صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

confume plufieurs quintaux de fucre, confitures fadés, à faire vomir, dont on re gale un peuple friaud, et fainéant, qui paffe les trois quarts de fon tems a courir ces fortes de parties de plaifirs, qui fe multiplient à l'infini. Les couvens voifins ne manquent pas de faire des fêtes à l'honneur de celle, qu'on celebre chès leurs amis, et on ne manque pas de leur rendre cette politeffe.

En tout pais on croiroit, qu'une fille qu'on auroit faite religieufe, et pour la quelle on auroit payé une groffe dot, feroit vetue, logée, et nourie pour toute fa vie. En Portugal c'est, comme fi on l'avoit mifè a la rue, outre la dot il faut lui faire batir un logement, ou en acheter un, s'il y en à un de yacant. On n'y connoit point de réfectoire, chaque religieufe fait fon menage à part, et ne peut fe paffer de fervante. On lui donne par jour environs trois quart de livre de vian de, un petit pain, et un oeuf, point de fel, ni de bois; rarement de l'etoffe pour s'habiller, fans fournitures, n'y couturière; pour du linge, ou autres menues néceffités, il n'en eft pas queftion, il faut donc lui faire une penfion pour s'en tretenir, et fuppléer à la maigre pitance, qu'elle tire du couvent, ou il faut trouver bon, quelle pourvoye à fes befoins en fe prétant à ceux d'un galant.

Tout ce preambule, n'eft, Monfieur, que pour vous difpofer à un peu d'indulgence, fur les manieres libres des religieufes de Portugal.

La difette du néceffaire, jointe au penchant naturel des femmes à la galanterie, les y rend très dociles, et en moins de rien capables de donner des leçons. Une fille qui de fa campagne paffe dans le couvent, n'y est pas quinze jours, qu'elle ne poffede le manege coquet, s'il s'en trouvoit quelqu'une, a qui les impreffions d'une éducation auftere donnaffent des idées contraires, les vieilles employent tout ce que l'experience et l'eloquence ont d'autorité, pour lui faire fentir le ridicule de pareils préjugés. Les laides, font leur cour aux jolies, et leur vendent tous les bons offices de la complaifance la plus aveugle, ce qui fait qui tout le monde vit, et il est étonnant que la difcorde, et la jaloufie qui devoient avoir établi leur empire dans des lieux, qui renferment tant de femmes, n'exercent jamais leur malignité contre une intrigue amoureuse, ce qui, felon moi, prouve, que ces religieuses ont infiniment plus de raifon, que les femmes du monde.

La premiere fois, qu'un étranger vient à la grille, on lui fait paffer en revue ce qu'il y a de plus joli dans le couvent, on lui propofe enfuite de se marier, fon choix fait le contrat; l'elue n'y met jamais d'oppofition, de la dextérité de l'une et de l'autre depend la confommation. Le pretre n'entre en rien dans cette affaire, a moins qu'on n'ait befoin du miniftere du directeur pour accélérer la conclufion, ce qu'il ne refufe pas, quand on fait le prendre du bon coté, et c'est

[ocr errors]

l'ar

l'argent. Ne foyés pas furpris, Monfieur, de ce que j'avance, je vous ferai con. noitre dans un moment, ce que c'est que l'engence enfrøquée de ce pays. De la part de la nouvelle epouse, on peut compter par jour fur deux ou trois lettres très paffionnées. Vous en pouvés juger par le ftile des lettres Portugaifes écrites effectivement par une religieufe d'Odivelles. Quand l'époux va voir fa moitié, elle vient à la grille accompagnée de quelques amies, qui ne luy préchent qu'une obeiffance entiere aux volontés de fon mari, et la laissent toujours tête a tête, quand elles la voyent difpofée a la foumiffion.

Un de mes amis, étant allée rendre fa feconde vifite, fe plaignit a une vieille, qui vint au parloir avec fa belle, que celle cy ne lui avoit encore montré qu'un très joli minois, la vielle charitable après une mercurialle proportionnée à la desobeillance de fa pupille, lui arracha un voile, qui cachoit une gorge digne de voir le jour, elle ne pouffa pas plus loin fes bons offices, et fe retira pour laisser au cavalier l'honneur des autres decouvertes.

Les grilles ne repondent point a la complaifance de celles, qu'elle renferment, elles font doubles, et fi éloignées l'une de l'autre, qu'a peine fe peut on toucher la main, et malgré l'addreffe des religieufes a profiter d'un rendés vous, fa bonne volonté reciproque echoud, on en eft réduit a fe recréer les yeux de part et d'autre, et a fe procurer des plaifirs imparfaits.

C'est pour furmonter ces obftacles, qu'il faut que la générosité du cavalier fourniffe à fa maitreffe les moyens de gagner les tourieres, portieres, et autres, qui peuvent faciliter les moyens de fe parler, fans être masqués par cette incommode grille.

