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conjuration: « Que je portasse un tyran, moi qui ne » peux porter le vin? »

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Il ne faut donc pas s'étonner de voir souvent, dans les poètes du siècle d'Auguste, l'éloge de Bacchus couronné de pampre, tenant le thyrse d'une main, et une grappe de raisin de l'autre. Un peu de vin dans la tête, dit Horace, est une chose charmante le vin dévoile les pensées secrètes, il met la possession à la place de l'espérance, il excite la bravoure, il nous décharge du poids de nos soucis, et sans étude il nous rend savans. Combien de fois la bouteille de son sein fécond n'a-t-elle pas versé l'éloquence sur les lèvres du buveur? Combien de malheureux n'a-t-elle pas affranchi des liens de la pauvreté ?

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Si ces idées poétiques sont vraies, d'une liqueur enivrante qu'on prend avec modération, il s'en faut bien qu'elles conviennent aux excès de cette liqueur. La vapeur légère qui jette la vivacité dans l'esprit, devient, par l'abus, une épaisse, fumée qui produit la déraison l'embarras de la langue, le chancellement du corps, l'abrutissement de l'ame, en un mot tous les effets qui dégradent l'homme aux yeux de son semblable. Ajoutez le sommeil qui vient terminer la scène de ce misérable état, parce que peut être le sang, se portant plus rapidement au cerveau, comprime les nerfs, et suspend la sécrétion du fluide nerveux; je dis peut-être, car il est très-difficile d'assigner les causes des changemens singuliers qui naissen: alors dans toute la machine. Qu'on roidisse sa raison tant qu'on voudra, la moindre dose d'une liqueur enivrante suffit pour la détruire. Nous avons beau philosopher, quelques gouttes d'un breuvage de cette espèce nous rendent insensés: eh! comment cela ne seroit-il pas ? L'expérience nous prouve si souvent que, dans la vie, l'ame la plus forte, étant de sens froid, n'a que trop à faire pour se tenir sur pied contre sa propre foiblesse.

Le philosophe doit toutefois distinguer l'ivrognerie de la personne, d'une certaine ivrognerie nationale qui a sa source dans le terroir, et à laquelle il semble porter les habitans dans les pays septentrionaux. L'ivrognerie se Tome VI.

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trouve établie par toute la terre, dans la proportion de la froideur et de l'humidité du climat. Passez de l'équateur jusqu'à notre pole, vous y verrez l'ivrognerie augmenter avec les degrés de latitude; passez du même équateur au pole opposé, vous y trouverez l'ivrognerie aller vers le midi, comme de ce côté-ci elle avoit été vers le nord.

Il est naturel que là où le vin est contraire au climat, et par conséquent à la santé, l'excès en soit plus sévèrement puni que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la personne, où elle en a peu pour la société, où elle ne rend point les hommes furieux, mais seulement stupides: ainsi les lois qui ont puni un homme ivre, et pour la faute qu'il commettoit, et pour l'ivresse, n'étoient applicables qu'à l'ivrognerie de la personne, et non à l'ivrognerie de la nation. En Suisse, l'ivrognerie n'est pas décriée; à Naples, elle est en horreur : mais au fond, laquelle de ces deux choses est le plus à craindre, ou l'intempérance du Suisse, ou la réserve de l'Italien?

Cependant cette remarque ne doit pas nous empêcher de conclure que l'ivrognerie, en général et en particulier, ne soit toujours un défaut, contre lequel il faut être en garde; il blesse la loi naturelle qui nous ordonne de conserver notre raison: c'est un vice dont l'âge ne corrige point, et dont l'excès ôte tout ensemble la vigueur à l'esprit, et au corps une partie de ses forces.

Il faut avouer que les ivrognes ont des saillies et des naïvetés qui leur sont particulières, et qui peuvent

amuser.

