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insulté rougirent, et voulurent se retirer; mais il les retint avec bonté, et leur dit que, s'ils vouloient s'arranger, il y auroit place pour tous.

2. Le fameux Scipion l'Africain fut moins admirable encore par sa valeur et par ses victoires, que par ses qualités sociales, par son humanité, par sa douceur. La conduite qu'il tint en Espagne, nous offre plusieurs traits héroïques de bonté et de clémence. Après s'être emparé de la ville de Carthagène, il fit assembler les prisonniers qui étoient au nombre de près de dix mille. İl ordonna qu'on en fit deux classes: une des gens distingués et des bourgeois de Carthagène, de leurs femmes et de leurs enfans; l'autre, des artisans. Après avoir exhorté les premiers à s'attacher aux Romains, et à ne jamais perdre le souvenir de la grace qu'il alloit leur accorder, il les renvoya chacun chez eux. Ils se prosternèrent devant lui, et se retirèrent en versant de larmes de joie. Pour les artisans, il leur dit qu'ils étoient maintenant esclaves du peuple ro

main, mais que, s'ils s'affectionnoient à la république, et lui rendoient, chacun selon sa profession, les services qu'ils doivent, ils pouvoient compter qu'on les mettroit en liberté, dès que la guerre contre les Carthaginois seroit heureusement terminée. Il mit ensuite à part Magon, noble Carthaginois, qui commandoit dans Carthagène, et quelques autres des plus distingués de sa nation. Il en confia la garde à Lélius son lieutenant, lui recommandant d'avoir pour eux tous les égards possibles. Puis, s'étant fait amener tous les otages des Espagnols, qui étoient au nombre de plus de trois cent, il commença par flatter et caresser les enfans les uns après les autres, leur promettant, pour les consoler que dans peu ils reverroient leurs parens; il exhorta les autres à ne pas se laisser abattre à la douleur. Il leur représenta qu'ils étoient sous la puissance d'un peuple qui aimoit mieux gagner les hommes par les bienfaits, que de les assujettir par la crainte. Après cela, ayant choisi, entre les dépouilles, celles qui convenoient le mieux à son dessein, il en fit des présens à chacun, selon son sexe et son âge. Il donna

aux petites filles des jeux d'enfans et des bracelets; aux jeunes garcons, des couteaux et de petites épées. Un vainqueur qui s'abaisse jusqu'à ces petits soins n'en devient que plus grand.

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3. Jamais prince ne fut plus propre que Théodose-leGrand à régner sur les esprits, à la faveur de ce doux empire que la vertu sait s'établir dans les cœurs. La douceur de ses regards, celle de sa voix, la sérénité qui brilloit sur son visage, tempéroient en lui l'autorité souveraine. Grand observateur des lois, il savoit cependant en adoucir la rigueur. Dans les trois pre→ mières années de son règne, il ne condamna personne à la mort. Il ne fit usage de son pouvoir que pour rappeler les exilés, faire grace aux coupables dont l'impunité ne tiroit pas à conséquence; relever, par ses libéralités, les familles ruinées; remettre ce qui restoit à payer des anciennes impositions. Il ne punissoit pas les enfans des fautes de leur père par la confis→ cation de leurs biens; mais il ne pardonnoit pas les fautes qui tendoient à frustrer le prince des contributions légitimes; également attentif à arrêter deux excès, d'enrichir son trésor par des exactions odieuses, et de le laisser appauvrir par négligence. Ses sujets le regardoient comme leur père : ils entroient avec confiance dans son palais, comme dans un asile sacré. Ses ennemis même, qui auparavant, ne se fiant pas aux traités, ne se croyoient point en sureté à la table des empereurs, venoient sans défiance se jeter entre ses bras ; et ceux qu'on n'avoit pu vaincre par les armes, se rendoient volontairement à sa bonne foi.

1.

SOCIÉTÉ.

TOUTE action devient presque toujours légitime et même vertueuse, quand il s'agit de l'intérêt public. C'est ce principe qui, chez les Arabes, a conservé cet exemple de sévérité d'un gouverneur de Basra, nommé Ziad. Ce gouverneur, après avoir inutilement tenté de purger la ville des assassins qui l'infestoient, se vit

contraint de décerner la peine de mort contre tout homme qui se trouveroit la nuit dans les rues. L'on y arrêta un étranger; il fut conduit devant le tribunal du gouverneur, dont il essaya de fléchir la clémence par ses prières et par ses larmes : « Malheureux étranger, <«< lui dit Ziad, je dois te paroître bien injuste en pu« nissant une contravention à des ordres que sans << doute tu ignorois ; mais le salut de Basra dépend de << ta mort je pleure et je te condamne. »

2. Le bien public, l'ordre, ou plutôt tous les différens établissemens particuliers d'ordre que la société demande, toujours sacrifiés sans scrupule, et même violés par une mauvaise gloire, étoient pour M. des Billettes, savant académicien, des objets d'une passion vive et délicate. Il la portoit à tel point, et en même temps cette sorte de passion est si rare, qu'il est peut-être dangereux de dire à sa mémoire, que, quand il passoit sur les marches du Pont-Neuf, il en prenoit les bouts qui étoient moins usés, afin que le milieu, qui l'est toujours davantage, ne devînt pas trop tôt un glacis. Mais une si petite attention s'enoblissoit par son principe;et combien ne seroit-il pas à souhaiter que le bien public fût toujours aimé avec autant de superstition? Personne n'a jamais mieux su soulager et les besoins d'autrui, et la honte de les avouer. Il disoit que ceux dont on refusoit le secours avoient eu l'art de s'attirer ce refus, ou n'avoient pas eu l'art de le prévenir, et qu'ils étoient coupables d'être refusés. Voyez AMOUR DU PROCHAIN.

