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Louis XIV pour cimenter l'union entre les deux couronnes deja preparée par les fecours qu'il avoit fourni aux Portugais, pour fecouer le joug des Espagnols, et affermir la maison de Bragance fur le throne, avoit marié quelques demoiselles des premieres maifons de Françe, à des feigneurs Portugais, mais cette politique luy à mal reuffi chès un peuple, qui ne fe picque pas de reconnoiffance, et tout ce qu'il en a retiré, a été d'y avoir immolé de malheureuses victimes. Une fille du maréchal de Villeroy, elevée dans une cour, ou l'on ne refpiroit que plaisirs, et qui avoit epoufé le Marquis de las Minas, ne pouvant fe faire aux manieres Portugaifes, fut fi maltraitée par la famille de fon mary, qu'elle en devint fotte, et mourut enragée.

J'aurois du naturellement commencer l'article de la cour par le roy. Vous vous fouvienderés, que je ne me fuis engagé à aucun arrangement, et de plus je vous le gardois pour la bonne bouche.

Don Juan roy de Portugal, n'est pas aisé à definir, il à du fens, et fait beaucoup d'extravagances, il à de la pénétration dans les affaires, les examine avec foin, et n'y prend de parti, que dieté par le caprice, ou par l'entétement, il est devot par education, et très vicieux par temperament, il ne connoit aucune espece de vertu, auffi ne lå refpecte t il pas, il ne connoit pas plus le diable, et le craint beaucoup, il est avare, et dépense prodigieufement par oftentation, au refte dur, fauvage, foupconneux, violent, fier a l'exces, et jaloux par deffus tout de fon autorité, a l'égard de fa valeur. On affure, qu'il fe gardera bien d'hazarder point du feigneur à aucun péril.

Le Cardinal d'Acugna a été fon gouverneur; ce prélat homme de bien, mais peu propre à former un fouverain, s'eft plus attaché à luy procurer la gloire eternelle que la temporelle, et à crû luy infpirer des fentimens de réligion, en luy donnant du gout pour le culte, il en à pris pour les cerémonies, fans qu'il paroiffe que la viage pieté, foit paffée dans fon coeur, auffi l'eleve a-t-il appris à dire très joliement la meffe, et nullement à vaincre fes paffions, dont les plus fcandaleufes ont été lardées des actes les plus refpectables de la réligion.

Le fecretair d'état Mendoce, et le Cardinal de Mota, font les deux miniftres qui influent le plus fur les affaires, il fe fert de l'un par raison, et de l'autre par inclination.

Le premier eft confommé dans fon metier, par une expérience de foixante années, et quoiqu'octogenaire, c'est encore une tête de fer, grand travailleur, qui connoit fon maitre, et l'ammene quelque fois a des résolutions raisonables, mais par un labirinthe de detours, et en rifquant beaucoup.

L'autre

L'autre eft un homme de rien, et de peu de mérite, que le bonheur de plaire au roy à elevé jeune à la pourpre. Vous croirés Monfieur, que l'age et les fervices du premier, la faveur et la robe du fecond, les mettent à l'abris de certains chatimens domeftiques. Point du tout, il les roffe fans miféricorde quand, la fantaisie luy en prend.

On m'a conté a ce fujet, que ce prince confultant fon confeffeur, pour favoir fi les coups de baton ne changoient pas d'efpece, quand ils tomboient fur le dos d'un pretre empourpré. Le moine ne voulant pas deroger à la complaifance que fon directeur fenfé a pour son souverain, lui répondit, que fi en donnant des coups de baton, il avoit eu l'intention de maltraiter un cardinal, que c'etoit un grand peché, mais que s'il ne l'avoit chatié que comme fön fujet, il en étoit le maitre. Eh bien lui dit le roy, je fuis ravi que tu m'aye eclaircy ce fcrupule, car il y a longtems que j'ay envie de te donner des coups de pied dans le ventre, et le monarque en eut fur le champ le coeur net.

Ces deux miniftres quoiqu'en chef, n'ont point la confiance du maitre, qui ne la donne a perfonne, il écoute un tas de gens de très petite étoffe, qui luy rapor tent tout ce qu'ils peuvent decouvrir, il ne dedaigne pas leurs avis dans les affaires les plus férieuses, il n'en figne aucune qu'il ne l'ait examiné a fond, ce qui feroit bon dans un fens, mais qui apporte une lenteur dans les expéditions, par le tems, que lui prennent quantité d'occupations ridicules, et fait un tort confiderable aux particuliers.

Les deux objets, qui fe difputent, l'attention de ce prince, font la régie du Bréfil, et cette de fes Moines,

Le Bréfil eft une mine inepuisable d'or, et de diamans, ces deux branches du commerce amufent très agréablement le roy, il en tire des revenus confidérables, ayant le quint de tout, et fi fes sujets n'étoient pas le peuple le moins industrieux et le plus pareffeux de la terre, le profit des flottes qui reviennent de ce pays la, ne pafferoit pas comme il fait aux étrangers.

