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LAURIER.

CET arbre, nommé Daphné par les Grecs, est de tous

les arbres celui qui fut le plus en honneur chez les anciens. Ils tenoient pour prodige un laurier frappé de la foudre. Admis dans leurs cérémonies religieuses, il entroit dans leurs mystères, et ses feuilles étoient regardées comme un instrument de divination. Si, jetées au feu, elles rendoient beaucoup de bruit, c'étoit un bon présage; si au contraire elles ne pétilloient point du tout, c'étoit un signe funeste. Vouloit-on avoir des songes sur la vérité desquels on pût compter, il falloit mettre des feuilles de cet arbre sous le chevet de son lit; vouloit-on donner des protecteurs à la maison, il falloit planter des lauriers audevant de son logis. Les laboureurs, intéressés à détruire ces sortes de mouches si redoutées des bœufs pendant l'été, qu'elles les jettent quelquefois dans une espèce de fureur, ne connoissoient point de meilleur remède que les feuilles de laurier. Dans combien de graves maladies son suc préparé, ou l'huile tirée de ses baies, passoient-ils pour des contre-poisons salutaires? On mettoit des branches de cet arbre à la porte des malades; on en couronnoit les statues d'Esculape. Tant de vertus qu'on attribuoit au laurier, le firent envisager comme un arbre divin et comme l'arbre du bon génie.

Mais personne n'ignore qu'il étoit particulièrement consacré à Apollon, et que c'est pour cela qu'on en ornoit ses temples, ses autels et le trépied de la pythie. L'amour de ce dieu pour la nymphe Daphné, est la raison qu'en donnent les mythologistes; cependant la véritable est la croyance où l'on étoit qu'il communiquoit l'esprit de prophétie et l'enthousiasme poétique. De là vient qu'on couronnoit les poètes de laurier, ainsi que ceux qui remportoient les prix aux jeux pythiques. On prétend que sur la coupole du tombeau de Virgile, qui est près de Pouzzole, il est né des lauriers qui semblent couronner l'édifice, et que ceux qu'on a coupés sont revenus, comme si la nature même eût voulu célébrer la gloire de ce grand poète.

Les

Les faisceaux des premiers magistrats de Rome, des dictateurs et des consuls, étoient entourés de lauriers, lorsqu'ils s'en étoient rendus dignes par leurs exploits. Plutarque, parlant de l'entrevue de Lucullus et de Pompée, nous apprend qu'on portoit devant tous les deux des faisceaux surmontés de lauriers, en considération de leurs victoires.

Virgile fait remonter jusqu'au siècle de son héros la coutume d'en ceindre le front des vainqueurs': il est du moins certain que les Romains l'adoptèrent de bonne heure; mais c'étoit dans les triomphes qu'ils en faisoient le plus noble usage. Là, les généraux le portoient non seulement autour de la tête, mais encore dans la main, comme le prouvent les médailles. On décoroit même de lauriers ceux qui étoient morts en triomphant : ce fut ainsi qu'Annibal en usa à l'égard de Marcellus.

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Parmi les Grecs, ceux qui venoient de consulter l'oracle d'Apollon se couronnoient de lauriers s'ils avoient reçu du dieu, une réponse favorable; c'est pourquoi, dans Sophocle, Edipe, voyant Oreste revenir de Delphes la tête ceinte de lauriers, conjecture qu'il rapporte une bonne nouvelle. Ainsi, chez les Romains, tous les messagers qui en étoient porteurs ornoient de lauriers la pointe de leurs javelines. La mort de Mithridate fut annoncée de cette manière à Pompée. On entouroit semblablement de lauriers les lettres et les tablettes qui renfermoient le récit des bons succès: on faisoit la même chose pour les vaisseaux victorieux. Cet ornement se mettoit à la poupe, parce que c'étoit là que résidoient les dieux tutélaires du vaisseau, et que c'étoit à ces dieux que les matelots menacés du naufrage adressoient leurs vœux et leurs prières. J'ajoute encore que le laurier étoit un signe de paix et d'amitié; car, au milieu de la mêlée, l'ennemi le tendoit à son ennemi pour marquer qu'il se rendoit à lui.

Enfin l'adulation pour les empereurs introduisit l'usage de planter des branches de laurier aux portes de leurs demeures voilà d'où vient que Pline appelle cet arbre le portier des Césars, le seul ornement et le fidèle gardien de leurs palais.

:

Que l'on parcoure tant qu'on voudra tout ce qu'on a
Tome VI.

