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prince lui fit donner une pièce de monnaie d'argent de la valeur d'environ trois sous. Mais il n'en fut pas content, et il dit: << Quoi! d'un si grand trésor il ne me revient que << cette petite portion? » Schahroch le renvoya, et lui <<< dit : Retire-toi, et ne parle à personne de ce que je << t'ai donné ; ma portion ne seroit pas si considérable, <«< si tous nos autres frères me demandoient la leur. » 6. Socrate voyant qu'Alcibiade, son disciple, n'osoit se produire en public, et que sa timidité l'empêchoit de parler devant le peuple, l'encouragea par cette induction : « Vous ne trouvez pas qu'un cordonnier soit un << homme bien propre à imposer du respect?-Non.« Un crieur public, un charpentier, ne sont pas des Un boucher, un << gens bien redoutables? - Non. << maçon, enfin, tous ces artisans sans lettres qui se << trouvent dans les assemblées, ne sont guère capables de nous déconcerter? Non. Eh bien! voilà les <«< gens qui composent le peuple d'Athènes. Vous les << méprisez chacun en particulier; pourquoi donc les «< craignez-vous quand ils sont rassemblés ? »

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Un homme se plaignoit de la fatigue d'un long voyage qu'il avoit fait à pied. Socrate lui demanda : « Votre Oui. esclave a-t-il pu vous suivre? Portoit-il << quelque chose? --- Il étoit chargé d'un gros paquet. Se plaint-il de la fatigue? --Non; je l'ai en«< voyé, en arrivant, faire une commission dans la Vous avez sur votre esclave les avantages << ville. de la fortune il a sur vous ceux de la nature; vous <«< êtes riche et libre, mais foible, mou et languissant : << il est pauvre et esclave, mais sain, robuste et vigou<< reux. Décidez lequel est le plus heureux. »>

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RECONNOISSANCE.

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1.SYLOSON, frère de Polycrate, tyran de Samos avoit fait autrefois présent à Darius, fils d'Hystaspes d'un habit de couleur rouge, dont celui-ci témoignoit avoir beaucoup d'envie, et n'avoit jamais voulu recevoir le prix. Darius étoit pour lors un simple particulier,

officier dans les gardes de Cambyse, qu'il avoit suivi à Memphis en Egypte. Quand il fut monté sur le trône, Syloson alla à Suze, se présenta à la porte du palais, et se fit annoncer comme un Grec à qui le roi avoit obligation. Darius, surpris de cette annonce, et curieux d'en approfondir la vérité, le fit entrer. Le monarque reconnut en effet que c'étoit son bienfaiteur; et loin de rougir d'une aventure qui paroissoit ne lui être pas fort honorable, il loua avec admiration une générosité qui n'avoit eu d'autre motif que celui de faire plaisir à un homme de qu'il n'avoit rien à attendre, et lui promit de lui donner beaucoup d'or et d'argent. Ce n'étoit point ce que Syloson désiroit; l'amour de la patrie étoit sa passion. Il supplia le roi de l'y rétablir, mais sans répandre le sang des citoyens, et en chassant seulement de Samos celui qui en avoit usurpé la domination depuis la mort de son frère. Darius chargea de cette expedition Otane, l'un de premiers seigneurs de sa cour, qui s'en acquitta avec joie et avec succès.

2. Athènes ayant recouvré sa liberté par la prudence et le courage d'Harmodius et d'Aristogiton, tous les citoyens s'empressèrent de témoigner leur vive reconnoissance à ces généreux libérateurs. On leur érigea sur-lechamp des statues dans la place publique; honneur qui jusques-là n'avoit encore été rendu à personne. Ayant appris, plusieurs années après,que la petite-fille d'Aristogiton étoit à Lemnos, où elle vivoit dans un état malheureux, sans pouvoir se marier, à cause de son extrême misère, ils la firent venir à Athènes; et lui donnant pour époux un des plus riches citoyens de la ville, ils lui assignèrent pour dot une terre dans le bourg de Potamos.

3. La gloire qu'on a donnée aux Egyptiens d'être les plus reconnoissans de tous les hommes, fait voir qu'ils étoient les plus sociables. Les bienfaits sont le lien de la concorde publique et particulière. Qui reconnoît les graces, aime à en faire ; et en bannissant l'ingratitude, le plaisir de faire du bien demeure si pur, qu'il n'y a plus moyen d'y être insensible. C'étoit sur-tont à l'égard de leurs rois que les Egyptiens se piquoient de retour. Ils les honoroient,pendant leur vie, comme les images vivantes

de la divinité; ils les pleuroient, après leur mort comme les pères communs des peuples. Le deuil étoit général; et chaque citoyen ressentoit la perte publique aussi vivement que si elle n'eût touché que lui seul. 4. Les Carthaginois étoient une colonie de Tyriens. Jamais ils n'oublièrent leur origine; et leur reconnoissance pour leur ancienne patrie fut toujours à l'épreuve des caprices de la fortune. Tous les ans, ils envoyoient réguliérement à Tyr un vaisseau chargé de présens. C'étoit comme un tribut de gratitude qu'ils payoient à leurs compatriotes : ils faisoient offrir un sacrifice annuel aux dieux tutélaires du pays, qu'ils regardoient aussi comme leurs protecteurs. Ils ne manquoient jamais d'y porter les prémices de leurs revenus aussi-bien que la dîme des dépouilles et du butin qu'ils faisoient sur les ennemis, pour les offrir à Hercule une des principales divinités de Tyr et de Carthage. Lorsque Tyr fut assiégée par Alexandre, les Tyriens pour mettre en sureté ce qu'ils avoient de plus cher,envoyèrent à Carthage leurs femmes et leurs enfans, qui y furent reçus et entretenus, quoique dans le temps d'une guerre fort pressante, avec une bonté, une générosité telles qu'on auroit pu les attendre des pères et des mères les plus sensibles et les plus opulens. Ces marques constantes d'une vive et sincère reconnoissance, ne fontelles pas plus d'honneur à une nation que les plus grandes conquêtes, que les plus glorieuses victoires?