Un ivrogne qui avoit bien bu, se leva la nuit d'auprès de sa femme, et alla satisfaire son besoin par la fenêtre. Comme il pleuvoit, il entendoit l'eau d'une gouttière qui tomboit; et, croyant que c'étoit lui qui faisoit ce bruit, il restoit toujours dans la même posture. A la fin, sa femme lui cria: Auras-tu bientôt fini? Hélas! repartit l'ivrogne, je finirai quand il plaira à Dieu.

Philippe-le Bon, duc de Bourgogne, se promenant un soir à Bruges, trouva, dans la place publique, un homme étendu par terre, où il dormoit profondément. Il le fit enleveret porter dans son palais, où, après qu'on l'eut dépouillé de ses haillons, on lui mit une chemise

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fine, un bonnet de nuit, et on le coucha dans un lit du prince. Cet ivrogne fut bien surpris, à son réveil, de se trouver dans une superbe alcove, environné d'officiers plus richement habillés les uns que les autres. On lui demanda quel habit son altesse vouloit mettre ce jourlà. Cette demande acheva de le confondre; mais, après mille protestations qu'il leur fit qu'il n'étoit qu'un pauvre savetier, et nullement prince, il prit le parti de se laisser rendre tous les honneurs dont on l'accabloit: il se laissa habiller, parut en public, entendit la messe dans la chapelle ducale, y baisa le missel; enfin, on lui fit faire toutes les cérémonies accoutumées: il passa à une table somptueuse, puis au jeu, à la promenade, et aux autres divertissemens. Après le souper, on lui donna le bal. Le bon homme, ne s'étant jamais trouvé à telle fête, prit libéralement le vin qu'on lui présenta, et si largement qu'il s'enivra de la belle manière. Ce fut alors que la comédie se dénoua. Pendant qu'il cuvoit son vin, le duc le fit revêtir de ses guenilles, et le fit reporter au même lieu d'où on l'avoit enlevé. Après avoir passé là toute la nuit, bien endormi, il s'éveilla, et s'en retourna chez lui raconter à sa femme tout ce qui lui étoit effectivement arrivé, comme étant un songe qu'il avoit fait. Cette historiette a fourni le sujet d'une comédie italienne, qui a pour titre : Arlequin toujours arlequin.

(M. de JAU COURT.)

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SOBRIQUE

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JACQUERIE.

OBRIQUET qu'on s'avisa de donner à une révolte de paysans qui, maltraités, rançonnés, désolés par la noblesse, se soulevèrent à la fin en 1356, dans le temps que le roi Jean étoit prisonnier en Angleterre. Le soulèvement commença dans le Beauvoisis, et eut pour chef un nommé Caillet. On appela cette révolte la Jacquerie, parce que les gentilshommes, non contens de vexer ces malheureux laboureurs, se moquoient encore d'eux, disant qu'il falloit que Jacques bon homme fit les frais de leur dépense. Les paysans, réduits à l'extrémité, s'armèrent: la noblesse de Picardie, d'Artois et de Brie, éprouva les effets de leur vengeance, de leur fureur et de leur désespoir. Cependant, au bout de quelques semaines, ils furent détruits en partie par le dauphin, et en partie par Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, qui prit Caillet auquel on trancha la tête, et tout le reste se dissipa: mais s'ils eussent été victorieux?

(M. de JaucOURT.)

JACTANCE.

LA jactance est le langage de la vanité, qui dit d'elle le

bien qu'elle pense, et qui souvent l'exagère. Ce mot a vieilli et n'entre plus dans le style noble, parce qu'il est moins du bon ton de se louer soi-même que de dire du mal des autres. La jactance ne convient qu'au mérite médiocre, et lui est quelquefois utile; elle seroit funeste au mérite supérieur. Je ne haïrois point trop la jactance dans un homme qui se sentiroit capable des choses dont il se vante, et dont le but ne seroit que de s'élever et non de se rabaisser.

(ANONYME.)

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