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ISSOUDUN.

VILLE de France, en Berry, à cinquante- quatre

lieues de Paris.

Michel Baron, le plus grand acteur tragique, l'Ésope de la France, naquit à Issoudun, et mourut à Paris en 1729, âgé de 77 ans. Il se nommoit Boyron; mais Louis XIV l'ayant appelé plusieurs fois Baron, ce nom lui est resté. Baron, dès sa plus tendre jeunesse, marqua ses talens supérieurs dans une petite troupe que la demoiselle Raisin avoit formée sous le titre de comédiens de M. le Dauphin. Molière l'ayant vu et entendu déclamer, l'attira dans celle dont il étoit le chef; Baron y joua toujours avec de nouveaux applaudissemens, jusqu'en 1691, qu'il se retira du théâtre, ayant obtenu du roi une pension de mille écus; il passa trente ans dans une vie privée, et reparut au bout de ce temps-là sur la scène avec plus d'éclat que jamais.

La nature sembloit s'être épuisée en formant cet homme rare. Il avoit une taille avantageuse, la mine haute et fière, la parole aisée, la prononciation nette et d'une grande précision; sa voix étoit sonore, forte, juste et flexible; ses tons énergiques et variés; ses gestes vrais, précis, nobles, ménagés; tout exprimoit en lui; son visage, son regard, ses attitudes et son silence même; il n'étoit pas seulement acteur, il étoit Achille, Agamemnon, Pyrrus, Auguste, Cinna, Venceslas; il termina, au mois de septembre 1729, sa seconde carrière en jouant dans la tragédie de Rotrou le même rôle de Venceslas, par lequel il avoit débuté la dernière fois qu'il monta sur le théâtre; il sentit un peu d'oppression et s'arrêta sur ce vers:

Si proche du cercueil où je me vois descendre.

Trois mois après il mourut et n'a pas été remplacé, mais la Champinêlé et la Lecouvreur l'ont été.

On sait les quatre vers que fit Despréaux pour mettre au bas de l'estampe de Baron.

Du vrai, du pathétique, il a fixé le ton:

De son art enchanteur l'illusion divine

Prêtoit un nouveau lustre aux beautés de Racine,

Un voile aux défauts de Pradon.

(M. de JAU COURT.)

Nous devons chérir ce pays pour avoir été le berceau

des arts et des sciences après tant de siècles de barbarie, et pour avoir eu la gloire, comme autrefois l'ancienne Grèce, de les avoir cultivés sans altération pendant le seizième siècle, tandis que les armées de Charles-Quint saccageoient Rome, que Barberousse ravageoit les côtes de l'Italie, et que les dissensions des princes et des républiques troubloient l'intérieur du pays. Cependant, malgré tous ces obstacles, l'Italie seule, dans un court espace d'années, porta les beaux arts à leur perfection, et fit rapidement dans les lettres des progrès si prodigieux et si étendus que nous ne nous lassons point de les admirer encore aujourd'hui.

Le siècle de Léon X sera donc à jamais célèbre par les hommes immortels qu'il a produits en tout genre, ainsi que par la grande révolution, qui, sous lui, divisa l'église, déchira le voile et finit par renverser ce colosse vénérable dont la tête étoit d'or, et dont les pieds étoit d'argile.

Mais, dans le cours de cette révolution de l'esprit humain, qui fit éclôre un nouveau systême politique, l'on découvrit un nouveau monde, et le commerce s'établit entre le vieux monde et les Indes. Par ces grands événemens l'opulence devenue plus générale excita l'industrie, adoucit les mœurs, répandit le goût du luxe, et porta la culture des arts et des lettres dans la plupart des provinces de l'Europe. Alors les beaux jours de l'Italie s'éclipsèrent, et sa gloire s'évanouit pour la seconde fois. Son commerce a passé, la source de ses richesses a tari, et ses peuples sont présentement esclaves des autres nations.

