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EMOTION de l'ame causée

session de quelque bien.

par le plaisir ou par la pos

La joie, dit Locke, est un plaisir que l'ame goûte lorsqu'elle considère la possession d'un bien, présent ou à venir, comme assurée ; et nous sommes en possession d'un bien, lorsqu'il est de telle sorte en notre puissance, que nous pouvons en jouir quand nous voulons. Un homme blessé ressent de la joie lorsqu'il lui arrive le secours qu'il desire, avant même qu'il en éprouve l'effet. Le père qui chérit vivement la prospérité de ses enfans, est en possession de ce bien aussi long-temps que ses enfans prospèrent; car il lui suffit d'y penser pour ressentir de la joie.

Elle diffère de la gaieté. On plaît, on amuse, on divertit les autres par sa gaieté ; on pâme de joie, on verse des larmes de joie; et rien n'est si doux que de pleurer ainsi.

La joie et la gaieté marquent également une situation agréable de l'ame, causée par le plaisir ou par la possession d'un bien qu'elle éprouve ; mais la joie est plus dans le cœur, et la gaieté dans les manières : la joie consiste dans un sentiment de l'ame plus fort, dans une satisfaction plus pleine; la gaieté dépend davantage du caractère, de l'humeur, du tempérament : l'une, sans paroître toujours au dehors, fait une vive impression au dedans; l'autre éclate dans les yeux et sur le visage. On agit par gaieté; on est affecté par la joie. Les degrés de la gaieté ne sont ni bien vifs ni bien étendus; mais ceux de la joie peuvent être portés au plus haut période; ce sont alors des transports, des ravissemens, une véritable ivresse. Une humeur enjouée jette de la gaieté dans les entretiens; un événement heureux répand de la joie jusqu'au fond du cœur. On plaît aux autres par la gaieté; on peut tomber malade et mourir de joie.

Il peut même arriver que cette passion soit si grande, si inespérée, qu'elle aille jusqu'à détruire la machine: la joie a étouffé quelques personnes. L'histoire grecque parle

d'un Policrate, de Chilon, de Sophocle, de Diagoras, de Philippides et de l'un des Denis de Sicile, qui moururent de joie.

L'histoire romaine assure la même chose du consul Manius Juventius Thalna et de deux femmes de Rome, qui ne purent soutenir le ravissement que leur causa la présence de leur fils après la déroute arrivée au lac de Trasymène.

L'histoire de France nomme la dame de Châteaubriant qu'un excès de joie fit expirer tout d'un coup, en voyant son mari de retour du voyage de Saint-Louis.

J'ai lu d'autres exemples semblables dans les écrits des médecins, comme dans les mémoires des curieux de la nature.

Mais, sans m'arrêter à des faits si singuliers, et peutêtre douteux en partie, il ya, dans les actes des apôtres, un trait plus simple qui peint au naturel le vrai caractère d'une joie subite et impétueuse. S. Pierre, ayant été tiré miraculeusement de prison, vint chez Marie, mère de Jean, où les fidèles étoient assemblés en prières; quand il eut frappé à la porte, une fille, nommé Rhode, ayant reconnu sa voix, au lieu de lui ouvrir, courut vers les fidèles, avec des cris d'alégresse, pour leur dire que saint Pierre étoit à la porte.

mais

Si la gaieté est un beau don de la nature, la joie a quelque chose de céleste; non pas cette joie artificielle et forcée que bien des gens affectent dans le monde pour couvrir leur ennui; non pas cette joie molle et folâtre dont les sens seuls sont affectés, et qui dure si peu ; cette joie raisonnable, pure, égale, qui ravit l'ame sans la troubler; cette joie douce qui a sa racine dans le cœur; enfin cette joie délectable qui a sa source dans la vertu, et qui est la compagne fidelle des mœurs innocentes : nous ne la connoissons plus aujourd'hui, nous y avons substitué une fausse joie, un faux brillant de plaisir, et beaucoup de corruption.

(M. de JAU COURT.)

NOTRE

OTRE langue a plusieurs traités estimés sur le beau, tandis que l'idole à laquelle nos voisins nous accusent de sacrifier sans cesse n'a point encore trouvé de panégyristes parmi nous. La plus jolie nation du monde n'a presque rien dit encore sur le joli.

Ce silence ressembleroit-il au saint respect qui défendoit aux premiers Romains d'oser représenter les dieux de la patrie, ni par des statues, ni par des peintures, dans la crainte de donner de ces dieux des idées trop foibles et trop humaines? Car on ne sauroit penser que nous rougissions de nos avantages; le plaisir d'être le peuple le plus aimable doit nous consoler un peu du ridicule qu'on trouve aux soins que nous prenons de le paroître, Eh! qu'importe aux Français l'opinion fausse qu'on peut se faire de leurs charmes? Heureux si, par une légéreté trop peu limitée, ils ne détruisoient pas cette espèce d'agrémens qui leur sont si propres, en croyant les multiplier. L'affectation est à côté des graces, et la plus légère exagération fait franchir les bornes qui les séparent.

Les philosophes les plus austères ont approuvé le culte de ces divinités, leurs images enchanteresses étant sorties des mains du plus sage de tous les Grecs. Il est vrai que le ciseau de Socrate les avoit enveloppées d'un voile que peutêtre nous avons laissé tomber, comme firent les Athéniens.

