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C'EST

LIBÉRALITÉ.

'EST une disposition à faire part aux hommes de ses propres biens; elle doit, comme toutes les qualités qui ont leur source dans la bienveillance, la pitié et le desir des louanges, etc., être subordonnée à la justice pour devenir une vertu. La libéralité ne peut être exercée que par les particuliers, parce qu'ils ont des biens qui leur sont propres ; les souverains doivent en user avec beaucoup de sagesse et de modération, sans quoi elle deviendroit injuste et dangereuse. Le roi de Prusse, n'étant encore que prince royal, avoit récompensé libéralement une actrice célèbre; il lui donna beaucoup moins lorsqu'il fut roi, et il dit, à cette occasion, ces paroles remarquables : « Autrefois je donnois mon argent, et je >> donne aujourd'hui celui de mes sujets. »

La libéralité, comme on voit, est donc une vertu qui consiste à donner à propos, sans intérêt, ni trop ni trop peu.

La libéralité est une qualité moins admirable que la générosité, parce que celle-ci ne se borne point aux objets pécuniaires, et qu'elle est en toutes choses une élévation de l'ame dans la façon de penser et d'agir: c'est une vertu qui nous porte à faire pour les autres, par le plaisir d'obliger, beaucoup au-delà de ce qu'ils peuvent attendre de nous. Mais le mérite éminent de la générosité ne détruit point le cas qu'on doit faire de la libéralité, qui est toujours une vertu des plus estimables, quand elle n'est pas le fruit de la vanité de donner, de l'ostentation, de la politique et de la simple décence de son état. Le vice, nommé avarice dans l'idée commune, est précisément l'opposé de cette vertu.

Je définis la libéralité une vertu qui s'exerce en faisant part gratuitement aux autres de ce qui nous appartient. Cette vertu a pour principe la justice de l'action, et pour but la plus excellente fin: car, quoique les dons soient libres, ils doivent être faits de manière que ce l'on donne de son bien ou de sa peine serve au bonheur

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et à l'avantage de ceux qui sont l'objet de nos libé ralités.

Mais comme il est impossible de fournir aux dépenses que demande l'exercice de la libéralité, sans un attachement honnête à acquérir du bien et à conserver celui qu'on a acquis, ce soin est prescrit par des maximes qui se tirent de la même fin dont nous venons de faire P'éloge. Ainsi la libéralité, qui désigne principalement l'acte de donner et de dépenser comme il convient, renferme une volonté d'acquérir et de conserver, selon les principes que dictent la raison et la vertu.

La volonté d'acquérir s'appelle prévoyance, et elle est opposée d'un côté à la rapacité, et de l'autre à une imprudente négligence de pourvoir sagement à l'avenir. La volonté de conserver est ce que l'on nomme frugalité, économie, épargne entendue, qui tient un juste milieu entre la sordide mesquinerie et la prodigalité. Il est certain que ces deux choses, la prévoyance et la frugalité, facilitent la pratique de la libéralité, l'aident et la soutiennent. Soyez vigilant et économe dans les dépenses journalières, vous pourrez être libéral dans toutes les occasions nécessaires. Si l'on voit très-peu régner cette vertu dans les pays de luxe, c'est qu'on n'y donne qu'à soi, rien aux autres, et que l'on finit par être ruiné.

La libéralité a divers noms, selon la diversité des objets envers lesquels on doit l'exercer; car si l'on est libéral pour des choses qui sont d'une très-grande utilité publique, cette vertu est une noble magnificence, à quoi est opposée d'un côté la profusion des ambitieux, et de l'autre la vilenie des ames basses. Si l'on est libéral envers les malheureux, c'est un mouvement de la compassion; et, quand on assiste les pauvres, c'est l'aumône. La libéralité envers les étrangers s'appelle hospitalité, sur-tout si on les recoit dans sa maison. En tout cela, la juste mesure de la bénéficence dépend de ce qui contribue le plus aux diverses parties de la grande fin que doit se proposer la libéralité ; savoir, aux secours réciproques, au commerce entre les divers états, au bien des sociétés particulières, autant qu'on peut le procurer, sans préjudice des sociétés supérieures.

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Il ne faut pas confondre la l béralité avec la prodigalité, quoiqu'elles paroissent avoir ensemble quelque rapport; l'une est une vertu, et l'autre un excès vicieux. La prodigalité consiste à répandre sans choix, sans discernement, sans égard à toutes les circonstances; cet homme prodigue, qu'on appelle d'ordinaire généreux, trouvera bientôt qu'il a sacrifié en vaines dépenses, à des sots, des fripons, des flatteurs, et même à des gens malheureux par leur faute, tous les moyens d'assister à l'avenir d'honnêtes gens dans le besoin. S'il est beau de donner, quel soin ne doit-on pas prendre de se conserver en situation de faire toute sa vie des actes de libéralité?

