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trôle les dons et legs destinés aux corporations perpétuelles : il refuse son autorisation quand le legs viole une coutume respectable; et il réprime l'abus lorsque la corporation ne répond plus à l'esprit de son institution.

Mes concitoyens cesseront un jour, je l'espère, d'ériger en dogme le partage forcé, et ils reviendront enfin aux enseignements de l'expérience et de la raison. Ils constateront alors, non sans mortification, que ce régime a précisément compromis les intérêts qu'ils prétendaient le plus garantir. Ce genre de désappointement est spécialement réservé à ceux qui, pour conjurer les manoeuvres des corporations, refusent la liberté au père de famille. Le testament, dans les pays où il est contrôlé par l'État, n'attribue guère à ces corporations la propriété des ateliers de travail: en France, au contraire, le partage forcé leur assure, dans cette sorte de biens, d'importants héritages. Celles de ces corporations qui se recrutent de jeunes filles et de jeunes gens appartenant à des familles riches, font valoir, sous le nom de ceux-ci devenus héritiers, des droits qui ne peuvent être ni contestés par les cohéritiers, ni contrôlés, comme l'eussent été de simples legs, par l'État ou les tribunaux; et on aperçoit aisément les conséquences possibles d'un tel régime. Si, un jour, ces corporations perdaient

le dévouement qui les anime; si elles abusaient de leur influence sur une jeunesse inexpérimentée, devenue, par son éducation même, étrangère aux affections du foyer et aux intérêts de l'atelier, elles exerceraient à coup sûr les captations qu'on se flatte en vain d'éviter. Seulement ces captations seraient exercées, sans contrôle possible, sur des jeunes gens, au lieu de l'être, sous le contrôle des magistrats, sur les chefs de famille. Or les auteurs de l'objection croient que les corporations ne reculent devant aucun moyen pour accaparer les riches successions. Ils se montrent donc fort inconséquents en accordant leur préférence au régime qui se prête le mieux à ce genre d'abus. Comment n'ont-ils pas compris que les sociétés libres déjouent précisément, par la liberté testamentaire, les manœuvres qu'ils redoutent?

Dans les familles riches adonnées au vice et à l'oisiveté, on a vu parfois le testament donner une scandaleuse destination à la fortune créée par les ancêtres; mais c'est un des désordres que ne saurait conjurer la meilleure constitution sociale; et il faut reconnaître d'ailleurs que la désorganisation de telles familles n'est pas un mal sans compensation. Au contraire, ce scandale n'est jamais donné par les chefs de famille voués au travail; car la préoccupation de toute leur vie est de lier la possession

du foyer et de l'atelier à l'avenir de leurs descendants.

Les mêmes sujets de mortification sont réservés à ceux qui, en repoussant la liberté testamentaire, prétendent favoriser la petite propriété aux dépens de la grande, ou qui se flattent de propager parmi les citoyens les sentiments d'égalité. Le régime de partage forcé entraîne, en France, les conséquences diamétralement opposées. Il désorganise assurément les familles de tout rang et de toute condition(K); mais cette influence est beaucoup plus funeste pour la petite que pour la grande propriété 1. Il détruit sans cesse, chez les très-petits propriétaires, les premiers fruits du travail et de l'épargne, notamment la possession du foyer domestique (§ 24). Il dépouille leurs héritiers, et surtout leurs orphelins mineurs 2, au profit des gens d'affaires. Le partage forcé n'a pas non plus pour résultat de propager les bonnes habitudes qui se rattachent à l'idée d'égalité. La France, où ce régime règne sous sa forme la plus absolue, est la nation qui, dans ses mœurs, recherche le plus les inégalités sociales et les priviléges. Sans doute l'égalité s'y manifeste constamment par des mots (§ 59); mais elle ne se trouve jamais

1 La Réforme sociale, t. II, p. 44, 66, 69. t. III, p. 521.

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dans les actes, lorsqu'elle n'est point imposée

par la contrainte de la loi 3.

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4me OBJECTION: LES MOEURS DE LA FRANCE REPOUSSENT
LA LIBERTÉ TESTAMENTAIRE.

Pour justifier cette quatrième objection, nos légistes allèguent que de tout temps la nation a été portée à imposer au père de famille le partage égal de son héritage plutôt qu'à lui laisser le droit d'en disposer par testament. Ils opposent en outre à toute demande de réforme un argument qu'ils croient sans réplique. Sous le régime du Code civil, disent-ils, les pères de famille peuvent disposer au moins du quart de leurs biens. Or il en est fort peu qui usent de cette faculté. Il serait donc peu judicieux de l'étendre jusqu'à la liberté complète du testament.

Cette objection et le raisonnement qui l'appuie sont démentis par notre histoire. Avant la révolution, les coutumes de transmission intégrale remplissaient, en France, un rôle plus important que les coutumes de partage égal. Malgré le dur régime de contrainte établi par le gouvernement de la Terreur, elles sont loin d'être abandonnées. Elles sont encore prati

3 La Réforme sociale, t. II, p. 381 à 392.

quées avec un inébranlable attachement, par des millions d'individus, dans des provinces entières. Ce n'est donc point le mouvement spontané des mœurs, c'est la pression de la loi qui substitue peu à peu à ces coutumes les habitudes de partage égal. Ayant exposé ailleurs les faits qui justifient ces assertions, je me borne ici à un précis sommaire sur l'histoire et l'état présent des deux systèmes de succession.

Avant la révolution, la transmission intégrale des biens ruraux était dominante dans la région occidentale, savoir: au midi, dans les Pyrénées, le bassin de la Garonne et les montagnes qui confinent à la rive droite de ce fleuve; au nord, en Normandie et dans les pays d'élevage contigus à la Manche et à l'Atlantique; au centre, dans la majeure partie des montagnes et des collines. A l'orient, ce même système était fort répandu sur le littoral de la Méditerranée, dans les Cévennes, l'Auvergne, les Alpes de la Provence et du Dauphiné, le Forez, le Morvan, le Jura et les Vosges. Enfin, dans la France entière, il avait été étendu par le régime des fiefs à une foule de localités, même aux plaines à céréales où dominait le second système de transmission. Les ateliers ruraux où se pratiquait la

1 La Réforme sociale, t. Ier, § 34; l'Agriculture, p. 33 à 9.

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