صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

ment, ne lui fissent de la peine. «Allez, lui dit cette < princesse, travaillez en paix, et faites tant de honte << aux vices, qu'il ne reste que la vertu en France. »

9. Les cruautés de Néron l'ayant rendu odieux à tous les ordres de l'état, plusieurs sénateurs conjurèrent contre lui, et résolurent de donner l'empire à Pison, le citoyen le plus illustre de son temps, par sa noblesse et par l'intégrité de ses mœurs ; mais la sublime vertu de ce grand homme fut cause de sa perte et de celle de tous les conjurés. Il avoit une maison de campagne où Néron alloit souvent se divertir, sans gardes, et presque sans suite. Les conjurés avoient résolu de le tuer dans cette maison, ce qui n'étoit point difficile. Mais Pison n'y voulut jamais consentir; et l'espérance de la souveraine autorité ne put jamais le faire écarter des principes de la vertu sévère. Il dit que ce seroit vio ler l'hospitalité, que de laisser assassiner dans sa maison un homme qui y venoit avec confiance. Quelque temps après, la conjuration fut découverte ; le vertueux, le généreux Pison fut mis à mort avec tous ceux qui avoient voulu couronner son grand mérite. 10. Le tyran Maxime, par une feinte douceur, avoit presque fait oublier ses crimes ; et le zèle qu'il affectoit pour la religion catholique, lui procuroit une foule de panégyristes.Les évêques même se rendoient de toutes parts à sa cour; et, selon un auteur ecclésiastique de ce temps-là, ils prostituoient leur dignité à la plus honteuse adulation. S. Martin, alors évêque de Tours, fut le seul qui soutînt l'honneur du ministère apostolique; et ce prélat fit voir quel est l'empire de la vertu. Il vint demander grace pour les proscrits; mais il la demanda sans s'avilir, et d'un ton qui en imposoit au tyran même. Son extérieur n'étoit rien moins qu'avantageux ; il n'avoit de grand que son ame et son caractère. Maxime l'ayant plusieurs fois invité, avec instance, à manger à sa table, il avoit toujours répondu qu'il ne se croyoit pas permis de s'asseoir à la table d'un homme, qui rebelle à deux souverains, avoit ôté à l'un la vie, à l'autre la moitié de ses états. Il se rendit cependant aux pressantes sollicitations de Maxime, qui en parut ravi de joie, et qui invita, comme pour

une fête solennelle, les personnages les plus distingués de sa cour. Martin s'assit à côté du prince: un prêtre de l'église de Tours, dont il se faisoit toujours accompagner, fut placé entre Marcelin, frère du tyran, et son oncle. Lorsque le repas fut commencé, l'échanson ayant présenté à boire à Maxime, celui-ci donna la coupe à S. Martin, voulant qu'il en bût le premier, et la recevoir ensuite de sa main. Mais l'évêque, après avoir trempé ses lèvres, fit porter la coupe à son prêtre, comme à celui qui méritoit la préférence d'honneur sur tous les convives. Cette liberté, qui trouveroit aujourd'hui peu d'approbateurs, fut admirée de toute la cour: on louoit hautement Martin d'avoir fait à l'égard de l'empereur, ce que tout autre évêque n'auroit osé faire à la table du dernier des magistrats. Maxime lui fit présent d'un vase de porphyre, que le prélat consaà l'usage de son église. Le tyran le mandoit souvent à sa cour: il le traitoit avec honneur; et, soit par hypocrisie, soit par les accès passagers d'une piété superficielle et inconséquente, il aimoit à s'entretenir avec lui des matières de religion. Mais la femme de Maxime dont le nom n'est pas venu jusqu'à nous, avoit pour le saint évêque une vénération plus profonde et plus sincère.Elle l'écoutoit avec docilité : elle lui rendoit les devoirs les plus humbles et les plus assidus ; et, comme la piété prend quelquefois une forme singulière dans les femmes de la cour, elle voulut un jour, avec la permission de son mari, le servir à table.Elle apprêta elle-même les viandes: elle lui donna à laver, lui servit à boire, se tint debout derrière lui, et recueillit avec respect les restes de son repas. S. Martin y consentit avec peine, enfaveur de quelques prisonniers dont il sollicitoit l'élargissement.

