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un jeu de hasard; et quelquefois aussi, d'un jeu de hasard, la subtilité d'un des joueurs en fait un jeu d'adresse.

Il n'y a point de jeu d'adresse où il n'entre un peu de hasard. Un des joueurs a la tête plus saine et plus libre ce jour-là que son adversaire; il se possède davantage, et gagne, par cette seule supériorité accidentelle, celui contre lequel il auroit perdu en tout autre temps. A la fin d'une partie d'échecs ou de dames polonoises, qui a duré un grand nombre de coups entre des joueurs qui sont à peu près d'égale force, le gain ou la perte dépend quelquefois d'une disposition qu'aucun des deux n'a prévue et ne s'est proposée.

Entre deux joueurs, dont l'un ne risque que l'argent qu'il peut perdre sans s'incommoder, et l'autre un argent dont il ne sauroit manquer sans être privé des besoins essentiels de la vie, à proprement parler, le jeu n'est pas égal.

Une conséquence naturelle de ce principe, c'est qu'il n'est pas permis à un souverain de jouer un jeu ruineux contre un de ses sujets. Quel que soit l'événement, n'est rien pour l'un; il précipite l'autre dans la misère.

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On a demandé pourquoi les dettes contractées au jeu se payoient si rigoureusement dans le monde où l'on ne se fait pas un scrupule de négliger des créances beaucoup plus sacrées? On peut répondre : c'est qu'au jeu on a compté sur la parole d'un homme dans un cas où l'on ne pouvoit employer les lois contre lui. On lui a donné une marque de confiance à laquelle il faut qu'il réponde; au lieu que dans les autres circonstances où il a pris des engagemens, on le force, par l'autorité des tribunaux, à y satisfaire.

Il y a des contrées où les jeux publics, de quelque nature qu'ils soient, sont défendus, et où on peut se faire restituer, par l'autorité des lois, l'argent qu'on a perdu.

A la Chine, le jeu est défendu également aux grands et aux petits; ce qui n'empêche point les habitans de cette contrée de jouer, et même de perdre leurs terres, leurs maisons, leurs biens, et de mettre leurs femmes et leurs enfans sur une carte.

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On joue beaucoup aujourd'hui dans le monde ; il n'est pas inutile de savoir jouer, ne fût-ce que pour amuser les autres; et il est bon de savoir bien jouer si l'on ne ne veut pas être dupe.

Selon toute apparence, le jeu sera de mode en tout temps, parce qu'il y aura toujours des gens désœuvrés, des gens intéressés et des escrocs. L'exemple du fameux Galet devroit épouvanter tous les joueurs; il gagna des sommes immenses, et le même hasard qui les lui avoit données l'en dépouilla par la suite. Il avoit fait bâtir à Paris un superbe hôtel, rue Saint-Antoine; mais il le joua, et le perdit en un coup de dé. Lorsqu'il n'eut plus rien, il alloit encore jouer dans les rues avec les laquais, et même sur les degrés de la maison qui lui avoit appartenu.

On ne peut qu'être indigné contre cette multitude de jeux de hasard, de jeux de finance, de jeux de commerce de jeux de toute espèce qui nous assiègent de toutes parts, qu'on renouvelle chaque jour sous mille formes non moins séduisantes que meurtrières, et qui substituent dans nos ames la défiance, l'intérêt sordide, la noire mélancolie, ‚ à ce caractère de gaieté, de franchise et de noblesse, qui distingua de tout temps la nation française.

L origine du jeu est très-ancienne, on en voit des traces dans tous les lieux, dans tous les siècles; on le découvre chez les sauvages et les peuples barbares, comme au sein des nations civilisées et corrompues; mais il n'est nulle part aussi actif, aussi funeste, aussi universellement étendu qu'en France. Accueilli d abord par la noblesse, des courtisans avides et désœuvrés l'introduisent auprès du trône; il séduit nos rois et leur famille sous François Ier, il commence à régner à la cour, s'y fortifie sous Henri II. L'exemple d'Henri IV donne aux joueurs une audace et une considération qui propagent leur épidémie jusqu'au centre de nos provinces. Mazarin, pendant la minorité de Louis XIV, sut aggraver le mal; le jeu avec l'intrigue se trouvèrent enfin naturalisés à la cour: bientôt on vit des seigneurs francais parcourir l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre, non pour y signaler, à l'exemple de notre ancienne chevalerie, leur bravoure et leur loyauté, mais Tome VI.

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pour y exercer le vil métier de joueurs et de chevaliers d'industrie. Sous ce règne d'adulation, de magnificence et de calamités, s'établirent les premières loteries; le règne suivant les fit pulluler à un excès inoui jusqu'alors; et la frénésie du jeu, qui n'avoit jamais été qu'un vice de particuliers, devint tout-à-coup un vice du gouvernement: en sorte que le mot de jeu n'a plus rien conservé de sa signification primitive; c'est aujourd'hui un objet de spéculations profondes, une grande affaire d'état. Le jeu est à nos yeux une sorte d'idole qui a ses temples, ses prêtres, ses adorateurs, ses jours de solemnités. On annonce ses faveurs au bruit des instrumens militaires; on couronne de guirlandes les tableaux où sont déposés ses oracles; on affiche de nouvelles espérances dans nos rues et nos carrefours; ses inscriptions brillent de toutes parts; par-tout on entend retentir la voix de ses hérauts; par-tout on rencontre de nouveaux piéges tendus à la crédulité publique.

