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blanc la lance en main, casquet orné de plumes en tête ajusté de gares et de rubans, le fuit en qualité de page.

Après eux les confrairies commencent à defiler, elles font au nombre de cent vingt, chacune a fon habillement different, et eft compofé de trente a quarante confreres. Elles font fuivies des ordres religieux de la ville et environs de la ville, et du clergé de chaque paroiffe, ce qui fait un nombre environ egal à celui des confrairies, les Jéfuites même y affiftent. Ils ont employé tout leur credit pour faire valoir un bulle, qui les difpenfe des fonctions publiques, mais le Roy n'y a point eu egard, Sa Majesté leur a feulement promis, que ce feroit l'unique, ou ils feroient obligés de fe trouver.

Les gens de juftice, et généralement tous ceux, qui font employés dans les différens bureaux, et qui font en grand nombre, fuivent le clergé, le fecrétair d'etat ferme leur marche avec les parents du patriarche.

Il font fuivis des chevaliers de Chrift, au nombre de dix à fept cent, avec leurs habits de ceremonie, qui eft affés fimple. C'eft une espece de manteau trainant de crepe de foye blanche, attaché fur la poitrine, replié au deffous, jufqu'au gras de la jambe, et rataché a la ceinture avec un cordon à glands aufli de foye blanche, une croix rouge eft appliqueé fur les manteau à la place ordinaire. Ils portent deffous tel habit que bon leur femble.

Aprés eux vient le chapitre inferieur de la patriarchale, il est suivi de la mufique de la même eglife, qui eft bonne et nombreuse, puis de pallium, et de quatre mitres du patriarche orneés de pierreries.

Le haut chapitre compofé de vingt quatre chanoines eveques, marche enfuite, ils font en chapes blanches, précédés par leurs officiers, portant leur mitre, et fuivis de leurs caudataires. Ils marchent immediatement devant le St. Sacrement porté par le patriarche. Le dais en eft foutenu a la fortie et à la rentreé de eglife par le Roy, le prince du Bréfil, les Infants Don Francifque et Don Antoine, et par quatre des premiers feigneurs, pendant le refte de la proceffion ces quatre princes remettent leurs batons à quatre autres feigneurs, et fuivent les St. Sacrement, ayants comme les autres chevaliers, l'habit de Christ.

La reine et les princeffes, voyent rentrer la proceffion d'une fenetre au deffus de la porte du palais, qui conduit à la patriarchale, et de la paffent à la tribune de cette eglife, ou elles reçoivent la bénédiction.

Quand le St. Sacrement fort du patriarchale, et qu'il y rentre, les batimens, qui font dans le port, tirent leurs canons, ceux des puiflances proteftantes ne re

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fufent pas ce falut qu'ils difent donner au roy; il les fait toujours inviter par leur miniftre du confeil.

Quoique le chemin, que la proceffion décrit ne foit pas fort etendu, et qu'elle ne f'arrete en aucun endroit, elle eft huit heures dans fa marche. Les premieres anneés elle y en employoit treize ou quatorze, parceque le roy faifoit venir de quinze lieux à la ronde, ce qu'il y avoit de pretres et moines. Ils ont un air de familiairité avec Dieu, qui fait bien voir qu'ils en font les favoris, et cela le jour même de fa féte, et quoi qu'ils ne marchent que quelques pas devant lui, ils ne fe genent pas plus, que l'ils en etoient à cent lieux, et pendant toute la proceffion promenent leurs regards fatires fur les femmes qui rempliffent les fenetres, Comme l'on marche fort lentement, il ny en a pas une, qui echape a leur convoitik.

Les rues font bordeés de foldats, et ce n'eft certainement pas ce qu'il y a de plus brillant. Elles reftent orneés la veille du jour, et lendemain, et pendant trois jours il eft defendu de jetter aucunes ordures. Ce font auffi les feuls de l'anneé, ou elles foyent nettes, mais le quatrième c'est un déluge, qui ne finit point.

Tant de livres vous ont inftruit de ce qui fe paffe aux Auto- da fe, que je ne vous en ferai pas, Monfieur, une repetition ennuiante, je vous marquerai feulement quelques particularités, qui ont rapport a celui de Lisbonne.

Depuis neuf à dix heures du matin, que commence la cèremonie, jusqu'a trois ou quatre du lendemain matin, que l'on conduit au fuplice ceux qui y font deftinés, le roy de Portugal né perd pas un moment de vue ces miférables, il fe rend chés. Le Cardinal d'Acugna, Grandinquifiteur, d'ou il voit fortir la proceffion. Pendant qu'elle fe promene on lui fert a manger, et quand elle eft entreé dans l'eglife St. Dominique, il paffe avec les princes de fa maifon dans une tribune vis a vis la chaire d'ou l'on prononce les fentences. Joignant la tribune eft un endroit fermé nommé la Mefa, ou l'on conduit ceux, qui doivent mourir, quand ils ont quelque chofe, a déclarer aux inquifiteurs, car vous favés que jufqua ce qu'on leur ait lu leur fentence, ils peuvent a ce qu'on prétend a fe tirer d'affaire, en avoant avec repentir ce dont ils font accufés. Mais quoique ces malheureux difent non feulement ce qu'ils ont fait, mais même ce à quoi ils n'ont jamais pensé, de cinq que jai vu aller plus de quatre fois a la Mefa, aucun n'a pu remontrer le chef d'accufation. Le roy a dans fa tribune une petite ouverture, de la quelle il peut les voir, et entendre, quand ils parlent aux inquifiteurs.

