صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

É CLAIRCISSEMENS

SUR L'AUTORITÉ LÉGALE D'AUGUSTE;

Par G.-E.-J. GUILHEM DE SAINTE-CROIX.

L'AUTORITÉ des empereurs Romains devint arbitraire par le Lus le 12 fait; mais elle ne le fut jamais par le droit ni par la forme. La Juill. 1793. réunion des différentes charges de la République sur la tête d'un seul, voilà le titre qu'Auguste et ses successeurs eurent à l'empire: à la vérité, ils ne durent ce titre qu'à la force; mais le peuple Romain ne pouvoit plus se gouverner par lui - même ; il lui falloit des maîtres, et il étoit incapable de les choisir librement et sans violence. L'injustice et la cupidité avoient usé tous les ressorts du gouvernement; et des convulsions anarchiques annonçoient depuis long-temps la perte de la liberté, qui ne subsiste que par le respect pour les lois et par l'amour de la justice. Cependant, afin d'accoutumer les Romains à un joug malheureusement nécessaire pour eux, il importoit de conserver l'ombre de la République; et cela n'étoit possible qu'en laissant subsister les anciennes magistratures et les différens corps de l'État. Accepter toutes les dignités que la flatterie et la crainte ne manquoient pas de prodiguer; s'en réserver tout le pouvoir, lorsqu'on les quittoit; prendre de nouveaux titres d'honneur auxquels on attachoit l'idée de l'autorité suprême; observer d'abord les formes, et ensuite les rendre vaines; éviter sur-tout le nom de roi comme trop odieux, et gouverner toutefois d'une manière absolue: tels furent les efficaces dont Auguste se servit pour parvenir au faîte de la puissance, et posséder, en suivant le conseil de Mécène, tous les avantages de la royauté, sans craindre l'envie attachée à ce titre. Dion Cassius, que j'ai principalement intention d'expliquer ici, a bien aperçu la source de l'autorité d'Auguste, dans l'emploi des LI, S. 40, moyens dont il vient d'être question, et dans la réunion des premières

moyens

Dio Cass.

Dio Cass. charges de la République sur sa tête ; mais cet historien n'en a pas 1. LIII, §. 17. tiré toutes les conséquences qui auroient pu éclaircir cette matière.

Il ne manque cependant pas de jugement; et c'est à tort qu'on l'a regardé comme un simple compilateur de faits. Il nous en a conservé un grand nombre, auxquels il a joint des détails fort précieux; et sans lui la vie d'Auguste nous seroit peu connue. Il paroît seulement trop partial envers ce prince, en rejetant tout l'odieux de la dernière proscription sur les deux autres triumvirs. Pour le prouver, il dit qu'Auguste, fort jeune alors, étoit dans l'âge où l'on est plus porté à aimer qu'à haïr, et que, devenu maître de Idem, lib. l'empire, il se montra clément et humain. Peut-on donc se dissiXLVIII. §.7. muler qu'il sacrifia ses amis avec une criminelle lâcheté à la ven

lib. IV, t. II, pag. 956.

Dio. lib. LI, 5.15.

geance de ses collègues ? Marius et Sylla n'immolèrent à leur rage que leurs ennemis, tandis qu'Antoine, Auguste et Lépide, ne respectant ni les liens du sang, ni ceux de l'amitié, se livrèrent mutuellement toutes les personnes dont ils avoient envie de se défaire, et cimentèrent ainsi leur exécrable union. Que l'on compare le récit de Dion avec le tableau fidèle qu'Appien nous a laissé De Bell. civ. de cette sanglante proscription, et avec ce que l'ancien auteur de la tragédie d'Octavie en fait dire à Néron (a), l'on se convaincra sans peine de la partialité du premier historien. Les actes de cruauté qu'Auguste se permit à la mort d'Antoine, et que Dion ne dissimule pas, montrent assez que ni l'âge ni la puissance n'avoient encore adouci le caractèré de cet empereur. Dion paroît vouloir avancer le moment où Auguste fut investi de l'autorité souveraine ; et comme cela ne s'accorde pas avec les faits, on ne doit pas être étonné de l'obscurité et des contradictions de cet écrivain prolixe, et qui n'est pas toujours guidé par le flambeau de la critique. Il a mis dans la bouche d'Agrippa et dans Idem, lib.LII, celle de Mécène deux excellens discours; mais il semble y avoir pour unique but de montrer qu'Auguste, dans sa conduite, avoit presque absolument suivi les leçons de Mécène. En conséquence, il ne tarde pas à faire investir Auguste du pouvoir monarchique,

$.2-40.

