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Lules 16 sept.

2 novemb. &c.

LE PREMIER FLEUVE de l'Inde,

Le GANGE, selon les Anciens, expliqué par le GANGE, selon les Modernes.

Par A. H. ANQUETIL DUPERRON.

APRÈS un cours de plus de deux mille ans, on doit s'attendre à 1785, et à la voir l'état du GANGE Occasionner, en plusieurs points, des difféséance publiq. rences entre le récit des modernes et celui des anciens. Tous les de la S. Martin 1786. grands fleuves, considérés à des époques fort éloignées, offrent les mêmes variations, produites par les mêmes causes.

Ainsi, le Delta, formé à l'embouchure du Gange, depuis Rangafoula (a) et même Baratola, situé à vingt-trois lieues environ nord et sud de la mer, peut être postérieur, au moins quant l'étendue, au premier siècle de l'ère Chrétienne : de là les différens rapports sur le nombre des bouches du Gange, lesquelles, dans les commencemens, se réduisoient à une.

par

On fera le même raisonnement sur les grandes îles qui ont disparu en se réunissant au continent, sur les nouvelles formées les sables et les terres que le Gange charie et par les portions de terre que le choc de ses eaux détache de ses bords; sur les rivières qu'il reçoit, et dont le lit peut être nouveau, avoir changé ; sur celles qui, avant des siècles nombreux, portoient leurs eaux au Gange, et qu'on ne reconnoît pas dans les rivières qui, actuellement, se réunissent à ce fleuve.

Tous ces changemens tiennent aux révolutions du globe. Le terrain sur lequel coulent les eaux du Gange, au centre de son cours, est encore agité par des volcans. On desireroit pouvoir assigner, avec quelque certitude, les époques de ces variations; mais il faut se contenter de simples à-peu-près: chez les anciens, comme chez les modernes, on rencontre rarement, sur les objets

(a) Recherches histor. et géograph. sur | l'Inde, 2. partie (1787), pag. 409-410; et Carte génér. du cours du Gange et du Gagra. Cette citation a été mise depuis

la lecture. On trouvera renfermé entre deux crochets [ ] le petit nombre d'additions que j'ai faites à ce mémoire.

même

même qui ne dépendent que des yeux, deux témoignages qui s'accordent parfaitement; les différences sont extrêmes, quand il s'agit d'observations plus ou moins difficiles, et d'évaluations de marches.

Ainsi, sans m'astreindre à expliquer absolument tout ce que les anciens ont dit du Gange, commençant par ceux qui ont écrit les premiers, je rapporterai les traits qui présentent des idées plus claires, plus positives. Les auteurs qui ont traité le sujet plus en détail, seront l'objet direct de cet ouvrage : mais je ne négligerai point les passages de ceux qui n'en ont parlé que par occasion.

Je serai même obligé, pour répandre plus de jour sur cette matière, d'embrasser, relativement aux distances, l'Inde entière, et de traverser les mers qui entourent la presqu'île.

On sera peut-être étonné que, sur ces objets, particulièrement pour le gisement général du lit du Gange, son cours, même ses embouchures, les écrivains les plus exacts de l'antiquité confirment ce que présente l'état actuel de ce fleuve, qui fait la richesse de l'Inde. C'est pourtant ce qui résulte de la discussion à laquelle je vais me livrer. Ces recherches sont divisées en quatre articles:

Le premier comprend les auteurs qui ont écrit depuis l'an 61 et même 320 avant Jésus-Christ, jusqu'à l'an 25 de l'ère Chrétienne;

Le deuxième va de l'an 44 à l'an 82 de la même ère;
Le troisième prend à l'an 45, et finit à l'an 200 environ.
L'objet du quatrième est Ptolémée, en l'an 142 de J. C.

ARTICLE I.er

DIODORE DE SICILE et STRABON, l'an 61 avant l'ère Chrétienne, et l'an 25 de cette ère.

Je commence par Strabon (l'an 25 de Jésus-Christ), qui, indépendamment des Mémoires de son temps, avoit lu et cite en critique éclairé, des ouvrages du 111. et du IV. siècle avant l'ère Chrétienne,

Crater, compagnon d'Alexandre ( 325 ans avant Jésus

Tome XLIX.

Ttt

Christ), écrivant à sa mère Aristopatre, disoit, au rapport de Strabon, que ce héros s'étoit avancé jusqu'au Gange; que Geograph. lui, Crater, avoit vu ce fleuve, et, dans son lit, une baleine, (1620), 1.xv, ou du moins un très-gros poisson, xaj xÝTη Tà ÉTO αυtw. Sur

pag. 702.

la grandeur (l'étendue ) du Gange, la largeur, la profondeur de ce fleuve, il racontoit, dit le géographe, des choses plus éloignées qu'approchantes de la vraisemblance.

On voit ici un écrivain qui ne cède pas aveuglément au récit des voyageurs les plus autorisés : «Des marchands, dit-il ailleurs, Id. pag. 686. qui naviguent dans l'Inde par le Nil et le golfe Arabique, parviennent jusqu'au Gange; et ceux-ci sont des gens sans lettres, ira, qui ne sont en rien propres à faire l'histoire des lieux, du pays, οὐδὲν πρὸς ἱςορίαν χρήσιμοι των τόπων.