Aprés les fentences publiées, on conduit à la relation ceux que l'inquifition abandonne au bras féculier, car fa charité, fa douceur, et l'horreur qu'elle a pour Büschings Magazin XII. Theil,

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lesang, *) ne lui permettent pas de prononcer arret de mort. La relation, eft le tribunal fupérieur pour le criminel. Le roy y vient incognito, et par des fenetres fermés des jaloufies, il voit ce qui fe paffe dans la chambre ou font les juges, et dans la chapelle ou les criminels attendent, qu'on les appelle. Ce que j'ay trouvé de fingulier, c'eft que chaque criminel a un juge qui playde avec vehemence et prés d'une heure en fa faveur; l'inquifition eft traiteé dans ce playdoier de tribunal tirannique, barbar, et egalement opposé a l'esprit des loix, et 2 celui du chriftia. nifme. Mais la conclufion eft, que les ordres du roy etants, que ceux qui leur font renvoyés par l'inquifition, doivent être comdamné au feu, ils ne peuvent, quelque repugnance qu'ils y ayent, fe difpofer de fe conformer.

On fait venir enfuite le criminel, on lui demande, f'il veut mourir juif, où chretien, f'il se determine pour la dernier on lui annonce, que par grace il fera garotté. **) Les cinq dont je vous ay parlé, parurent à la mort plutôt martirs de la religion chretienne, que juifs.

De la relation, on les conduit au lieu du fupplice, qui en eft fort eloigné, le roy les fuit a cheval envelopé dans un capot, ***) et accompagné de deux ou trois de fes plus confidents. Les patients les font des confreres de miféricorde, qui portent des flambeaux, et font une double haye, devant le premier poteau le roy fe tient a cheval en face, il voit faire toute la ceremonie, et passe ainfi fucceffivement d'un poteau a l'autre.

Ceux qui doivent être brulés vifs, font attachés par une petite planche au haut du poteau, et eloignés de prés de deux toifes du bucher, qui n'eft fait que de petits fagots de bruyere, de forte que quand il fait le moindre vent, ils grittent trés lentement, et les boureaux font même obligés, d'allumer de ces petites boureés au bout d'une perche, et de les leur porter entre les jambes.

Quand un homme foupconné de judaifme, fe trouve riche, c'eft un grand préjugé pour fa condamnation, auffitôt qu'il est arreté, l'inquifition prend la régie de fes biens, et f'il eft convaincu, fes depouilles fe partagent entre le roy, et le St. office. Ce tribunal eft fi refpe&té, que les plus grands Seigneurs, briguent l'honneur d'être admis a l'employ de familier, et deviennent par la les efpions, et les archers de ce tribunal. J'ai vu le Duc de Cadaval, qui eft de la maison royale, partir lieu

elle ne comdamne jamais qu'au feu.

on les etrangle a un poteau avec un lieu de bois que l'on tourne avec un baton, comme on ferre un fagot.

***) manteau avec un capuchon, les portugais du commun ne fortent jamais fans leur capot, et c'est l'habit des gens de qualité.

lui troifieme pour aller arreter le provincial dés trinitaires, et ramener glorieufement fa capture de fept lieux de Lisbonne. Je u'ay pu favoir ce que le bon pere etoit devenu, n'y ce dont il etoit accufé.

J'ay trop bien circonft incé cette horrible tragédie, pour n'être pas foupconné d'y avoir affifté. Je l'avoue à ma honte; je pourois vous dire, Monfieur, pour ma juftification, qu'un Auto da fe, eft quelque chofe d'affés extraordinaire pour qu'un etranger ait la curiofité de le fuivre une fois d'un bout à l'autre, et je n'aurois. jamais cru, qu'un prince, fe regalat tous les ans de cet affreux fpectacle, fi je ne l'avois vu de mes propres yeux. Le roy du Portugal a fi fort a cœur que la fcene foit remplie, qu'il fait venir a l'inquifition de Lisbonne, ceux qui font accufés de crimes capitaux dans les autres tribunaux du St. office, et même on y en conduit du Brefil.