Rome, il est vrai, demeure toujours capitale du monde chrétien; mais on a très-bien remarqué que si la souveraineté que le pape possède est assez grande pour se rendre respectable, elle est trop petite pour se rendre redoutable. Les républiques de Florence, de Venise et de Gênes, ont perdu leur lustre et leur gloire, les états des autres princes, qui composent cétte belle presqu'ile, sont soumis à l'empereur, au roi de Sardaigne et à l'in

fant dom Carlos, qui ont tous des intérêts opposés ; ou bien ce sont de petits états ouverts comme des caravanserais, forcés de loger les premiers qui y abordent : c'est pourquoi leur seule ressource est de s'attacher aux grandes puissances, et leur faire part de leur frayeur, plutôt que de leur amitié. En un mot, pour achever de peindre l'Italie de nos jours, en empruntant le langage de la poésie,

La nature en vain bienfaisante
Veut enrichir ces lieux charmans,
Des prêtres la main désolante
Etouffe ses plus beaux présens.
Les monsignors, soi-disant grands,
Seuls dans leurs palais maguifiques,
Y sont d'illustres fainéans,
Sans argent et sans domestiques.
Pour les petits, sans liberté,
Martyrs du joug qui les domine,
Ils ont fait veu de pauvreté,
Priant Dieu par oisiveté,

Et toujours jeûnant par famine.

Nous n'ajoutons pas les autres strophes de milord Harvey, qui sont assez connues, parce que nous ne faisons pas la satyre des états: mais on doit nous permettre des tableaux vrais et spirituels quand ils s'offrent d'euxmêmes, et qu'ils peuvent délasser le lecteur de son attention à nos autres articles, souvent rebutans par leur longueur ou leur sécheresse.

(M. de JAU COURT.)

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APPÉTIT

IVROGNERIE.

PPÉTIT déréglé de boissons enivrantes. Je conviens que cette sorte d'intempérance n'est ni très-onéreuse ni de difficile apprêt. Les buveurs de profession n'ont pas le palais délicat : « Leur fin, dit Montagne, c'est l'avaler >> plus que le goûter; leur volonté est plantureuse et >> en main ». Je conviens encore que ce vice est moins coûteux à la conscience que beaucoup d'autres; mais c'est un vice stupide, grossier, brutal, qui trouble les facultés de l'ame, attaque et renverse le corps. Il n'importe que ce soit dans du vin de Tockai ou du vin de Brie que l'on noie sa raison; cette différence du grand seigneur au savetier ne rend point le vice moins honteux. Aussi Platon, pour en couper les racines de bonne heure, privoit les enfans, de quelque ordre et condition qu'ils fussent, de boire du vin avant la puberté, et il ne le permettoit à l'âge viril que dans les fêtes et les festins; il le défend aux magistrats avant leurs travaux aux affaires publiques, et à tous les gens mariés, la nuit qu'ils destinent à faire des enfans.

Il est vrai néanmoins que l'antiquité n'a pas généralement décrié ce vice, et qu'elle en parle même quelquefois trop mollement. La coutume de passer les nuits à boire régnoit chez les Grecs, les Germains et les Gaulois; ce n'est que depuis environ quarante ans que notre noblesse s'y est beaucoup moins livrée : seroit-ce que nous nous sommes amendés, ou ne seroit-ce point que nous sommes devenus plus foibles, plus répandus dans la société des femmes, plus délicats, plus voluptueux?

Nous lisons dans l'histoire romaine que L. Pison, qui conquit la Thrace, et qui exerçoit la police de Rome avec sévérité, et L. Cossus, personnage grave, se laissoient aller tous deux à ce genre de débauche, sans toutefois que les affaires confiées à leurs soins en souffrissent aucun dommage. Le complot de tuer César fut également confié à Cassius, buveur d'eau, et à Cimber, qui s'enivroit de gaieté de cœur; ce qui lui fit répondre plaisamment, quand on lui demanda s'il agréoit d'entrer dans la conjuration:

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