(a) Quot interemit nobiles, juvenes, senes,

Sparsos per orbem, cùm suos mortis metu
Fugerent penates, et trium ferrum ducum
Tabula notante deditos tristi neci!
Exposita rostris capita casorum patres

:

Videre masti flere nec licuit suos,
Non gemere, dira tabe polluto foro,
Stillante sanie per putres vultus gravi.
Nec finis hic cruoris aut cadis stetit &c.
Vers. 507–515.

qu'il confond sans cesse avec le despotisme. Tel est l'inconvénient
des systèmes en histoire; on évite rarement de se contredire. Dion
finit
par assurer qu'Auguste, ayant fait un mélange de la monar-
chie et de la démocratie, conserva aux Romains leur liberté, et
les en fit jouir paisiblement et avec dignité; qu'à l'abri des inso-
lences du peuple et des outrages des tyrans, ils vécurent sans
esclavage dans un état gouverné par un roi, et sans sédition avec
les formes démocratiques (b). Il paroît que Dion entend par démo-
cratie toute espèce de république, puisque la constitution établie
par Auguste étoit un mélange de monarchie, d'aristocratie et de
démocratie, et qu'elle tenoit essentiellement par le fait aux deux
premières formes de gouvernement.

§. 13.

1.

Cet historien raconte qu'Octave, c'est le nom que l'empereur Idem, 1. LIII, avoit porté jusqu'alors, ayant pris son parti sur le discours de ses deux favoris, se rendit au sénat, et qu'après avoir fait semblant de se démettre de son autorité, il fut investi de toute celle qui constitue réellement le chef d'une monarchie. Dion oublie ce qu'il Idem, l. LI, a avancé précédemment que l'année de la bataille d'Actium, an- S térieure de quatre ans, devoit être comptée pour la première de cette même monarchie : mais passons-lui cet anachronisme et cette contradiction. Il ajoute qu'à cette époque, celle du septième consulat d'Octave, le sénat fit orner de lauriers la porte de sa maison au mont Palatin, et lui donna le surnom d'Auguste, pour exprimer son élévation au-dessus des autres hommes et le respect qui lui étoit dû. Ce prince auroit desiré, suivant Dion, celui de Romulus; dem, L111 mais la crainte de paroître aspirer à la royauté l'engagea à n'y plus s.17. penser : il ne prétendit donc pas faire du surnom d'Auguste le titre

(6) Διὰ τε δυν ταῦτα, καὶ ὅτι τὴν μοναρχίαν | ce dernier mot dans son acception réelle

કે

τη δημοκρατία μίζας, τό, τε ἐλεύθερον σφίσιν
ἐτήρησε, καὶ τὸ κόσμιον τό, τε ἀσφαλὲς προσπα
Pronevader, ws' "EW Mer Tou Symonpannu
θράσους, ἔξω δὲ καὶ τῶν τυραννικών ὕβρεων
ὄντας,
ἔν τε ἐλευθερία σώφρονι, καὶ ἐν μοναρχία
adres (ñv, BaorrevoμÉVOUS TE aveu douxtas,
by Innoxpatquerqueros areu dizosacías des
AUTOV Jour. Dio Cass. lib. LVI, cap. 43.
Dans l'éloge funèbre d'Auguste que Dion
met dans la bouche de Tibère, il est aussi
question du mélange de la monarchie et
de la démocratie, ibid. c. 41. En prenant

Tome XLIX.

et primitive, on ne peut nier que l'appa-
rence même de ce mélange n'ait disparu
qu'après la mort d'Auguste, lorsque Ti-
bere, au commencement de son règne,
abolit les comices et en transfera tous les
droits au sénat, Vell. Patercul. lib. II,
c. 126; Tacit. Annal. lib. 1, cap. 14. Ce
fait est très-important; Dion-Cassius mé-
rite sans doute d'être blâmé, pour avoir
négligé de le rapporter. Mais peut-être en
avoit-il parlé dans un des endroits de son
histoire que nous avons perdus.
. Z z

[ocr errors]

S. 16; Sueton.

Vit. Aug. cap.

Idem, I. LIII, de son autorité; au contraire, il le regarda comme une marque de reconnoissance qu'on lui donnoit, pour avoir remis au sénat et au peuple les pouvoirs dont il étoit investi (bb). C'est ce que nous apprenons de l'inscription d'Ancyre, qui mérite d'autant plus de foi, qu'on doit la regarder comme une copie fidèle d'un des mémoires, composés par Auguste lui-même, et dont la lecture fut faite en plein sénat, immédiatement après celle de son testament. Dans ce mémoire, gravé, suivant ses dernières volontés, sur deux colonnes de son mausolée (c); ce prince, en rendant compte de toutes ses actions, débute par se glorifier d'avoir rendu la liberté à la République, opprimée, dit-il, par l'obstination d'une faction: il cherchoit donc à écarter le soupçon, aux yeux du vulgaire, d'avoir voulu Dio Cass. donner des fers à sa patrie. Auguste n'accepta d'abord le pouvoir que pour dix ans, terme qui fut prolongé, à différentes époques, Ibid. §. 18. jusqu'à sa mort. Pourquoi Dion avance-t-il, bientôt après, que le nom de César, qui désignoit simplement son adoption, exprimoit l'hérédité de l'empire dans sa famille ? Un pareil titre ne se suppose pas aussi légèrement. Auguste ne vouloit pas même qu'on lui en prêtât le dessein; c'est pourquoi, après la grande maladie dont il fut guéri par les soins d'Antonius Musa, son médecin, il lut au sénat un premier testament, dans lequel il ne se nommoit point de successeur au gouvernement de l'État. Tel est, en substance, le récit de Dion. Du reste, les noms d'Auguste et de César ne désignèrent que dans la suite la puissance souveraine. Le premier