cra

11. La véritable vertu ennoblit tout, et ne dédaigne que les fonctions qui pourroient altérer son éclat. Č ́étoit ainsi que pensoit le fameux maréchal Fabert. Il croyoit qu'à la guerre il n'y avoit aucune fonction avilissante. Quelques officiers du régiment des GardesFrancaises trouvèrent mauvais que ce grand capitaine, au siége de Bapaume, s'occupât indifféremment des sapes, des mines, de l'artillerie, des machines, des ponts, et des autres trayaux le plus pénibles; ils chargèrent

même un de ses amis de lui représenter qu'il avilissoit sa dignité de capitaine aux Gardes, et d'officier général. « Je suis très-obligé à mes camarades du soin qu'ils prennent de mon honneur, répondit Fabert. Je voudrois cependant leur demander si le bien que m'a fait le roi, est une raison de diminuer le zèle que j'ai toujours eu pour son service? C'est la conduite que l'on me reproche, qui m'a élevé aux grades dont je suis honoré. Je servirai toujours de même, quand ce ne seroit que par reconnoissance. Mais j'ose me flatter que ces travaux, que l'on trouve humilians, me conduiront aux honneurs militaires les plus élevés. Tout bien considéré, le conseil de ces messieurs n'est bon que pour ceux qui veulent vieillir dans le régiment des Gardes. Pour moi, je leur déclare que je n'ai aucune envie d'y rester: bientôt je leur en donnerai des preuves. La nuit prochaine, je ferai la descente du fossé; et, sans avoir égard à la dignité de mes grades, j'attacherai le mineur, je travaillerai moi-même à la galerie, à la chambre de la mine, es j'y mettrai le feu si la garnison refuse de se rendre. » Le cardinal Mazarin lui proposoit de lui servir d'espion dans l'armée. « Un grand ministre comme vous, lui répondit-il, doit avoir toutes sortes de gens à son service: les uns doivent le servir par leurs bras, les autres par leurs rapports: trouvez bon que je sois dans la classe des premiers. » Les habitans de Sedan, dont il étoit le gouverneur, essayèrent, à plusieurs reprises, .de lui faire accepter quelques foibles marques de leur reconnoissance toutes leurs tentatives furent inutiles. Un voyage qu'il fit à la cour leur fit hasarder d'offrir à sa femme une belle tenture de tapisserie, qu'ils avoient fait venir de Flandres. Le présent étoit du goût de madamede Fabert; mais elle le refusa pour ne pas déplaire à son mari. Quelque temps après son retour, Fabert apprend que ce meuble est à vendre, et qu'on n'en trouve pas le prix qu'il a coûté. Le maréchal, qui ne veut pas être l'occasion d'une perte pour le magistrat, lui envoie l'argent qu'il a déboursé, et pour l'achat de la tapisserie, et pour les frais du transport. Deux jours après, il la fait vendre, et ordonne que le produit soit

employé aux fortifications. Les troupes de l'empereur ayant pénétré en Champagne, manquèrent de vivres. Les généraux français les ayant obligés de se retirer, elles tuèrent, dans leur retraite, tous ceux qui leur en refusèrent. Fabert, qui les poursuivoit, entra dans leur camp abandonné et couvert d'officiers et de soldats autrichiens blessés et mourans. Un français, qui avoit l'ame féroce, dit tout haut: « Il faut achever ces mal<< heureux qui ont massacré nos camarades. - Voilà « le conseil d'un barbare, reprit Fabert; cherchons << une vengeance plus noble et plus digne de notre << nation. » Aussitôt il fit distribuer à ceux qui purent prendre une nourriture solide, le peu de provisions que son détachement avoit apportées. Les malades furent ensuite transportés à Mézières, où, après quelques jours de soins, la plupart recouvrèrent la santé. Ils s'attachèrent presque tous au service de la puissance qui, contre toute espérance, les traita si généreusement. Tel est le triomphe de la vertu.

