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mentales dont nos émules savent tirer un grand profit. La réfutation de ces théories est une des conditions préalables de la réforme.

J'ai saisi avec empressement toutes les occasions qui se sont offertes de connaître l'opinion des vrais savants, sur la distinction du bien et du mal dans notre histoire. En attendant qu'un écrivain compétent traite enfin cette grande question, je résumerai ici en peu de mots les résultats de mon enquête.

En ne considérant que les faits essentiels, je vois apparaître successivement, sur notre territoire, trois époques de réforme et de prospérité, alternant avec trois époques de corruption et de décadence. Je crois utile de les mentionner séparément; mais, pour ne point m'écarter de mon sujet principal, je n'insisterai quelque peu que sur les trois dernières; car, selon la remarque de M. Augustin Thierry (§ 9, n. 2), c'est surtout par leurs jugements sur ces époques que nos écrivains favoris ont altéré en France la notion de la vérité.

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1re ÉPOQUE (1600 A 300 AVANT J.-C.): LA PROSPÉRITÉ

DE LA GAULE PASTORALE ET AGRICOLE.

Les races de l'Orient qui, dès les époques les plus reculées, vinrent successivement s'établir

sur le territoire de la Gaule, s'y trouvaient, aux temps historiques, partagées en un grand nombre de clans ou de tribus. Plusieurs de celles-ci étaient profondément divisées par les mœurs et les traditions'. La plupart, au contraire, étaient unies par la communauté d'origine. Quelquesunes, tout en gardant leur individualité et leur indépendance, constituaient des confédérations fondées sur des institutions positives.

Les premiers immigrants s'adonnèrent surtout à la chasse, c'est-à-dire à la première industrie qu'exercent les races nomades, arrivant au milieu de forêts où abondent les grands animaux sauvages. Obligés de lutter sans cesse pour se procurer leur subsistance et pour défendre le gibier contre les incursions des peuplades contiguës, les premiers Gaulois se rapprochaient, par l'ensemble de leurs habitudes, des Indiens. chasseurs qu'on peut encore observer de nos jours, aux mêmes latitudes, dans les forêts de l'Amérique du Nord. Elles se distinguaient surtout par leurs fermes croyances en Dieu et en la vie future, par le mépris des souffrances physiques et de la mort, par la barbarie de leurs

1 Ainsi les Euskes établis sur les deux versants des Pyrénées occidentales différaient des races gauloises établies au nord de la Garonne, autant que les Basques (qui conservent leur ancien nom, dans leur propre langue dite Euscara) diffèrent aujourd'hui des Français.

trophées de guerre, par une confiance excessive dans leur personnalité, par leur répugnance contre toute autorité qui ne reposait pas sur une supériorité évidente. Ils l'emportaient par deux traits principaux sur toutes les races primitives dont l'histoire ait gardé le souvenir. Ils acceptaient l'autorité d'un corps de prêtres, de savants et de juges, les Druides, qui se recrutaient librement, sans esprit de caste, parmi les plus éminentes individualités de toutes les tribus, et qui vivaient, loin des bourgades gauloises, disséminés par petits groupes au milieu des forêts. Plusieurs tribus accordaient au caractère de la femme un respect qui ne s'est offert au même degré chez aucune autre race. Ils attribuaient un rôle important à la vierge et à la mère dans le culte, dans la famille, dans l'apaisement des querelles survenues entre les clans, et même dans les rapports internationaux 2.

2 MM. A. Thierry et H. Martin, qui se sont adonnés avec prédilection à l'étude des Gaules, ont recherché avec soin, dans Plutarque et les autres écrivains de l'antiquité, les passages qui signalent la chasteté, l'intelligence, le courage et, en résumé, l'ascendant social de la femme gauloise. Parmi les traits de mœurs principaux figurent : le libre choix des époux par les jeunes filles; l'éducation donnée exclusivement par les mères à leurs fils, jusqu'au moment où ceux-ci commençaient l'apprentissage des armes. Comme exemple de la vertu des femmes gauloises, Plutarque (traduction d'Amyot, Paris, 1819, t. IV, p. 148) cite le traité conclu entre Annibal et une tribu de la Gaule méridionale: il y était stipulé que les réclamations élevées par les Carthaginois, pendant leur passage sur le territoire de la tribu,

Fortifiés par ces bienfaisantes influences, les Gaulois réagirent peu à peu, sans se corrompre, contre la rudesse et la férocité de leurs mœurs. Le régime de communauté établi dans chaque clan, selon le génie de la race, fut moins souvent troublé par les prétentions individuelles. Les rivalités traditionnelles des divers clans furent également atténuées par les Druides, qui exerçaient un haut arbitrage sur la race entière, et qui réunissaient, dans leurs écoles, la jeunesse de toutes les classes dirigeantes. L'influence sociale des femmes s'employa également à adoucir les mœurs et à calmer les dissensions intestines. D'un autre côté, les Gaulois com

seraient déférées à l'arbitrage des femmes de la localité. Strabou cite également le trait suivant : « Chez les Cantabres (les Bas« ques), ce sont les maris qui apportent une dot à leurs femmes; << et ce sont les filles qui héritent de leurs parents et qui se <«< chargent du soin d'établir leurs frères. De pareils usages << annoncent le pouvoir dont le sexe y jouit, ce qui n'est guère << un signe de civilisation. » (Strabon, III, IV, 18.) La coutume que critique l'auteur grec est celle qui a le plus contribué à conserver chez les Basques une fécondité et une liberté que l'Europe entière pourrait envier. En vertu de cette coutume, la fille aînée hérite du domaine paternel, au même titre que le fils aîné; et, dans ce cas, l'intervalle moyen compris entre deux générations se trouve réduit de 25 à 20 ans. Ce régime spécial des familles-souches s'était conservé intact, jusqu'à l'époque de la Terreur, chez les Basques français. (Les Ouvriers des Deux Mordes, t. Ier, p. 107.) Le Code civil achève en ce moment de le détruire, avec des circonstances lamentables qui, en 1869, paraissent avoir touché les magistrats de notre cour de cassation. (Voir l'arrêt Dulmo du 23 mars 1869, confirmant l'arrêt, en date du 14 juillet 1866, de la cour de Pau.)

mencèrent de bonne heure à tirer parti des qualités de leur territoire; et les géographes anciens se plurent à signaler les avantages qui leur étaient assurés par la nature 3. L'industrie pastorale, importée par tous les immigrants, avec le boeuf et le mouton, des steppes asiatiques et pontiques', se développa rapidement sur les hautes montagnes, le long des cours d'eau et dans les clairières des forêts : elle donna aux populations des moyens réguliers de subsistance et des habitudes sédentaires. Le travail agricole, également importé par plusieurs tribus, avec le froment et d'autres céréales, vint plus tard accroître les ressources alimentaires et affermir la stabilité. De petites bourgades, régies par des chefs librement élus, se multiplièrent sur la lisière des forêts, à proximité des eaux vives, des prairies et des champs. Des résidences isolées, accompagnées de métairies, s'élevèrent de toutes parts, près des hauts pâturages et au milieu des forêts offrant des conditions favorables à la chasse, à l'élevage des troupeaux et à la nourriture des porcs. La prospérité devint générale et se manifesta par son symptôme habituel, la fécondité des familles. Elle atteignit ses plus grandes proportions, au vie siècle avant Jésus-Christ, et se

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3 Strabon, IV, 1, 12. 4 F. Le Play, Description de la steppe pontique. (Voyage dans la Russie méridionale, t. IV, p. 4 à 11.)

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