1.

SYMPATHIE.

ལ་་་་་་་

M.VARIGNON, durant le cours de ses premières étu

des, alloit souvent disputer à des thèses dans les classes de philosophie; et il brilloit fort par sa qualité de bon argumentateur, à laquelle concouroient et le caractère de son esprit, et sa constitution corporelle; beaucoup de force et de netteté de raisonnement d'un côté, et de l'autre une excellente poitrine et une voix éclatante.Ce

fut alors que M. l'abbé de St.-Pierre, qui étudioit en philosophe dans le même collège, le connut. Un goût commun pour les choses de raisonnement, soit physiques, soit métaphysiques, et des disputes continuelles furent le lien de leur amitié. Ils avoient besoin l'un l'autre pour approfondir, et pour s'assurer que tout étoit vu dans un sujet. Leurs caractères différens faisoient un assortissement complet et heureux; l'un par une certaine vigueur d'idées, par une vivacité fécondé, par une fougue de raison; l'autre par une analyse subtile, par une précision scrupuleuse, par une sage et ingénieuse lenteur à discuter tout. M. l'abbé de St.-Pierre, pour jouir plus à son aise de M. Varignon, lelogea avec lui; et enfin, toujours plus touché de son mérite, il résolut de lui faire une fortune qui le mît en état de suivre pleinement ses talens et son génie. Cependant cet abbé, cadet de Normandie, n'avoit que dix-huit cents livres de rente; il en détacha trois cents, qu'il donna par contrat à M. Varignon. Ce peu, qui étoit beaucoup par rapport au bien du donateur, étoit beaucoup aussi par rapport aux besoins et aux désirs du donataire. L'un se trouva riche, et l'autre encore plus riche d'avoir enrichi son ami. Ils vinrent à Paris, qu'ils regardoient comme le meilleur séjour pour des philosophes raisonnables. Ils s'établirent dans une petite maison du faubourg Saint-Jacques: là ils se livroient tous deux à l'étude la plus profonde. <«< J'étois leur compatriote, et j'allois les voir assez << souvent, dit M. de Fontenelle, et quelquefois j'al<< lois passer deux ou trois jours avec eux. Il Il y y avoit << encore de la place pour un survenant, et même << pour un second, sorti de la même province, au« jourd'hui l'un des principaux membres de l'acadé<< mie de belles-lettres, et fameux par les histoires << qui ont paru de lui. Nous nous rassemblions avec << une extrême plaisir, jeunes, pleins de la première << ardeur de savoir, fort unis, et, ce que nous ne << comptions peut-être pas alors pour un assez grand <«< bien, peu connus. Nous parlions à nous quatre une << bonne partie de différentes langues de l'empire des

<< lettres; et tous les sujets de cette petite société se « sont dispersés de là dans toutes les académies. »

2. M. de Montmort, célèbre géomètre, avoit approfondi la théorie des jeux de hasard. M.Nicolas Bernouilli avoit appliqué la même théorie à quelques questions de droit, qu'il assujettissoit aux principes austères du calcul. Cette conformité de goûts et d'études fit naître entre ces deux savans l'amitié et l'émulation. M. Bernouilli vint à Paris, et M. de Montmort l'emmena chez lui à sa campagne, où ils passèrent trois mois dans un combat continuel de problêmes dignes des plus grands géomètres. Il s'agissoit d'estimer les hasards, de régler les paris, de calculer ce qui se déroboit le plus au calcul. Leurs journées passoient comme des momens, grace à ces plaisirs, qui ne sont pourtant pas compris dans ce qu'on appelle ordinairement les plaisirs.

5. Jamais prince n'a éprouvé plus amèrement l'ingratitude et l'inconstance du peuple que Henri IV, quoiqu'il ne désirât que son soulagement et son bonheur. La plus grande partie de ses sujets le regardoient comme un tyran, parce qu'il étoit hérétique. Lorsqu'il fit abjuration dans l'église de l'abbaye de Saint-Denis, entre les mains de l'archevêque de Bourges, une nombreuse populace s'y rendit en foule pour voir un roi dont on lui avoit dit tant de mal, et dont elle s'étoit formée des idées si désavantageuses. On vit alors un de ces effets merveilleux de cette force sympathique qui attire, qui unit les cœurs. Son air noble, libre et guerrier, joint à cette aimable douceur, à cette gaieté vive et charmante qui l'accompagnoient toujours, frappèrent tous les esprits, et firent éclore tout-à-coup l'affection publique. Elle alla au point qu'une vieille femme, hors d'elle-même à la vue de ce grand prince, fendit la presse, écarta tous les obstacles, courut à lui, et, lui saisissant la tête, l'embrassa plusieurs fois avec transport. Tous les spectateurs en eussent voulu faire autant. Le peuple désabusé répandoit des larmes de joie, et formoit des voeux pour la prospérité d'un monarque dont tous les traits, toutes les manières, toutes les démarches étoient, pour ainsi dire, frappés

au

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