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aux rapports intimes qui existent entre la conservation de l'ordre social et l'observation du Décalogue, entre les pratiques essentielles à la Coutume et les forces morales dont elles émanent. Je me suis donc appliqué à simplifier, autant que possible, ces rapprochements; et, dans ce but, j'ai habituellement groupé les préceptes du Décalogue sous deux titres principaux, savoir le respect de Dieu, du père et de la femme (1er, 2o, 3o, 4o, 6o et 9e commandements); l'interdiction de l'homicide, du vol et du faux témoignage (5o, 7, 8e et 10e commandements). Cette distinction tend à passer dans les lois de certains peuples européens. La législation, qui a créé les plus fortes races, leur imposait, sous peine de punitions sévères, la pratique du Décalogue entier (§ 8). Mais en France, depuis la révolution, on ne comprend guère que les commandements du second groupe dans le domaine du Code pénal. Cette tendance n'est pas celle de tous les peuples prospères, surtout en ce qui touche le respect de la femme (§ 48). Mais les dures épreuves de l'expérience nous ramèneront tôt ou tard à une meilleure pratique. En cette matière, comme en toute autre, l'extension de la liberté ne se justifie que si elle se montre compatible avec la conservation du bien-être matériel et de l'ordre moral.

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LES AUTORITÉS SOCIALES, GARDIENNES DE LA COUTUME.

Les peuples s'élèvent difficilement au plus haut degré de bien-être et d'harmonie. Ceux qui y sont parvenus éprouvent encore plus de difficulté à se préserver de la corruption, qui émane alors de la puissance et de la richesse.

Les populations adonnées aux professions usuelles résistent, en général, mieux que les autres classes à l'invasion du fléau. Les principaux foyers de résistance se trouvent dans les ateliers des patrons qui, pendant les époques de décadence, conservent fidèlement la Coutume des temps de prospérité. Ceux qui ont la richesse, le talent et la vertu nécessaires pour accomplir cette mission, ceux qui par leur ascendant personnel contre-balancent l'action corruptrice des gouvernants et des riches oisifs', ces hommes, dis-je, ont tout droit d'être nommés excellemment les Autorités sociales. La Coutume des ateliers est assise sur des bases encore plus solides lorsque la loi morale est fortement enraci

1 Tel est le rôle que jouèrent en Europe les ateliers ruraux et manufacturiers, pendant le XVIIIe siècle, à cette triste époque où Louis XV, Georges II, Frédéric II, Joseph II, Catherine II, et la plupart des petits souverains, violaient ouvertement le Décalogue et propageaient autour d'eux la corruption.

née non pas seulement chez le patron, mais chez les simples ouvriers 2.

Ces Autorités, ainsi que j'ai pu le constater dans le cours de longs voyages 3, se reconnaissent, en tous lieux, aux mêmes caractères. Elles gardent religieusement la Coutume des ancêtres pour la transmettre aux descendants. Elles sont unies à leurs ouvriers par les liens de l'affection et du respect. Dans toutes les contrées et dans toutes les professions, elles n'ont pas seulement la même pratique : elles résolvent de la même manière les questions de principe qui donnent lieu de nos jours à des discussions sans fin; et cet accord même est le plus sûr criterium de la vérité. Après avoir résisté mieux que le reste de la nation à la corruption propagée aux mauvaises époques par les gouvernants, elles sont, aux époques de réforme, les meilleurs auxiliaires de ces derniers. Les Autorités sociales exercent aussi leur influence au dehors de leurs ateliers; et elles occupent toujours un rang élevé dans les associations privées vouées au bien. public (§ 67), dans la paroisse et dans le gouvernement local (§ 68), lorsque le peuple, jouissant de son libre arbitre, en fait bon usage. Partout, au surplus, elles sont signalées au voyageur par l'estime et la reconnaissance des populations.

2 La Réforme sociale, t. III, p. 246; note. t. Ier, p. 60 et 70.

= 3 Ibidem,

Les Autorités sociales ne se rencontrent pas seulement dans la grande industrie, c'est-à-dire dans les ateliers desservis par de nombreux ouvriers. Elles se trouvent également à la tête de petits établissements à familles-souches (§ 6), où l'atelier se confond avec le foyer. Le père, qui est aussi le patron, est associé à un héritier marié dans la maison: il s'adjoint, en outre, pour ouvriers les parents célibataires qui s'attachent au foyer des ancêtres, les enfants adultes qui n'ont point encore créé au dehors un établissement avec leur dot, enfin, au besoin, des compagnons et des apprentis admis sur un pied d'égalité au sein de la famille, en qualité de domestiques. Le moyen âge, où se trouve l'origine des plus solides institutions de l'époque actuelle, a créé, avec un égal succès, les Autorités sociales des grands et des petits ateliers (§ 14). Depuis lors ces types se sont conservés en se modifiant selon le besoin des temps, lorsqu'ils n'ont point été systématiquement détruits par les tyrannies monarchiques ou populaires. Dans l'agriculture comme dans l'industrie manufacturière, ils abondent chez les peuples où les gouvernants ont respecté les libertés privées (§ 67) et locales (68). A la vérité, l'invention d'une multitude d'outils ingénieux, l'emploi de la houille et des machines

4 La Réforme sociale, t. Ier, p. 7.

à vapeur, enfin l'importance croissante du haut commerce international attribuent généralement aux grands ateliers les surcroîts énormes de production que le commerce réclame de notre temps. Mais les petits ateliers ont pris également une certaine part à l'extension du travail'. En France, des modèles excellents de ces petits ateliers ont résisté aux influences corruptrices exercées successivement par l'ancien régime en décadence et par la révolution (§ 17). Chez nous comme en Allemagne, ils se maintiennent dans certains districts ruraux éloignés des villes et des grandes voies commerciales. Les Autorités sociales qui dirigent ces petits ateliers offrent d'admirables types qu'on chercherait en vain parmi nos agglomérations manufacturières, ou dans nos villages ruraux à banlieues morcelées (§ 46). Elles conservent les vieilles

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5 La Réforme sociale, t. II, p. 125 et 397. 6 lbidem, t. II, p. 139. 7 Ainsi, par exemple, au milieu des immenses développements pris, à Paris, par l'industrie manufacturière ou commerciale, les petits ateliers domestiques restent beaucoup plus nombreux que les grands ateliers. En 1860, sur 101,170 ateliers constatés par l'enquête de la chambre de commerce, il existait 62,199 ateliers où le chef travaillait seul ou avec l'aide d'un ouvrier; 31,480 ateliers où travaillaient de 2 à 10 ouvriers; et 7,492 ateliers seulement où travaillaient plus de 10 ouvriers. 8 Voir, par exemple, la description de deux excellents modèles le paysan du Lavedan (les Ouvriers des deux Mondes, t. Ier, p. 107); le paysan du Lunebourg-Hanovrien (Bulletin de la Société d'économie sociale, t. II, p. 518). 9 La Réforme sociale, t. II, p. 44 à 50.

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