12. Les Sidoniens s'étant soumis à Alexandre-leGrand, ce prince chargea Ephestion de leur donner pour roi celui d'entre eux qu'il jugeroit le plus digne d'une si haute fortune. Ce favori était logé chez deux jeunes frères des plus considérables du pays, auxquels il offrit le sceptre; mais ils le refusèrent, apportant pour raison que, par les lois de l'Etat, nul ne pouvoit monter sur le trône qu'il ne fût du sang royal. Ephestion admirant cette grandeur d'ame, qui méprisoit ce que les autres cherchent par le fer et par le feu: Continuez, leur dit<< il, de penser ainsi, vous qui les premiers avez com<< pris combien il est plus glorieux de refuser un royaume « que dele posséder. Mais, au moins, donnez-moi quel« qu'un de la race royale, qui se souvienne, quand il << sera roi, que vous lui avez mis la couronne sur la tête.»>> Ces deux frères, voyant que plusieurs, dévorés d'ambition, aspiroient à ce haut rang, et que, pour y par venir, ils faisoient servilement la cour aux favoris d'Alexandre, déclarèrent qu'ils ne connoissoient personne plus digne du diadème, qu'un certain Abdolonyme, descendu, quoique de loin, de la tige royale

[ocr errors]
[ocr errors]

mais si pauvre, qu'il étoit contraint, pour vivre, de cultiver , par un travail journalier, un jardin hors de la ville. Sa probité l'avoit réduit, comme bien d'autres, à cette pauvreté. Uniquement occupé de son travail, il n'entendoit point le bruit des armes, qui avoit ébranlé toute l'Asie. Les deux frères aussitôt l'étant allé chercher avec les habits royaux, le trouvèrent qui arrachoit les mauvaises herbes de son jardin. Ils le saluent roi ; et l'un d'eux portant la parole: « Il s'agit, lui dit-il, << de changer ces vieux haillons avec l'habit que je vous << apporte. Quittez cet extérieur vil et bas dans lequel « vous avez vieilli : prenez un cœur de roi ; mais por« tez et conservez sur le trône cette vertu qui vous << en a rendu digne; et quand vous y serez monté << devenu le souverain arbitre de le vie et de la mort <<< de tous vos concitoyens, gardez-vous d'oublier «<l'état dans lequel, ou plutôt pour lequel vous avez « été choisi. » Il sembloit à Abdolonyme que c'étoit un songe; et, ne comprenant rien à tous ces disil leur demanda s'ils n'avoient pas honte de se moquer ainsi de lui? Mais, comme il tardoit trop à leur gré, ils le revêtent eux-mêmes, et lui jettent sur les épaules une robe de pourpre toute brillante d'or; et, après lui avoir fait mille sermens qu'ils parloient avec sincérité, ils le conduisirent au palais. Incontinent la renommée porta cette nouvelle dans toute la ville le plus grand nombre en fut ravi de joie; quelques-uns en murmurèrent, principalement les riches, qui, pleins de mépris pour la bassesse de sa fortune précédente, ne purent s'empêcher d'en marquer leur mécontentement dans la cour du prince. Alexandre commanda qu'on le fit venir; et, après l'avoir long-temps considéré, il lui dit : << Ton air ne dément point ce qu'on dit de ton origine. << Mais je voudrois bien savoir avec quelle patience tu << as porté ta misère? - Plaise aux Dieux, répondit«< il, que je puisse porter cette couronne avec autant << de force! Ces bras ont fourni à tous mes désirs; et, <«< tandis que je n'ai rien eu, rien ne m'a manqué. » Cette réponse fit concevoir au roi une grande opinion

,

:

de

« السابقةمتابعة »