pas qu'il eut raison.

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Cependant la harangue faisoit beaucoup de bruit, même parini les gens du monde, de qui les plus beaux discours de college sont presque toujours ignorés. Celui-ci méritoit d'être réfuté. Malheureusement il le fut d'abord par deux écrivains très-médiocres, l'abbé Tallemant le jeune et l'abbé de Maroles. Ce dernier, le vrai Pitaval de son siècle, voulant prouver que notre langue ne le cède en rien à celle' des Romains, eut l'imbécillité de citer ses propres écrits. Quelque bonne que fut la cause de semblables défenseurs pensèrent la ruiner. Charpentier vit le moment où tous ses projets alloient être inutiles. Il prépare aussitôt de nouvelles armes, pour combattre le jésuite et ses partisans. Il réfute à son tour le P. Lucas, en opposant à ce discours, que tous les latinistes croyoient sans réplique, deux volumes in-12, publiés en 1683, sous ce titre De l'excellence de la langue française. La matière est traitée dans cet ouvrage avec assez d'ordre, de lumières et de goût. Les caractères de notre langue y sont bien saisis. On y démontre qu'il n'y a point de sciences qu'on ne puisse enseigner en français d'une manière aussi convenable qu'en grec et en latin. L'ouvrage enfin eut du

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