Je n'en entrerai point dans un détail plus étendu de cette efpèce de galanterie, aux misteres de la quelle je ne me fuis point trouvé digne d'être initié, et dont je ne parle en partie, que fur le rapport d'autrui. Ce que je puis affirmer, c'eft que les manieres de ces religieufes font très libres, et que pour peu qu'elles tiennent ce que leurs yeux, et leurs difcours promettent, elles doivent beaucoup accorder. Je me fuis trouvé à une profeffion, a la quelle j'étois invité, je dinai au parloir en grand compagnie, après le repas, la religion qui venoit de faire des voeux, nous regala d'une danfe moresque, dont l'agrement confifte dans des poftures très ¡ndecentes.

Après avoir tant parlé des religieufes, je crains de vous ennuyer, Monfieur, fi je ne les quitte, que pour vous entretenir de Moines, mais il n'eft pas poffible de paffer fous filence un corps auffi confidérable, qui joue une fi grand role en Portugal, et y eft auffi peu respecté, qu'il eft peu respectable. Je ne peu mieux le defi

nir qu'en me servant d'une expreffion des lettres Perfannes, fur les petits maitres, c'eft que la moinaille Portugaife eft l'efpece la plus vile qui campe fur la terre. Jy ajouteray qu'elle eft la partie honteufe du facerdoce Romain.

Il femble que ces moines ayent fait voeu d'ignorance, d'impureté, et de turpitude, et que le froc leur donne le privilege, de fe livrer impunément à toutes fortes de vices. Il n'eft moyens fi infames, dont ils ne fervent pour attraper de l'argent, foit en abusant de la credulité des peuples, foit en fe prétant aux intrigues, et aux manoeuvres les plus odieufes, enfin jusqu'a fe deguifer, pour voler la nuit dans les rues, ils vendroient Dieu encore une fois, s'ils le pouvoient, et font fi peu suscepti bles de remords, qu'ils ne fe pendroient certainement pas après,

Les voies iniques, qu'ils employent n'ont d'autres objets, que de se fournir les moyens de fortir de leurs couvents, et fatisfaire à leurs débauches, courir les mauvais lieux eft fa moindre peccadille, qu'on ait à leur reprocher.

Croirés vous après cela, Monfieur, que le peuple les regarde comme des faints, et que ceux, qui les connoiffent, leur marquent une egale vénération, les uns par la ftupidité, dans la quelle on les eleve, et les autres dans la crainte d'accourir leur haine toujours implacable, et toujours a portée de fe faire fentir.

L'abus de la proprieté des biens, même parmi les ordres mendians, excepté les capucins et les recolets, qui vivent affés regulierement, va fi loin, que quand un Moine refte feul de fa famille, il hérite même des creus fubftitués, dont il jouie. pendant fa vie, et qui paffent après la mort à fa communauté. J'ai vu un Carme, et Dominicain, qui avoient des terres auprès de Lisbonne, ou ils demeuroient une partie de l'année, en faisant un préfent au supérieur, ils obtiennent aifement la permiffion, d'aller paffer deux ou trois mois chés leur parens, ce que le pere leur accorde d'autant plus volontiers, que pendant leur abfence, il met leur portion en poche.

L'habitant du paradis le moins féré en Portugal, c'eft Dieu. Les artifans travaillent publiquement le dimanche, mais ils gardent exactement la féte des faints à la mode, et comme il n'y a point de Portugais, qui ne foit de deux confrairies au moins, n'y de paroiffe, qui n'ait plufieurs fétes particulieres, fans les proceflions, et enterémens, aux quels les confreres font obligés d'affifter, cela emporte plus de la moitié des heures de travail, fans compter les devotions eloignées, auxquelles le peuple court en pelerinage par troupes, cela s'appelle Romeries; on veudroit fon lit plutot, que d'y manquer, ils reftent des fept ou huit jours dehors, et couchent pele mele dans la campagne, ce qui fait, que les ouvriers pour fuppléer au tems qu'ils perdent, et aux dépenses, auxquelles ces actes de pieté les engagent, tachent

Ji 3

de

[ocr errors]

de le regagner fur le prix de leurs ouvrages, qui eft exorbitant, et ne les empêche pourtant pas de vivre au jour, le jour, et très pauvrement.

La maniere d'honorer les faints, eft aflés particuliere aux environs de Lisbonne. Quand c'eft la fête du lieu, on fait des combats de taureaux. Si les habitans du lieu ne font pas aflés opulents, pour donner ce spectacle, ils jouent en plein air une comédie burlesque, dont les roles de femmes, font remplis par des hommes déguifis, très noires, et très barbus.