Les revenus du Portugal entretiennent, et audela Marine, les troupes de terre, la maison du roy, enfin toutes les dépenfes couchées fur l'état, ainfi ce prince a les revenus du Bréfil pour les menus plaifirs. Ou affure que malgré les prodigieufes dépenfes qu'il à fait à la cour de Rome, pour l'engager à concourir a fes fantaifies fur le patriarchat de Lisbonne, à fon batiment de Maffra, et dans l'affaire du double mariage, il à plus de foixante millions de cruzades en argent -comptant, *) et il n'eft pas concevable combien il à de meubles prétieux, de

riches

Je fais de l'Intendant de la monnoye, que les derniers barres d'or, que le roy a fait battre fétoient de 1716, ainsi tout l'or qui eft venu du Brefil depuis eft dans fes coffres.

riches etoffes, de vaiffelles, de bijouteries, dont il ne fait point d'usage, et qu'il laiffe gater dans des gardemeubles. La plus part des caiffes qui les ont apportées depuis douze ou quinze anneés n'ayant point été ouvertes, il en fait venir encore journellement a fin de paffer chez l'étranger, pour le plus magnifique prince de l' Europe.

Si les barres d'or et les diamans du Bréfil ont grand part aux inclinations de S. M. P. le defir de rendre fa patriarchale emule du St. Siege, la direction intérieure des couvens, les proceffions, les fetes d'eglifes, et toutes les fanfreluches, dont on emmaillotte la religion en Portugal, ont des attraits, qui semblent toucher encore plus vivement le coeur de ce prince.

L'origine de l'evection de cette patriarchale, vient d'une difpute de rang, qu'il y eut à une proceffion entre les chanoines de la cathedrale, et ceux de la chapelle du roy. Un de ces derniers, qui f'approchoit afléz familierement, fe piqua fur l'affront qu'on faifoit à Sa royal chapelle, et le monarque indigné jura deslors, de lå porter à un exces de gloire, qui obfcureroit celle de la cathedrale. Il y a travaillé fans relache, et dépensé des fommes immenses a Rome, pour obtenir da St. Siege des bulles, très injuftes en faveur de cette chapelle, qui à été erigée en patriarchate par le partage de la ville et dioecefe de Lisbonne, en orientale et occidentale. Cette derniere moitie, dans laquelle eft fitué le palais du roy, à formé le dioecefe du patriarche, et l'autre partie eft demeurée à la métropole, et on travaille actuellement à réunir le tout à la patriarchale, l'archeveché reftant vacant depuis longtems.

Il à decoré fon patriarche, à la thiare, et à la pantoffle, près de tout ce qui pouvoit dans fes fonctions le mettre en paralele avec le pape. Les premiers chanoines de cette eglife ont été faits eveques titulaires, ils paroiffent dans le coeur, comme les cardinaux en mitres, et chapes blanches; enfin pour le chant, et pour le ceremoniel du fervice, tout eft a d'inftar de la chapelle du pape.

Les complaifances que la cour de Rome a eu dans cette occafion pour le roy de Portugal, loin de le fatisfaire, n'ont fervi qu'a lui acquerir le droit de former de nouvelles prétensions, et de chicaner, depuis plufieurs années les fonctions du Nonce, qu'il a interdit, mais cela n'eft pas de mon fujet, et trouvés bon, Monfieur, que je ne m'engage pas dans la difcuffion de cette matiere, qui eft du reffort de la politique, et non du mien. Je diray feulement, que la cour de Rome avoit fcu de prevaloir de la peur falutaire que ce Prince a du diable, et du crédit que le clergé, qui depend du St. Siege, à fur le peuple. Le roy de Portugal auroit mis de l'eau dans fon vin, et fe feroit montré moins haut, et moins rétif, il y a peu

d'ap

d'apparence que ces brouilleries s'ajuftent de fon regne, elles font causes, que presque tous les benefices font vacants. Ce dont le prince ne f'inquiete pas, les revenus demeurans en fequeftre, dont on prétend, qu'il fe fait le dépofitaire.

pas

Les foins qu'il donne a fes affaires avec la cour de Rome, ne l'empêchent de s'occuper férieufement de celles des couvens de fon royaume. Il n'y a tracafferie de communaute, election de provincial, ou de miferable gardien, d'abbeffe, ou de fuperieur, qui ne l'intéreffe plus vivement, que les fuites de la guerre préfente. L'harmonie, qui feul a le don de lui toucher les oreilles, eft le fon des cloches, et le plein chant des Moines de Maffra, auffi part il fouvent la nuit pour les furprendre a matines, et malheur a ceux, qui détorment, car depuis la permiffion à lui accordée par fon confeffeur, il les roffe impitoyablement, Il a des cloches de tous les endroits, ou l'on eft expert à les fondre, er un magnifique careffon luy est arrivé des Pais bas, pour orner le clocher de Maffra.

