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aux fonctionnaires une foule d'attributions qui, chez les peuples libres, sont plus utilement remplies par les citoyens eux-mêmes, dans le cours de leurs rapports privés. A cette catégorie d'attributions appartiennent, par exemple, les subventions, les encouragements et les interventions de toute sorte, tendant à améliorer l'agriculture et les autres arts usuels de chaque localité. Ces services, confiés à des agents qui ne profitent pas du résultat, offrent en général un mauvais emploi de l'impôt : ils sont toujours entravés par des obstacles qui s'évanouiraient sous la direction d'hommes plus intéressés au succès.

Ici toutefois je dois prévenir un malentendu que pourrait faire naître cet exposé sommaire. La réforme nécessaire à la France n'aurait nullement pour conséquence d'amoindrir la situation actuelle des magistrats et des fonctionnaires. Loin de là, elle leur confèrerait la légitime influence qui leur est acquise chez les peuples libres, et elle les débarrasserait d'attributions ou de priviléges qui les compromettent aujourd'hui. Ainsi, par exemple, en abrogeant définitivement, dans notre jurisprudence, une regrettable disposition de la constitution de l'an VIII', elle effacerait chez les fonctionnaires

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4 Décret du 22 frimaire, an VIII, art. 75: « Les agents du « gouvernement autres que les ministres ne peuvent être pour

le caractère bureaucratique qui les abaisse3; elle leur rendrait la haute situation que le principe de la responsabilité leur conserve, en Angleterre, à tous les degrés de la hiérarchie administrative. La réforme, en augmentant l'importance et le salaire des nouvelles fonctions, diminuerait beaucoup le nombre des magistrats et des fonctionnaires; mais elle respecterait tous les droits acquis. Les peuples qui combattent sans cesse la corruption par la réforme attribuent des compensations et conservent tout au moins l'intégrité du salaire à ceux qui ne trouvent pas immédiatement, dans la nouvelle organisation, des avantages égaux à ceux dont ils jouissaient. J'ai insisté ailleurs sur ce principe fondamental; et je me suis souvent assuré qu'il n'est pas moins conforme à la raison et à l'expérience qu'à l'intérêt public et à l'équité. Les réformes vraiment fécondes ne sont jamais dirigées contre une classe de personnes elles donnent satisfaction à tous les intérêts; elles élèvent à la fois la condition des citoyens dans la vie privée, et celle des fonctionnaires dans la vie publique.

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<< suivis pour des faits relatifs à leurs fonctions qu'en vertu « d'une décision du conseil d'État. >> 5 Cette remarque s'applique, par exemple, à d'habiles fonctionnaires chargés de rédiger des documents utiles au public. Ces travaux sont publiés en Angleterre, sous le nom de leur auteur; en France, sous le nom d'un ministre qui ne les a pas lus. = 6 La Réforme sociale, t. III, p. 502 (note).

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4me DIFFICULTÉ L'INFLUENCE ANORMALE DES HOMMES QUI FONT PROFESSION DE PARLER OU D'ÉCRIRE.

Les aptitudes éminentes qui confèrent la supériorité dans les lettres, les sciences et les autres arts libéraux', ne se concilient guère avec les qualités nécessaires au succès dans l'exploitation des arts usuels. L'homme doué de cette supériorité n'aime point à fixer son esprit sur les occupations vulgaires qu'imposent la direction des hommes et la discussion des intérêts. L'art de parler et d'écrire, qui joue un si grand rôle dans les réformes de notre temps, est particulièrement difficile à acquérir: il ne reçoit tout son développement que par de profondes méditations et par le travail soutenu d'une longue vie. Lors donc que les institutions n'encouragent pas expressément la réunion des deux genres d'aptitudes, il y a presque incompatibilité entre le talent de l'orateur ou de l'écrivain et celui de l'homme capable de diriger les grandes entreprises ou de gouverner les États; il y a également contraste de caractère entre

1 La Réforme sociale, t. II, p. 10.

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2 lbidem, t. II, p. 11.

ceux qui enseignent l'utilité de la réforme et ceux qui réussissent à l'accomplir.

Aux époques de révolution, où la Coutume perd son empire, où la société cesse d'aller de soi, où tout est contesté, jusqu'aux rapports traditionnels de la vie privée, les orateurs et les lettrés exercent généralement une fàcheuse influence. Ils ne se bornent plus, comme aux époques d'ordre et de prospérité, à conserver dans les âmes les éternelles notions du vrai : ils sortent de ce domaine pour pénétrer dans les questions qui agitent les esprits; et alors ils deviennent souvent les auxiliaires de l'erreur. N'ayant jamais été mêlés aux intérêts usuels qui sont en lutte, ils n'ont point un criterium sûr pour les apprécier. Condamnés au doute, et avides de succès, ils sont plus enclins à se faire l'écho des passions du moment qu'à réagir contre l'opinion égarée. Ceux qui, depuis 1789, ont le plus dominé les esprits pendant nos crises politiques et sociales, ont dû leurs succès éphémères au charme de la forme beaucoup plus qu'à la compétence sur le fond. Les orateurs qui ont fait prévaloir avec éclat, dans nos assemblées, les principes d'où sont sorties les souffrances actuelles de notre pays, donnaient dans des aberrations qu'eussent évitées les moindres Autorités sociales (§ 5). Ainsi, ils montrèrent souvent une grossière

ignorance au sujet des pratiques sur lesquelles ont reposé, de tous temps, la paix et la prospérité des ateliers de travail (G).

A la vérité, l'erreur n'a plus, de nos jours, ces caractères apparents qui nous choquent quand nous lisons les discours et les écrits des célébrités révolutionnaires. La discussion incessante des intérêts publics a propagé certaines connaissances générales qui manquaient complétement au début de notre ère de discordes. Mais l'enseignement des orateurs et des écrivains politiques est loin d'avoir acquis chez nous la fécondité qu'il offre dans les pays vraiment libres. Là, en effet, les petites autonomies locales sont exclusivement gouvernées par les Autorités sociales et par ceux qui montrent quelque supériorité dans la direction des ateliers de travail. C'est parmi ces derniers que surgissent spontanément, sur tous les points du territoire, les hommes qui, par les bons exemples de leur vie, puis par l'autorité de leurs paroles ou de leurs écrits, seront plus tard appelés à diriger les affaires de l'État. En France, il en est tout autrement. La suppression des libertés locales, commencée par l'ancien régime en décadence, achevée par la révolution, infiltrée en quelque sorte dans les mœurs publiques par tous les gouvernements postérieurs, a détruit la vraie pépinière des hommes d'État.

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