Dans l'Auto da fe que j'ay vu, il y avoit une actrice, dont le proces etoit affés comique. C'étoit une noire ageé de quinze à feize ans, accusée de fortilege, efclave d'un negotiant Italien, qui a depofé qu'il l'avoit vu difparoitre par les fenetres, et entendu chanter un chapon, qu'elle tournoit a la broche. Elle a confeffé de plus, que le diable etoit fon amant, qu'il la transportoit toutes les nuits à Angole, et qu'au refte il avoit de fort bonnes manieres, et eroit fort amoureux. et eroit fort amoureux. La dulcinée du Seigneur Belzebub en a été quitté pour être fuftigée, et paífer cinq ans a travailler au Bresil; l'Italien en a é é pour fon esclave. Ce qui vous etonnera, Monfieur, c'est que j'ay vu de gens de mérite, perfuadés de cette ridicule fable, commé d'un article de foi,

Vous verrés par la, que l'inquifition n'eft pas fort rigide pour les forciers, elle inflige auffi des peines affés legeres aux bigames, blasphemateurs, et autres elle n'est severe que contre ceux, qui font acculés de judaisme, d'attaquer la divinité de J. C. ou de parler des faints avec peu de respect, et de leurs miracles avec peu de perfuafion; elle ne comdamne guerres au feu, que pour de pareils

crimes.

Il y a pourtant quelques années, qu'un jeune homme vivant publiquement avec une fille comme mari et femme, fans y être autorité par le facrement, fut traduit a l'inquifition, il foutient qu'il avoit été marié par la vierge en personne, on fit ce qu'on put pour le faire revenir de cette extravagance, et au moyen de miroirs qui réfléchiffoient les objets, on tacha de lui comprendre, qu'il avoit cru voir, mais que ce n'étoit qu'une illusion, il ne voulut jamais en convenir, et s'obftinant dans la premiere déclaration, il fut brulé. Ne trouvés vous pas, qu'il eur été auffi judicieux, de l'envoyer aux petites maisons?

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Il me femble, Monfieur, que je me fuis plus etendu fur cet article, que je ne vous l'avoit promis, et que je ne me l'etois propofé. Ce recit n'offre pas des ideés bien agréables, vous n'en etes pourtant pas quitté, et je facherai encore votre imagination, puisque je vais ebaucher le portrait des Portugais.

On ma dit, qu'un auteur moderne, qui f'eft mélé de caractériser les nations de l'Europe, a ecrit, qu' il ny avoit, qu'a oter de l'Espagnole tout, ce qu'il y avoit de bon, et qu'on trouvoit le Portugais. Cette définition m'a parue affés jufte, car quoique l'Efpagnol ne foit pas né pour l'agrement de la fociété, il eft fobre, bon ami, homme de parole, et capable d'agir par des principes d'honneur, les Portugais fe font mis au deffus de ces vertus incommodes, ils ne font ny beaux ny aimables, ils n'ont ny favoir ny efprit, et par conféquent nulle efpece de converfation, ils ne connoiffent d'autre pais, que le Portugal, et fe connoiflent fi peu eux mêmes, qu'ils méprifent toutes les autres nations. Ils font cruels à ceux, qui font fous leur dependance, et foumis jufqu' a la baffeffe à ceux, de qui ils dependent, ils font avares, et gourmands par tempérament, et par vanité ils dépenfent beaucoup plus, qu'ils ne peuvent, et vivent de pain, et de fardines, a fin de pouvoir promener en equipage dans les rues de Lisbonne. Jamais etranger n'a fcu fi l'on mangoit chés une Portugais, ils font une ideé particuliere du point d'honneur et de la valeur, ils font confifter le premier, a garantir leur filles ou femmes du naufrage, leurs femmes ou maitreffes d'infidelité, a pouvoir fe venter d'ètre defcendus d'anciens chretiens, et à prouver tres fauffement, que le fang hebreu, ne f'est point mélé avec le leur; l'autre, a fe vanger fourdement et à coup fur d'un affront.

Pour fatisfaire à leur vanité, et à leur débouche, ils empruntent a tel in teret que l'on veut, et achetent à tout prix. Un créancier fous le regne precedent, n'ofoit aller demander fon du fans risquer cent coups de baton, ny un homme de justice approcher la maifon d'un fidalgue, fans f'exposer à pis: mais a préfent fi le roy ne leur fait pas payer exactement leurs dettes, au moins n'ofent ils plus maltraiter leur créancier, et encore moins infulter la juftice, et ceque le prince a fair de mieux pendant fon regne, eft de les avoir reduit a une dependance trés mortifiante pour eux, mais trés neceffaire a la tranquilité publique.

Les enfans d'un Comte, où d'un Marquis, n'heritent de ce titre, qu'autant qu'il plait au roy de le leur confirmer, et la plus part de biens des grandes maifons, confiftent en commanderies ou terres deftineés à recompenfer la nobleffe. Les enfans du poffeffeur ne peuvent fucceder, que par une nouvelle conceffion du roy, et voila ce qui rend la nobleffe fi dépendante du prince. Les ainés ont tout le bien, les cadets font ou d' eglife, ou chevaliers du Malthe, et ne fe marient jamais,

/à moins

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