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Ce prince trouve encore affés de tems pour vacquer à ses amours. dition de fes maitreffes n'eft pas fort heureufe. Des le moment, qu'il les honore de fon attention, il faut qu'elles renoncent a tout le genre humain, elles n'ont pas plus de crédit, que la Reine, et quand elles ceffent de plaire, il faut qu'elles s'enferment dans un couvent, fans y jouir des privileges de religieufes que je vous de"duiray cy après.

Ses enfants naturels ne font pas mieux traités, il n'en reconnoit aucun, le froc ou la grimpe eft leur unique apanage.

La maitreffe, qui regne a préfent, eft une dame de qualité, qui n'est plus de la premiere jeuneffe, et qui fi l'on en croit la chronique fcandaleufe, a paffé par bien des degrés avant d'arriver au throne. Son mari qui avoit fouffert patiemment des intrigues cachées, n'a pû foutenir l'état de celle cy, et s'eft retiré dans une maifon de campagne.

Cette dame accompagne ou fuit le roy dans fes voyages à Maffra, et comme le palais n'y est pas encore achevé, ils fe mettent en retraite dans une cellule. Ce prince qui ne fe picque pas d'une grande fidélité, a quelquefois fur fon chemin des relais amoureux, pour se préparer aux oeuvres pieuses, qui l'attirent dans ce faint lieu. Le confeffeur ne le quitte point dans ces fortes d'expéditions, car le monar que religieux connoiffant l'inftabilité de la vie, et pour avoir toujours une ame pure a préfenter à Dieu, fe fait foigneufement abfoudre après le peché commis.

Celle de fes galanteries, qui a fait le plus de bruit, à été avec une religieufe d'Odivelles, abbayé fondée par le roy Denis, et fituée à deux lieues de Lisbonne. Elle renferme plus de trois cent cinquante nones, et un plus grand nombre de ferBüschings Magazin XIL Theil.

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vantes.

vantes. Don Juan s'attacha d'abord à une que j'ai vue, qui eft encore fort aimable, et a beaucoup d'efprit, mais avant que le roy fe declara pour elle, le comte d'Alalaye s'etoit emparé de fon coeur. L'éclat de Sa Majefté, n'y la richeffe des préfens, ne purent la faire changer. Ce dont le comte fe feroit très mal trouvé, s'il neut fu, s'evader à tems, une heure plus tard il étoit expédié. Le monarque piqué de la préference, s'attacha à une autre beaucoup moins belle, dont il à cependant été paffionaé pendant plufieurs années, et lui a fait batir un appartement, qu'il a magnifiquement meublé, et lui a fait des préfens confiderables. Il s'alloit voir tous les jours vers le foir, et étoit ordinairement reçû dans une falle par une partie de la communauté, et quand il vouloit fe debaraffer de cette Coliffe, il mettoit la main dans le fein de cette favorite, et c'etoit le fignal de Jaiffer le champ libre à Sa Majesté.

Il a pourtant réfulte un bien de ce commerce fcandaleux, car les couvens de filles, et furtout celui d'Odivelles, parceque le roy l'avoit mis à la mode, reffembloient plus à l'isle de Cithere, qu'à une retraite auftere. Les fidalgues, et gens de confidération, y avoient leurs maitreffes, et fe ruinoient en préfents. Tout ce qui arrivoit de plus magnifique a Lisbonne en etoffe, dentelles, diamants, et bijoutéries, étoient enlevés pour Odivelles. Vous me démanderés, Monfieur, quel ufage des religieufes peuvent faire de pareils ornemens. Elles s'en parent, leur coeffure de cloitre eft fort galante, elles peuvent y ajouter tout ceque les femmes du monde les plus coquettes imaginent, pour s'ajufter, et leur habit, qui eft ample, couvre les etoffes les plus riches, mais quand le roy eut fini avec fa religieufe foit par fcrupule, foit pour interdire des plaifirs, qu'il ne goutoit plus, il defendit en général toute affiduité a la grille, et en particulier a ceux, qui y avoient des maitreffes declarées, de venir d'avantage; comme il eft mauvais railleur, -on s'eft conformé du moins en apparence a fa volonté, fur tout à Lisbonne, et

aux environs.

Les couvens de filles, excepté un très petit nombre, que leur auftérité a fauvé des occafions de dépenfe, fe font mis hors d'état de fubfifter de leurs revenus, en furchargeant le couvent d'un nombre de religieufes, qui excede de beaucoup celui de la fondation. Tel couvent renferme quatre cent religieufes, dont la fondation n'eft que pour foixante. Les premiers dérangemens ont engagé a rece voir des furnumeraires, afin que leurs dots pourvuffent aux preffants befoins, mais au lieu d'en faire ufage pour l'utilité du couvent, cela s'eft dépenfé à des fpectaeles très étrangers à la fére, ou devotion, à l'honneur de la quelle on les donnoit, et pour folemnifer l'election d'abbeffe, ou de fuperieures, occafions, ou -fans les illuminations, les fufées, la mufique, et quantité d'autres frais, il fe

con

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