»

Si le x que Crater a vu dans le Gange est une baleine, ce doit être à l'entrée; ou bien ce sera un très - grand kaiman tom. I, 1. part. [crocodile ], comme on en rencontre dans ce fleuve, à cent pag. 48, note. lieues de son embouchure.

Żend-avesta,

Carte d'Asie,

1. part. 1751.

Strabon ajoute : « On convient assez, inavíos ouμowveîtay, que le Gange est le plus grand des fleuves connus (de son temps) Relation his dans les trois parties du continent. Après lui est l'Indus; le troisinie (1728), sième et le quatrième sont l'Ister et le Nil. ».

torique d'Abys

pag. 105, 210,

et carte.

lib. 1, cap. 8,

:

L'Indus, sur la carte de M. d'Anvillea, embrasse, dans sa Hist. Ethio- plus grande étendue, presque nord et sud, 14 degrés, ou 358 pica (1681), lieues dans la carte corrigée de M. Rennell (b), le cours de n.o 19-23. Gre- l'Ister [ le Danube ], de l'ouest à l'est, est de plus de 17a [425 gorii Descript lieues, plus de 450 lieues dans les meilleures cartes, du 30. Ejusd. Ludolfi degré de longitude au 48. Selon la Relation de l'Éthiopie du ad Hist. Æthio P. Lobo, traduite dans le Recueil de Voyages de Thévenot (c), (1691); adl. 1, et par le Grand b; selon Ludoffe et la carte d'Afrique de Guil1. 59. p. 122- laume de Lisle (d), le Nil, depuis sa source, supposée près du

ibid. n.o 31-38.

pic. commentar.

123. De Lunæ

montibus et Nili

fontibus. Des- (b) Carte des pays situés entre la
criptio fontium source du Gange et la mer Caspienne;
Nili, ex P. Pay dans la Description histor. et géograph.
sio (21 april. de l'Indoustan, par Jam. Rennell, ingé-
1618). Kirkeri nieur en chef dans le Bengale, trad. de
verba, in di- l'angl. par Boucheseiche, sur la septième
po, syntagm. I, et dern. édit. (1800), atlas, n.o 6.
cap.7, pag. 57. (c) Recueil de Voy. par Thévenot,
tom. IV (1672); Relation du R. P. Jé-

C

rome Lobo, de l'empire des Abyssins,
des sources du Nil (en 1624), pag. 2;
et Carte d'Éthiopie et de l'empire des
Abyssins, autrement du Prêtre - Jan
faite sur les lieux par les PP. Manoel
d'Almeida, Alphonzo Mendez, Pero
Payz et Jeronimo Lobo, qui y ont
demeuré long-temps.
(d) Donnée en 1772.

lac Dambia, à l'ouest, jusqu'à son embouchure dans la Méditerranée, donne de 850 à 875 lieues. Mais M. d'Anville, dans son Mémoire sur les sources de ce Mém. de l'A fleuve, prouve très-bien que c'est l'Astaspus ou Abawi qui cad, des inscript sort du point que je viens d'indiquer, et non le vrai Nil, qu'il croit être le Bahar-el-Abiad ou la Rivière Blanche (e).

et belles-lettres, tom. XXVi (1753); d'Anville, Dissertat. sur les sources

prouver qu'on ne

Sur la carte de cet habile géographe, les sources de ce dernier fleuve sont au midi, par 5 degrés de latitude nord, aux mon- du Nil, pour tagnes de la Lune; et le cours du Nil est de 870 à 875 lieues: les a pas encore mais, dans son Mémoire, M. d'Anville ne veut rien assurer sur ces sources; et l'on peut dire que ce qui est actuellement connu et carte. du cours du Nil, c'est-à-dire, de la jonction de l'Abawi au Baharel-Abiad, ne va pas à 700 lieues.

découvertes, pag. 46,56,62-63,

du Mém., note

Le Gange, depuis sa source connue, sa source connue, Gangotri, mesuré Voy. à la fin librement, offre un cours de 700 lieues, descendant de A

(e) Loc. cit. p. 59. [On n'opposera pas | 1792). Ce voyageur n'a connu, n'a à M. d'Anville l'autorité de M. Bruce visité, que les sources du Nil, décou(Voyage en Nubie et en Abyssinie, vertes et décrites 150 ans avant lui entrepris pour découvrir les sources du par les missionnaires Jésuites Payz et Nil, pendant les années 1768 1773, Lobo, et données depuis par Bernier, par M.James Bruce; traduit de l'anglois en 1663 *, quoiqu'il se vante par - tout par Castera. Paris, 5 vol. in-4.° (1790-1 d'être le premier, le seul Européen à

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* [On ne sera pas fâché de trouver ici ce que dit à ce sujet ce voyageur homme de lettres. Voici ses paroles (Voyag. tom. II (1712), pag. 343-344):