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5. Jusques dans les plus petites choses, le peuple d'Athènes faisoit éclater cette vive reconnoissance qui constituoit son caractère. Après avoir achevé le temple qu'on nommoit Hécatonpédon, ils renvoyèrent libres toutes les bêtes de charge qui avoient fourni à ce travail, et leur assignèrent de gros pâturages comme à des animaux consacrés. On dit qu'une de ces bêtes étant allée d'elle-même se présenter au travail, se mettre à la tête de celles qui trainoientdescharrettes à la citadelle, marcher devant elles, comme pour les exhorter et pour les encourager, ils ordonnèrent par un décret qu'elle seroit nourrie, jusqu'à sa mort, aux dépens du public. 6. Quand Auguste vitque sa puissance étoit affermie

sur des fondemens inébranlables, il ne s'occupa plus que du soin de rendre les mortels heureux, et de faire oublier le barbare auteur des proscriptions. Aussi jamais prince ne reçut plus de marques de tendresse et de vénération de la part de ses sujets. Les chevaliers romains, de leur propre mouvement, célébroient tous les ans son jour natal, par une fête qui duroit deux jours. Tous les ordres, chaque année, à un certain jour, en vertu d'un vou fait pour sa conservation, alloient jeter leurs offrandes dans le lac Curtius. Sor palais ayant été brûlé, les vétérans, les compagnies de juges ou de greffiers, les tribuns, et même les particuliers s'empressèrent de lui apporter de l'argent pour aider à le rebâtir; et lui, content de leur bonne volonté, et souhaitant de leur faire connoître qu'il y étoit sensible, sans néanmoins leur être à charge, portoit la main sur chaque tas, el en prenoit comme les prémices, n'allant point au delà d'un dernier. Des pères de famille ordonnoient, par leur testament, qu'on les portât après leur mort au Capitole, et qu'on y offrit en leur nom des sacrifices d'actions de graces pour acquitter le vœu qu'ils avoient fait, si, en mourant, ils laissoient Auguste plein de vie. Plusieurs villes changèrent en son honneur le commencement de leur année, et en comptèrent pour premier jour celui où il les avoit visitées : les rois alliés de l'empire fondèrent, pour la plupart, dans leurs états, des villes qu'ils appelèrent Césarée. Enfin, dans les provinces, outre les temples et les autels que l'on dressoit à ce prince chéri, tous les cinq ans on établissoit des jeux pour célébrer la gloire de son nom. 7.Furnius,noble romain, avoit suivi le partid'Antoine. La victoire s'étant déclarée pour Auguste, Furnius,qui craignoit le ressentiment du vainqueur, envoya son fils demander sa grace, et l'obtint. Touché de la clémence du dictateur, il osa se présenter alors à ses yeux, et lui fit ceremercîment: « César,je n'ai jamais reçu de vous que << des bienfaits ; et le seul mal que vous m'ayez jamais << fait, c'est de me forcer à vivre et à mourir ingrat. » 8. Alexandre-le-Grand avoit eu pour maître le célèbre Aristote. Après la mort de ce philosophe,on lui demanda lequel il regrettoit le plus, de son père ou de son pré

cepteur?» Le dernier, répondit-il; mon père m'a don<< né la vie, mais Aristote m'a appris à en user. >>

9. M. Viviani, savant géomètre de Florence, étoit reconnoissant au souverain degré. Il est vrai que le caractère général de sa nation peut lui dérober une partie de cette gloire. Les Italiens conservent le souvenir des bienfaits; et, pour tout dire aussi, celui des offenses, plus profondément que d'autres peuples, qui ne sont guère susceptibles que d'impressions plus légères. Mais la reconnoissance que M. Viviani a fait éclater en toutes occasions pour tous ses bienfaiteurs, a été regardée comme extraordinaire, et s'est attiré de l'admiration, même en Italie. Il avoit reçu les leçons de Galilée, durant les trois dernières années de la vie de ce grand homme; et, malgré l'extrême disproportion d'àge, il conçut pour ce savant vieillard une tendresse vive et une espèce de passion. Par-tout il se nommoit le disciple, et le dernier disciple du grand Galilée ; jamais il ne mettoit son nom à un titre d'ouvrage sans l'accompagner de cette qualité ; jamais il ne manquoit une occasion de parler de Galilée; et quelquefois même, ce qui fait encore mieux l'éloge de son cœur, il en parloit sans beaucoup de nécessité ; jamais il ne prononçoit le nom de Galilée, sans lui rendre un hommage; et l'on sentoit bien que ce n'étoit point pour s'associer, en quelque sorte, au mérite de ce grand homme, et en faire rejaillir une partie sur lui: il est aisé de distinguer le style de la tendresse d'avec celui de la vanité. Louis XIV l'avoit honoré d'une pension considérable, et l'avoit mis au nombre des huit associés étrangers de l'académie des sciences. Avec la pension du monarque, il acheta une maison à Florence; il la fit rebâtir sur un dessin très-agréable, et aussi magnifique qu'il pouvoit convenir à un particulier. Au frontispice de cette maison, il mit cette inscription: Edes à deo dato ; allusion heureuse, et au nom de Dieu-donné qu'avoit d'abord porté le roi, et à la manière dont elle avoit été acquise. Une reconnoissance ingénieuse, et difficile à contenter, n'a pu rien imaginer de plus nouveau et de plus noble qu'un pareil monument. M. Viviani, si digne, par son sayoir

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