صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

succès, et fit ouvrir les yeux à bien des gens, esclaves jusqu'alors de l'usage. Le roi lui-même voulut que, par la suite, les glorieux événemens de son règne fussent lus et entendus de tout le monde. Charpentier fut si enchanté de la fortune de son livre, qu'il en donna promptement avis au comte de Bussi, dans une lettre, où il lui disoit : « J'ai présentement d'illustres sectateurs, et je ne pou» vois pas espérer un plus heureux succès de mon opi»nion, que d'avoir fait résoudre le roi d'effacer les ins»criptions latines de tous les tableaux historiques de la >> grande galerie de Versailles, et d'y en mettre de fran>> caises, comme il y en a présentement. »

Il est certain que les idées de cet académicien, zélé pour notre langue, contribuèrent beaucoup à la faire employer pour les tableaux de la galerie de Versailles; mais il ne l'est pas moins aussi, que les inscriptions qu'il donna furent effacées. Il les avoit chargées d'épithètes ridiculement pompeuses. On mit à la place des inscriptions de Rainsant, qui sont très-simples.

être

L'opinion qu'en France on ne doit écrire qu'en français, ayant été adoptée du monarque, elle le fut bientôt généralement de toute la nation. On se fondoit, , pour de cet avis, sur ce que le français est le plus beau langage de l'univers. On vouloit qu'il eût les avantages de toutes les langues de l'europe, sans en avoir les défauts : on en faisoit enfin une langue parfaite. Mais en est-il une dans le monde qui puisse exprimer toute la variété de nos idées et de nos sensations, toutes les nuances dont elles sont susceptibles? On désigne, sous des noms généraux, mille choses qui se divisent à l'infini. Point de langue qui ne soit imparfaite comme nous. La nôtre n'a peutêtre ni l'abondance, ni la flexibilité de l'italien, ni la majesté de l'espagnol, ni l'énergie de l'anglais. Si le latin a de la rudesse à cause de la terminaison de la plupart de ses mots, en récompense il a l'avantage des inversions. Elles lui donnent une hardiesse, une vigueur, une harmonie à laquelle notre langue ne sauroit atteindre. La marche du français est timide, sa syntaxe toujours uniforme. Le nominatif précède ordinairement le verbe: le verbe amène après lui son accusatif. S'il y a une

[ocr errors]

langue parfaite, c'est assurément le grec: c'est la plus sonore la plus abondante dans ses expressions, la plus variée dant ses tours, et la plus régulière dans sa marche; celle qui exprime mieux les mouvemens divers de notre ame. Ses syllabes longues et brèves, l'enchantement de sa prosodie, font qu'elle a toute l'expression de la musique. Chez elle, tout est image: d'un seul mot, on peut rendre plusieurs idées.

Le grand mérite de notre langue, et ce mérite a dû lui suffire pour devenir la langue la plus générale de l'europe, c'est la douceur et la clarté. Point de langue plus propre qu'elle pour la conversation, qui soit plus de commerce, qui compte plus de livres agréables, qui ait mieux réussi à réduire tous les goûts à un goût général. Elle a pris faveur comme nos usages et nos modes. On a comparé les talens de nos bons écrivains à celui de nos femmes, qui, sans être plus belles que les autres femmes de l'europe, le paroissent davantage, parce qu'elles se mettent mieux, qu'elles ont porté plus loin l'art de la parure, et saisi plus sûrement les graces nobles, simples et naturelles.

Les partisans de notre langue vouloient que, pour achever de la mettre en crédit, on ne se servît que d'elle pour les inscriptions de nos monumens. C'est en effet un reste de préjugé d'en employer une autre en ces occasions. Le français n'a-t-il pas autant de précision et de force qu'il en faut pour ces sortes de sujets? Qu'on choisisse seulement un homme de génie, et l'on verra de quoi notre langue est capable: on en a des exemples.

Certaines villes du royaume ont voulu avoir des inscriptions françaises. Celle qu'on y lit sur quelquesunes de leurs portes, ou sur le frontispice de quelques-uns de leurs bâtimens, valent bien tout ce qu'on eût pu dire en latin. Avons-nous, dans cette langue, beaucoup de choses comparables aux quatre vers de Piron, faits pour une bourgade, près de Troye en Champagne, qui fut incendiée, et rétablie par M. Grassein, officier de la monnoie.

La flamme avoit détruit ces lieux:
Grassein les rétablit par sa munificence.

Que ce marbre à jamais expose à tous les yeux
Le malheur, le bienfait et la reconnoissance.