I. LIII, §. 16.

(bb) Ce mot d'Augustus n'avoit pas plus de valeur que celui d'Optimus, accordé dans la suite à Trajan. Dio Cass. lib. XLVIII, §. 23;= Plin. Paneg. §. 2,7 et 88. Mais ce dernier ne fit pas la même fortune.

(c) Monum. Ancyr, tab. III. Je me sers de l'édition que Chishull a donnée de ce monument. Quoiqu'elle soit la meilleure de toutes, néanmoins elle n'est pas toujours exacte, soit pour le texte (voyez Perrata in Antiq. Asiat. p. 206), soit surtout dans les supplémens, comme le montrera le commentaire historique et critique que je projette de faire sur cette espèce d'épitaphe, la plus instructive que nous ayons. Avec quelle noblesse et quelle

précision Auguste n'y parle-t-il pas de tous les événemens de sa vie ! Qu'on lise ce que les anciens historiens en ont rapporté, et qu'on étudie ensuite avec attention ce monument; on reconnoîtra mieux dans celui-ci le génie, le caractère et les vues de ce prince. Enfin plus on cherchera à éclaircir l'inscription d'Ancyre, plus on y découvrira des faits dignes de remarque. Peut-être l'a-t-on trop négligée, faute d'imaginer qu'elle pût renfernier tant de choses. Au surplus, on peut consulter sur cette inscription importante et curieuse, les observations que j'avois lues à l'Acadé mie; elles sont imprimées au tom. XLVII de ses Mémoires, dans la partie de l'histoire.

étoit donné aux princes coassociés au trône, et le second à ceux Spartian. Vit. qu'on déclaroit devoir leur succéder. L'origine de cet usage re- histor, August. Veri, in Script. monte au règne d'Hadrien et d'Ælius Verus. La qualité d'au- tom. 1, p. 223. guste devint alors inséparable de celle d'empereur, quoique placée après le nom propre des princes régnans.

pro

a

Lactant, de Mortib. persec. cap. 18, et not.

Var.

§. 18.

Bello civil. lib. II, tom. II, p. 732.

136.

Toujours partisan du despotisme, Dion ose assurer que le p. 138, edit. surnom de Père, donné encore à Auguste, lui conféroit en quelque sorte le droit, non d'exercer toute l'autorité paternelle, mais de se faire craindre et écouter; de manière, selon lui, que Dio, L. LIII, les empereurs devoient aimer leurs sujets comme leurs enfans, et ceux-ci respecter les empereurs comme leurs pères. Cette idée est le rêve d'un esclave, et jamais elle n'entra dans l'esprit d'Auguste. Auroit-il pu revendiquer un pareil droit en vertu du titre de PATER PATRIE! Ce titre étoit purement honorifique, et avoit été en usage au temps de la République : il avoit été décerné pour Appian. de la première fois à Camille, et dans la suite à Cicéron, sur la position même de Caton. Il paroît que Dion a cru que ce titre fut accordé à Auguste avec le pouvoir décennal, l'an 727 de la fondation de Rome: mais le fragment d'une ancienne inscription 4p. Grut. p. découverte à Palestrine, montre évidemment que ce prince ne Cenot. Pisan. l'accepta que long-temps après, le 5 février de l'an 752, suivant cap. 2, §. 8. la remarque du cardinal Noris et celle de Perizonius. Mécène conseille à Auguste, selon Dion, de gouverner les pag. 322. Romains sous le nom de César : Si vous desirez d'autres titres, ajoute ce favori, ils vous accorderont celui d'empereur qu'ils » avoient donné à votre père. » Celui-ci ne l'avoit pas eu pour désigner, comme auparavant, le nombre de ses victoires, ni même son autorité dans l'État ; mais il le porta, ainsi que ses successeurs comme un nom propre. Après une pareille explication de la part de Dion lui-même, on est assez étonné de le voir ensuite assurer que le nom d'empereur, pris par Dio. I. LIII, Auguste et ceux qui lui succédèrent, étoit employé pour montrer f. 17. leur pouvoir absolu, à la place des titres de roi et de dictateur. Cette contradiction ne vient que du système adopté par cet écrivain en faveur du despotisme, sans avoir égard aux faits qu'il rapporte, et à tout ce qu'il a déjà avancé. Il est certain que le mot imperator étoit un prénom honorifique, qui ne donnoit aucune

[ocr errors]

כל

[ocr errors]

Animadvers. hist. cap. 7,

« السابقةمتابعة »