Séduits par l'exemple, tous les ordres de citoyens veulent jouer et donner à jouer. On enseigne les jeux à la jeunesse avant de l'introduire dans le monde ; et l'ignorance de cette science infernale est maintenant regardée comme un défaut essentiel d'éducation. Aussi n'admet-on dans la bonne compagnie que des maîtres et des disciples pour le moins disposés à payer au centuple les tableaux et les fiches qu'on leur présente, les bougies qui les éclairent, les valets qui les servent, et les mets destinés à prolonger ce honteux agiotage. Les amis et les familles se rassemblent, moins pour se voir et s'entretenir, que pour s'entre-disputer l'or que chacun possède. L'insensé qui se laisse ruiner sans se plaindre, obtient le titre honorable de beau joueur; on l'accueille, on le recherche, on célèbre la noblesse de son ame, jusqu'à ce que, réduit à l'indigence, il soit forcé d'aller cacher sa honte et son désespoir loin des barbares qui l'ont dépouillé.

Que les honneurs de la cour et de la ville, que les emplois civils et militaires soient refusés aux joueurs incorrigibles, et je réponds qu'on les rendra plus circonspects. Si je joue, si je laisse jouer mon fils, mon fils et moi ne serons rien ; le roi l'a dit. Cette considération, dans un

pays tel que le nôtre, seroit plus puissante que des lois, des livres et des sermons. Le père de famille tremblera moins sur le sort de son fils unique affrontant la mort dans les combats, ou voguant à travers les flots d'une mer agitée, que s'il le savoit plongé dans le bourbier du jeu.

Les imprécations des joueurs et leurs blasphêmes ne tirent point à conséquence et ne choquent personne : on s'en amuse et l'on en rit, parce qu'on sait qu'ils partent de gens aliénés, qui, ne se respectant plus eux-mêmes, ne respectent ni le sacré ni le profane.

Casimir, roi de Pologne, fut vivement outragé par un officier qui venoit de perdre tout son bien contre lui. L'officier prend la fuite; on le ramène. Le roi l'attendoit, en silence, au milieu de ses courtisans : « Mes amis, leur » dit il, en le voyant reparoître, cet homme est moins >> coupable que moi : j'ai compromis mon rang; je suis >> la cause de sa violence, et le premier mouvement ne dépend pas de nous. Puis, s'adressant à l'officier : Tu » te répens de m'avoir outrage? il suffit; reprends tes » biens, et ne jouons plus. »

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On proposoit à un joueur, que la fortune venoit de favoriser, de servir de second dans un duel. « Je gagnai » hier, répondit-il, huit cents louis, et je me battrois » fort mal; mais allez trouver celui à qui je les ai gagnés, » il se battra comme un diable, car il n'a pas le sou. >>>

(M. de JAU COURT.)

JEU DE MOT S.

ESPÈCE SPÈCE d'équivoque dont la finesse fait le prix et dont l'usage doit être fort modéré. On peut la définir une pointe d'esprit fondée sur l'emploi de deux mots qui s'accordent pour le son, mais qui diffèrent à l'égard du sens.

Les jeux de mots, quand ils sont spirituels, se placent à merveille dans les cris de guerre, les devises et les symboles. Ils peuvent encore avoir lieu, lorsqu'ils sont délicats, dans la conversation, les lettres, les épigrammes, les madrigaux, les impromptus et autres petites pièces de ce genre. Voltaire pouvoit dire à Destouches :

Auteur solide, ingénieux,

Qui du théâtre êtes le maître,
Vous qui fites le Glorieux,

Il ne tiendroit qu'à vous de l'être.

Ces sortes de jeux de mots ne sont point interdits lorsqu'on les donne pour un badinage qui exprime un sentiment, ou pour une idée passagère; car si cette idée paroissoit le fruit d'une réflexion sérieuse, si on la débitoit d'un ton dogmatique, on la regarderoit avec raison comme une petitesse frivole.

Mais on ne permet jamais les jeux de mots dans le sublime, dans les ouvrages graves et sérieux, dans les oraisons funèbres et dans les discours oratoires. C'est par exemple un jeu de mots bien misérable que ces paroles de Jules Mascaron, évêque de Tulles, et puis d'Agen, dans l'oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre. « Le grand, >> l'invincible, le magnanime Louis, à qui l'antiquité eût » donné mille cœurs, elle qui les multiplioit dans les » héros, selon le nombre de leurs grandes qualités, se » trouve sans cœur à ce spectacle.

Il est certain que ce mauvais goût a paru, et s'est éclipsé à plusieurs reprises dans les divers pays. Il n'y a même nul doute qu'il ne revienne dans une nation, toutes les fois que l'amour de la frivolité, de la plaisanterie et du ridi

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