·Presque toutes les inscriptions des statues de nos rois sont en latin. On a tenu un milieu pour celles de Louis XIII à la place royale. Des quatre faces de la base de cette statue équestre, deux sont chargées de latin, et les deux autres de français. Il étoit réservé à ce temps-ci de voir rendre totalement justice à notre langue : du moins on se flatte qu'on n'éternisera que par elle, dans l'inscription de la statue équestre de Louis XV à Paris, le glorieux règne de ce monarque.

Il faudroit qu'on en usât de même pour nos fontaines publiques, nos jardins, nos portraits, nos statues. Le genre des inscriptions est un genre borné. Tel poète français, dans cette partie, pourroit balancer Santeuil ? Que peut-on faire de plus heureux que ce distique sur une statue de l'Amour?

Qui que tu sois, voici ton maître;
Il l'est, le fut, ou le doit être.

Il y a des noms français qu'on affoiblit totalement en les traduisant consacrés par la vénération publique, : ils frappent moins lorsqu'ils sont latinisés. Quel est le mot latin qui rendra l'impression que fait sur nous celui de Fontenoi? Enfin Horace et Virgile ont composé dans leur langue; Homère et Anacréon ont écrit en grec, et non pas en hébreu ou en égyptien : un français doit écrire en français, et non pas dans une langue étrangère à tant de monde. Deux amis de l'Arioste, grands latinistes l'exhortoient à se livrer à la poésie latine pour laquelle ils lui voyoient beaucoup de talent. « J'aime mieux, » leur répondit-il, être le premier des poètes toscans, >> que de me voir dans un rang inférieur entre les poètes >> latins. » C'est ce que pensa de bonne heure notre célèbre Racine qui, dit-on, eût pu effacer, s'il avoit voulu, les Rapin et les Commire; et c'est aussi ce qu'auroit dû. se dire le fameux cardinal de Polignac.

(Voyez langue française. )

(ANONYME.)

[ocr errors]

ON

INSENS Ê.

N donne cette épithète injurieuse à deux sortes d'hommes; à ceux qui ont réellement perdu le sens et la raison, et à ceux qui se conduisent comme s'ils en étoient privés. Un insensé n'est pas toujours un sot; il est capable de donner à un autre un bon conseil, mais il est incapable de le suivre: rien n'est si commun qu'un homme d'esprit qui se conduit comme un fou.

(ANONYME.)

L'INDIFFER

INDIFFÉRENCE est à l'ame ce que la tranquillité est au corps; et la léthargie est au corps ce que l'insensibilité est à l'ame: ces dernières modifications sont l'une et l'autre l'excès des deux premières, et par conséquent également vicieuses.

L'indifférence chasse du cœur les mouvemens impétueux, les desirs fantasques, les inclinations aveugles: l'insensibilité en ferme l'entrée à la tendre amitié, à la noble reconnoissance, à tous les sentimens les plus justes et les plus légitimes. Celle-là, détruisant les passions de l'homme, ou plutôt naissant dans leur non-existence, fait que la raison, sans rivales, exerce plus librement son empire; celle-ci, détruisant l'homme lui-même, en fait un être sauvage et isolé qui a rompu la plupart des liens qui l'attachoient au reste de l'univers. Par la première enfin, l'ame tranquille et calme ressemble à un lac dont les eaux, sans pente, sans courant, à l'abri de l'action des vents, et n'ayant d'elles-mêmes aucun mouvement particulier, ne prennent que celui que la rame du batelier leur imprime; et, rendue léthargique par la seconde, est semblable à ces mers glaciales qu'un froid excessif engourdit jusque dans le fond de leurs abymes, et dont il a tellement durci la surface, que les impressions de tous les objets qui la frappent y meurent sans pouvoir passer plus avant, et même sans y avoir causé le moindre ébranlement ni l'altération la plus légère.

elle

L'indifférence fait des sages, et l'insensibilité fait des monstres; elle ne peut point occuper tout entier le cœur de l'homme, puisqu'il est essentiel à un être animé d'avoir du sentiment; mais elle peut en saisir quelques endroits, et ce sont ordinairement ceux qui regardent la société ; car pour ce qui nous touche personnellement, nous conservons toujours notre sensibilité, et même elle s'augmente de tout ce que perd celle que nous devrions avoir pour les autres. C'est une vérité dont les grands se chargent souvent de nous instruire. Quelque vent contraire s'élève-t-il dans la région des tempêtes où les place

leur

« السابقةمتابعة »