Mais je ne tiens point compte à Crassus de ses libéralités immenses, employées même en choses honnêtes, parce qu'il en avoit acquis le moyen par des voies criminelles. Les largesses estimables sont celles qui viennent de la pureté des mœurs, et qui sont les suites et les compagnes d'une vie vertueuse.

La libéralité bien appliquée est absolument nécessaire aux princes pour l'avancement du bonheur public. « A le >> prendre exactement, dit Montagne, un roi, en tant » que roi, n'a rien proprement sien; il se doit soi-même » à autrui. Le prince ayant à donner, ou, pour mieux » dire, à payer, et rendre à tant de gens selon qu'ils » ont desservi, il en doit être loyal dispensateur. Mais » si la libéralité d'un prince est sans discrétion et sans » mesure, je l'aime mieux avare. L'immodérée largesse » est un moyen foible à lui acquérir bienveillance, car » elle rebute plus de gens qu'elle n'en contente; et si » elle est employée sans respect de mérite, elle fait » vergogne à qui la reçoit, et se reçoit sans grace. » Les sujets d'un prince excessif en dons se rendent >> excessifs en demandes; ils se taillent non à la raison, » mais à l'exemple. Qui a sa pensée à prendre, ne l'a » plus à ce qu'il a prins. »

Enfin comme les rois se sont particulièrement réservé la libéralité, ce n'est pas assez que leurs bienfaits ne s'appliquent qu'à la récompense du mérite et de la vertu, faut qu'en même temps leur dispensation ne blesse point P'équité. Satisbarzane, officier chéri d'Artaxerce, voulant

profiter de ses bontés, lui demanda pour gratification une chose qui n'étoit pas juste. Ce prince comprit que la demande pouvoit s'évaluer à trente mille dariques; il se les fit apporter, et les lui donna en disant : « Satisbarzane, >> prenez cette somme; en vous la donnant, je ne serai pas » plus pauvre; au lieu que si je faisois ce que vous me » demandez, je ferois une injustice. »>

J'ai quelquefois pensé que la libéralité étoit une de ces qualités dont les germes se manifestent dès la plus tendre enfance. Le persan Sadi rapporte, dans son rosaire, du plus généreux et du plus libéral des princes indiens, qu'on augura dans tout le pays qu'il seroit tel un jour, lorsqu'on vit qu'il ne vouloit pas teter sa mère qu'elle n'alaitât en même temps un autre enfant de la seconde mamelle.

(M. de JAU COURT.)

L

LIBERTÉ.

LIBERTÉ.

La liberté réside dans le pouvoir qu'un être intelligent

a de faire ce qu'il veut, conformément à sa propre détermination. On ne sauroit dire que dans un sens fort impropre, que cette faculté ait lieu dans les jugemens que nous portons sur les vérités, par rapport à celles qui sont évidentes, parce qu'elles entraînent notre consentement, et ne nous laissent aucune liberté. Tout ce qui dépend de nous, c'est d'y appliquer notre esprit ou de l'en éloigner. Mais, dès que l'évidence diminue, la liberté rentre dans ses droits, qui varient et se règlent sur les degrés de clarté ou d'obscurité : les biens et les maux en sont les principaux objets. Elle ne s'étend pas pourtant sur les notions générales du bien et du mal. La nature nous a fait de manière que nous ne saurions nous porter que vers le bien, et qu'avoir horreur du mal envisagé en général ; mais, dès qu'il s'agit du détail, notre liberté a un vaste champ et peut nous déterminer de bien des côtés différens, suivant les circonstances et les motifs. On se sert d'un grand nombre de preuves, pour montrer que la liberté est une prérogative réelle de l'homme; mais elles ne sont pas toutes également fortes. M. Turretin en rapporte douze, dont voici le détail: 1° Notre propre sentiment qui nous fournit la conviction de la liberté. 2o Sans liberté, les hommes seroient de purs automates, qui suivroient l'impulsion des causes, comme une montre s'assujétitaux mouvemens dont l'horloger l'a rendue susceptible. 3o Les idées de vertu et de vice, de louange et de blâme, qui nous sont naturelles, ne signifieroient rien. 4o Un bienfait ne seroit pas plus digne de reconnoissance que le feu qui nous échauffe. 5° Tout devient nécessaire ou impossible. Ce qui n'est pas arrivé ne pourroit arriver. Ainsi tous les projets sont inutiles; toutes les règles de la prudence sont fausses, puisque dans toutes choses la fin et les moyens sont également, nécessairement déterminés. 6o D'où viennent les remords de la conscience, et qu'ai-je à me reprocher si j'ai fait ce que je ne pouvois éviter de Tome VI.

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