Le jour de l'invention de la St. Croix, toutes celles qui font à Lisbonne, et il n'y a rûe, n'y place qui n'ait la fienne, font ornées de fleurs, et devant la plus part on difpole un carousel comique, c'eft a dire, que vis a vis la Croix on tend une corde, a la quelle on attache des poules, des canards, des pigeons, des chats, et cinq ou fix cavaliers mafqués, et en chiant lit courent pour emporter ces miferables animaux, comme on tire l'oye, où armis de lances de bois joutent contre des pots de terre remplis d'eau, ou de quelque chofe de pis. Il ne manque jamais d'y avoir un gile monté fur un anc, qui dit beaucoup de paguoteries, Jordurieres, et divertit l'affemblée. Ce qu'il y a de fingulier, c'eft qu'il eft défendu de fe mafquer pendant la carnaval, et qu'une comédie Espagnole a été chaffée le par patriarche, comme un amusement scandaleux.

Le purgatoire eft le Bréfil des Moines, les chemins par ou les payfans aménentleurs denrées à Lisbonne, font pavés de guereurs, qui les rançonnent, et faute d'argent en recoivent du pain, des oeufs etc. Le tout fe ctie dans les rues d'un air bouffon, et fe vend au plus offrant; on croit participer au foulagement des ames en peine en achetant ces aumones. La ville n'est pas moins tourmentée par ces guéreurs qui tirent tout le fruit du travail du petit peuple.

On habille les faints d'une maniere peu propre à infpirer le refpect, qui leur eft dû, et il n'y a presque point d'eglife, ou fur l'autel de la vierge on ne la voye ajufteé en panier, aufli bien que le petit Jefus, qui eft en habit galonné, chapeau bordeé, la peruque en bourrée avec le gros noeud, l'epeé au coté, et la canne en main. Les mêmes repréfentations fe portent aux proceffions.

Les plus courues font celles de la fête Dieu, et de l'auto da fi.

La premiere doir fon eclat au gout du Roy pour les cerémonies religieuses, elle a été la premiere anneé de l'etablissement du patriarchat la fonction favorite de ce prince, mais comme la jouiffance emouffe les paffions les plus vives, il ne paroit pas avoir les mêmes empreffemens pour elle, ny en être auffi ferieufement occupeé qu'il a été; celle de l'auto da fé, eft une rivale qui fait donner des spectacles nouveaux par le changement des acteurs, et qui finit les representations par

une

une catastrophe, qui pique à coup fur le gout du monarque, ce qui la met en poffeffion de la preference fur toutes celles, qui voudroient entrer en competence avec elle.

Quoique je ne vous connoiffe pas infiuément de gout pour les proceffions, je hazarderai pourtant un détail de celle de la féte Dieu, pour peu, Monfieur, que vous ne vous fentiés pas la devotion de la fuivre, jé vous permets de ne la pas honorer de vos regards.

La veille de cette fete, toutes les rues, et places, ou doit paffer cette proceffion, font tendues depuis le toit jusqu' en bas de belles tapifferies, ou d'etoffes de foye, celles de laine n'etoient pas fouffertes. Les fenetres font garnies en dehors de rideau de damas, et de tapis les plus magnifiques, que chaque particulier puiffe trouver, des toiles attacheés d'un toil a l'autre, mettent en ces mêmes rues a l'abry du foleil, les jaloufies font enleveés, et les fenetres ne font occupeés, que par les femmes, les hommes ne pouvants y paroitre fous peine d'excommunication. Celles la ne manquent pas de profiter d'un jour, ou il leur eft permis de fe montrer en public, et ne fe laiffent point de cette corveé. J'appelle corvée l'obligation de venir le foir avant la proceffion s'etablir dans la maison, ou elles doivent la voir, elles paffent la nuit a s'y ajufter, car c'est un jour d'action, ou les armes offenfives ne font point epargneés, ́et elles prodiguent le blanc, le rouge et les mouches, pour reparer le derangement que l'infomnie pouroit causer à leur visage.

La proceflion paffant fur deux places trop grandes pour être couvertes de toiles, on y dreffe des portiques de bois peints en marbre, dont le plafond eft fort orné, auffi bien que le toit.

Celle qui eft devant le palais du roy, plus grande que belle cour à Lyon, celle qui eft devant la patriarchale, et les cours du palais, font tendues de haut en bas de tapifferies magnifiques, appartenantes au roy. On dit qu'il a encore trente deux tentures qui n'ont point vu le jour,et qu'il en fait faire encore aux Gobelins, et a Bruxelles.

La proceffion commence a fortir de la patriarchale vers les trois heures du matin, elle est précédée par les chevaux de main de l'Infant. Don Francifque, et par ceux du roy richement hamachés. Quatre timbaliers, et trente deux trompetes partagés en quatre troupes, et vetues de velours ponceau, couverts de galons d'or, fuivent l'ecurie, et ont à leur tête un homme armé de toutes pieces. Enfuite paroit la ftatue de St. George de hauteur naturelle campée, et attacheé fur un cheval blanc, que deux eftaffiers conduisent. Ce Saint a la lance en main, et fon chapeau eft couvert, de pierreries. Un jeune homme mouté auffi fur un cheval

blanc

« السابقةمتابعة »