X

pris soin de recueillir en littérature à l'honneur du laurier, on ne trouvera rien au dessus de l'éloge charmant qu'Ovide en a fait. Je ne connois point de morceau dans ses ouvrages sur un pareil sujet, qui soit plus joli, plus agréable et plus ingénieux; c'est dans l'endroit de ses métamorphoses où Apollon, ayant atteint Daphné, déja changée en laurier, la sent encore palpiter sous la nouvelle écorce qui l'enveloppe. Lisez cette peinture :

«Apollon serre entre ses bras les rameaux du laurier, >>> comme si c'étoit encore la belle nymphe qu'il vient de » poursuivre. Il applique au bois des baisers que le bois » semble dédaigner. Ce dieu lui adresse alors ces paroles: » Puisque tu ne peux être mon épouse, tu seras du moins » mon arbre chéri. Laurier, tu seras à jamais l'ornement » de ma tête, de ma lyre et de mon carquois; tu seras » l'ornement des généraux qui monteront triomphans >>> au capitole, au milieu d'une pompe magnifique et des >> chants de victoire et d'alégresse; tu décoreras l'entrée » de ces demeures augustes où sont renfermées les cou» ronnes civiques que tu prendras sous ta protection. » Enfin, comme la chevelure de ton amant ne vieillit » jamais, et qu'elle n'est jamais coupée, je veux que tes >> rameaux soient toujours verds et toujours les mêmes. » Ainsi parla le dieu. Le laurier applaudit à ce discours, et parut agiter son sommet, comme si la nymphe en» core vivante eût fait un signe de tête. »››

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C'EST l'action d'instruire. Les maîtres de la jeunesse,

en s'écartant trop de la manière dont la nature nous instruit, donnent des leçons qui fatiguent l'entendement et la mémoire des enfans sans les enrichir et sans les perfectionner.

Les leçons la plupart ne sont qu'un assemblage de mots et de raisonnemens; et les mots, sur quelque matière que ce soit, ne nous rendent qu'imparfaitement les idées des choses. L'écriture hieroglyphique des anciens Egyptiens étoit beaucoup plus propre à enrichir promptement l'esprit de connoissances réelles, que nos signes de convention. Il faudroit traiter l'homme comme un être organisé et sensible, et se souvenir que c'est par ses organes qu'il reçoit ses idées, et que le sentiment seul les fixe dans sa mémoire. En métaphysique, morale, politique, principe des arts, etc., il faut que le fait ou l'exemple suive la leçon si vous voulez rendre la leçon utile. On formeroit mieux la raison en faisant observer la liaison naturelle des choses et des idées, qu'en donnant l'habitude de faire des argumens; il faut mêler l'histoire naturelle et civile, la fable, les emblêmes, les allégories, à ce qu'il peut y avoir d'abstrait dans les leçons qu'on donne à la jeunesse; on pourroit imaginer d'exécuter une suite de tableaux dont l'ensemble instruiroit des devoirs des citoyens, etc.

Quand les abstractions deviennent nécessaires, et que le maître n'a pu parler au sens et à l'imagination pour insinuer et pour graver un précepte important, il devroit le lier, dans l'esprit de son élève, à un sentiment de peine ou de plaisir, et le fixer ainsi dans sa mémoire; enfin, dans toutes les instructions, il faudroit avoir plus d'égard qu'on en a eu jusqu'à présent au mécanisme de l'homme.

(ANONYME.)

TERME

LECTEUR.

ERME général: c'est toute personne qui lit un livre, un ouvrage, un écrit.

Un auteur à genoux, dans une humble préface,
Au lecteur qu'il ennuie a beau demander grace,

Il ne doit pas l'espérer lorsque son livre est mauvais, parce que rien ne le forçoit à le mettre au jour: on peut être très-estimable, et ignorer l'art de bien écrire ; mais il faut aussi convenir que la plupart des lecteurs sont des juges trop rigides et souvent injustes. Tout homme qui sait lire se garde bien de se croire incompétent sur aucun des écrits qu'on publie: savans et ignorans, tous s'arrogent le droit de décider; et, malgré la disproportion qui est entre eux sur le mérite, tous sont assez uniformes dans le penchant naturel de condamner sans miséricorde. Plusieurs causes concourent à leur faire porter de faux jugemens sur les ouvrages qu'ils lisent: les principales sont les suivantes, discutées attentivement par un habile homme du siècle de Louis XIV, qui n'a pas dédaigné d'épancher son cœur à ce sujet.

Nous lisons un ouvrage, et nous n'en jugeons que par le plus ou le moins de rapport qu'il peut avoir avec nos facons de penser. Nous offre-t-il des idées conformes aux nôtres, nous les aimons et nous les adoptons aussitôt : c'est là l'origine de notre complaisance pour tout ce que nous approuvons en général. Un ambitieux, par exemple, plein de ses projets et de ses espérances, n'a qu'à trouver dans un livre des idées qui retracent avec éloge de pareilles images, il goûte infiniment ce livre qui le flatte. Un amant, possédé de ses inquiétudes et de ses desirs, va cherchant des peintures de ce qui se passe dans son cœur, et n'est pas moins charmé de tout ce qui lui représente sa passion, qu'une belle personne l'est du miroir qui représente sa beauté. Le moyen que de tels lecteurs fassent usage de leur esprit, puisqu'ils n'en sont pas les maîtres? Hé! comment puiseroient-ils dans leurs fonds des idées conformes

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