Speusippe, disciple et successeur de Platon, embellit aussi du portrait des graces la même école où son maître avoit éclairé le paganisme par les lumières de la plus haute raison. Eh! qui ne sait le conseil que donnoit souvent Platon même à Xénocrate, dont il souffroit avec peine la triste et pédante sévérité ?

Je ne crois pourtant pas que le projet de Platon fût de rendre son disciple aussi joli que nous. Quoi qu'il en soit, c'est la nature elle-mêrne qui nous a donné l'idée des graces, en nous offrant des spectacles qui semblent être leur ouvrage. Elle ne veut pas nous asservir toujours sous le joug de l'adıniration; cette mère tendre et caressante cherche souvent à nous plaire.

Si le beau qui nous frappe et nous transporte est un des plus grands effets de sa magnificence, le joli n'est-il pas un de ses plus doux bienfaits? Elle semble quelquefois s'épuiser, si j'ose le dire, en galanteries ingénieuses, pour agiter agréablement notre cœur et nos sens, et pour leur porter le sentiment délicieux et le germe des plaisirs.

La vue de ces astres qui répandent sur nous, par un cours et des règles immuables, leur brillante et féconde. lumière, la voûte immense à laquelle ils paroissent suspendus, le spectacle sublime des mers, les grands phénomènes, ne portent à l'ame que des idées majestueuses; mais qui peut peindre le secret et le doux intérêt qu'inspire le riant aspect d'un tapis émaillé par le souffle de Flore et la main du Printemps? Que ne dit point aux cœurs sensibles ce bocage simple et sans art, que le ramage de mille amans ailés, que la fraîcheur de l'ombre et l'onde agitée des ruisseaux savent rendre si touchant? Tel est le charme des graces; tel est celui du joli, qui leur doit toujours sa naissance; nous lui cédons par un penchant dont la douceur nous séduit.

Il faut être de bonne foi. Notre goût pour le joli suppose un peu moins parmi nous de ces ames élevées et tournées aux brillantes prétentions de l'héroïsme, que de ces ames naturelles, délicates et faciles, à qui la société doit tous ses attraits. Peut-être les raisons du climat et du gouvernement, que le Platon de notre siècle, dans le plus cé

lèbre de ses ouvrages, donne souvent pour la source des

actions des hommes, sont-elles les véritables causes de nos avantages sur les autres nations par rapport au joli.

Cet empire du Nord, enlevé, de notre temps, à son ancienne barbarie par les soins et le génie du plus grand de ses rois, pourroit - il arracher de nos mains et la couronne des graces et la ceinture de Vénus? Le physique y mettroit trop d'obstacles; cependant il peut naître dans cet empire quelqu'homme inspiré fortement, qui nous dispute un jour la palme du génie, parce que le sublime et le beau sont indépendans des causes locales.

Ce fantôme sanglant de la liberté, qui avoit causé tant de troubles chez les Romains, et qui par-tout subsiste si difficilement par d'autres voies, avoit disparu sous l'hé

ritier et le neveu de César. La paix ramena l'abondance, et l'abondance ne permit de songer au nouveau joug que pour en recueillir les fruits; l'intérêt de la chose publique ne regardoit plus qu'un seul homme, et dès-lors tous les autres purent ne s'occuper que de leur bonheur et de leurs plaisirs. Otez les grands intérêts, les grandes passions aux hommes, vous les ramenez au personnel. L'art de jouir devient de tous les arts le plus précieux; de là naquirent bientôt le goût et la délicatesse : il falloit cette révolution aux vers que soupira Tibulle.

Tel est à peu près le tableau de ce qui se passa sous le siècle de Louis-le-Grand. Tandis que Corneille étonne et ravit, les Graces et le dieu du Goût attendent, pour naître, des jours plus sereins. Voiture paroît les annoncer; ses contemporains croient les voir autour de lui : cet écrivain en obtient même quelquefois un sourire; mais les jours heureux des plaisirs délicats, les jours de l'urbanité française, n'étoient qu'à leur crépuscule. Le rétablissement de l'autorité, d'où dépend la tranquillité publique, les vit enfin dans tout leur éclat.

Les Français acquirent alors un sixième sens, ou plutôt ils perfectionnèrent les leurs; ils virent ce qui jusque-là n'avoit point encore fixé leurs yeux : une sensibilité plus fine, sans être moins profonde, remplit leurs ames; leurs talens de plaire et d'être heureux, une douce aisance. dans la vie, une aménité dans les mœurs, une attention secrète à varier leurs amusemens et à distinguer les nuances diverses de tous les objets, leur firent adorer les Graces. La beauté ne fut plus que leur égale; ils sentirent même que les premières les entraînoient avec plus de douceur; ils se livrèrent à leurs chaînes : Bachaumont et Chapelle les firent asseoir auprès des Muses les plus fières, tandis que la bonne compagnie de ce temps faisoit de tout Paris le temple que ces divinités devoient préférer au reste de la terre.

C'est à de certaines ames privilégiées que la nature confie le soin de polir celles des autres. Tous les sentimens, tous les goûts de ces premières se répandent insensiblement, et donnent bientôt le ton général. Telle étoit l'ame de cette Ninon si vantée; telles étoient celles

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