"

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J'ai déjà dit ailleurs que dans le temps que les deux ambassadeurs d'Éthiopie étoient

à Dehli, mon aga Danechmend-Khan, qui est extraordinairement curieux, les faisoit » souvent venir chez lui en ma présence, pour s'instruire de l'état et du gouvernement de » leur pays, et qu'un jour entre autres nous les fîmes parler de la source du Nil, qu'ils appellent Ababile, dont ils nous parloient comme d'une chose si connue, que per» sonne n'en doutoit, vu même qu'un des ambassadeurs, et un Mogol qui étoit retourné d'Éthiopie avec lui, y avoient été. Ils nous disoient qu'il a son origine dans le pays des » Agaux, et qu'il sort de terre par deux grosses sources bouillonnantes proches l'une de l'autre, » qui forment un petit lac d'environ 30 ou 40 pas de long; qu'au sortir de ce lac il est déjà » une rivière raisonnable, et que, d'espace en espace, il reçoit des rivières qui le grossissent. » Ils ajoutoient qu'il s'en va tournant et formant une grande péninsule; et qu'après être » tombé de plusieurs rochers escarpés, il se jette dans un grand lac qui n'est qu'à 4 ou 5 journées de sa source, dans le pays de Dambia, à trois petites journées de Gondar, ville capitale d'Éthiopie; qu'après avoir traversé ce lac, il en sort chargé de toutes les eaux qui y

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» tombent, s'en va passer par Sonnar, ville principale du roi des Funges ou Barberis, tri

» butaires du roi d'Ethiopie, pour se jeter de là au travers des Catadupes, et entrer dans » les plaines de Messer, qui est l'Egypte...

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(Pag. 345.) Ce qui m'étonnoit fort, ajoute plus bas Bernier, parce que, selon leur dire,

» la source du Nil devoit être bien en-deçà de la Ligne, au lieu que toutes nos cartes, avec » Ptolémée, la mettent beaucoup au-delà, » ]

toriq. c. sur

Recherch. his- l'ouest au sud-est, jusqu'à sa dernière embouchure à Scha'Inde, 2. part. tigan, que je crois la plus ancienne, parce qu'elle est la moins pag.280 &c. et directe.

carte.

Loc. cit.

Strab. Geogr. pag. 819.

787.

Ce Strabon avance est donc exact quant au Gange comque paré avec le Nil, si l'on considère ce dernier fleuve dans son état connu actuellement; il l'est encore davantage, en remontant au temps de Strabon. Alors le Nil, la source supposée près d'Éléphantine et de Syène, au sud, par 24d de latitude nord, n'avoit qu'environ 180 lieues, 200 à 220 avec les détours. Id. pag. 786, Si l'on place cette source au - dessous de Méroé et du confluent de l'Astaspus, par 15 ou 16d, le cours de ce fleuve donnera 530 à 540 lieues. D'un autre côté, le Danube, chez Id. lib. VII, les anciens, ne commence à porter le nom d'Ister que vers Taurunum, par 38d de longitude est. Son cours, par la réduction qui résulte de cette observation, est de 250 fieues, mais plus étendu que celui du Nil, pris de Syène et même au - dessous; et moindre que le cours de l'Indus, que nous verrons plus bas de 328 lieues dans Strabon.

pag. 305.

Strab. Geogr.

pag. 702.

Cette comparaison du Gange avec les trois fleuves précédens, nous prépare à un cours d'une très-grande étendue cette étendue est confirmée par le témoignage des modernes, même par les écrivains, les voyageurs, qui prétendent déterminer où ce fleuve prend sa source.

Pour les détails, continue Strabon, les récits sont différens.

qui il ait été donné de pénétrer jusqu'aux
vraies sources de ce fleuve.

Selon lui, la latitude exacte de la prin-
cipale source du Nil est de 10 degrés
59 min. 25 sec. nord; la longitude, prise
de Greenwich, de 36 deg. 55 min. 30 sec.
est (36d 46' 20" de l'observat. de Paris).
Ces sources sont plus de deux milles au-
dessus du niveau de la mer. (Voy. t. III,
pag. 752, 753.) Dans la carte des Jé-
suites, les mêmes sources du Nil sont à
12 deg. environ de latitude septentrio-
nale; et cette détermination, jusqu'à
M. Bruce, a été suivie par tous les géo-
graphes, par tous les écrivains.

Comme ce voyageur étoit muni de bons

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instrumens, et qu'il paroît s'être particulièrement appliqué aux observations astronomiques, on peut s'en tenir à sa latitude, qui descend d'un degré dans le sud les sources de l'Abawi, son prétendu Nil.

C'est le seul mérite qui puisse faire rechercher son volumineux ouvrage, prodigieusement grossi par les hors-d'œuvres, et qui a paru d'abord en françois, dix-huit ans après le retour de l'auteur.

On lui a encore obligation d'une suite de positions importantes, fixées par l'observation, depuis le 11. degré nord jusqu'au 24., qui est la latitude de Syène. Voyag. tom. III, pag. 623.]

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