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DIDON.

CHANT TROISIÈME.

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Sous les coups qui l'accablent, Didon tremblante, épouvantée, N'invoque plus que la mort : la lumière du Ciel l'importune. Dans ses sombres desseins d'affreux augures la confirment. Un jour, offrant ses dons aux immortels, la liqueur sainte Sur l'autel s'obscurcit soudain, et son œil glacé d'horreur, Au lieu du vin, ne vit plus qu'un sang infect et dégoûtant. Seule témoin du prodige, Didon cache à tous, à sa sœur même Ses terreurs. Au fond du palais, dans un lieu retiré, Est uu temple de marbre, où souvent elle occupe sa tristesse D'un souvenir chéri. Des toisons éclatantes de blancheur, Des festons de rameaux le tapissent toujours. De cette enceinte, Dans le silence profond des nuits, son oreille croit entendre Sortir des sanglots, une voix gémissante qui lui crie: «C'est ton époux qui t'appelle. » Souvent la chouette désastreuse Traîneau haut des toîts ses chants solitaires et plaintifs.

Dans ce moment mille avis négligés, mille oracles accablaus Viennent soudain frapper ses esprits et redoublent sa terreur. Dans le sommeil ses sens agités lui montrent le perfide, L'ingrat Énée ardent, furieux, qui la poursuit et l'entraîne Sans pitié. Des fantômes nouveaux succèdent : elle est seule Sur des bords lointains, cherchant les siens qui l'abandonnent Au milieu des immenses déserts. C'est ainsi que Panthée Dans son triste délire a vu les Euménides s'acharner Sur ses pas, qu'un double soleil, deux Thèbes se montrèrent Dans un même instant à sa vue égarée. Ou tel encore

Tome IX.

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Aut Agamemnonius scenis agitatus Orestes,
Armatam facibus matrem et serpentibus atris
Quum fugit, ultricesque sedent in limine Diræ.
Ergo ubi concepit furias evicta dolore
Decrevitque mori : tempus secum ipsa modumque
Eligit; et moestam dictis aggressa sororem,
Consilium vultu tegit, ac spem fronte serenat:
«Inveni, germana, viam, gratare sorori,

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Quæ mihi reddat eum, vel eo me solvat amantem >>Oceani finem juxta, Solemque cadentem,

>> Ultimus AEthiopum locus est: ubi maximus Atlas » Axem humero torquet stellis ardentibus aptum. >> Hinc mihi Massylæ gentis monstrata sacerdos,

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Hesperidum templi custos: epulasque draconi

Quæ dabat, et sacros servabat in arbore ramos, Spargens humida mella, soporiferumque papaver.

>> Hæc se carminibus promittit solvere mentes

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Quas velit: ast aliis duras immittere curas,

>> Sistere aquam fluviis, et vertere sidera retro; >>Nocturnosque ciet manes. Mugire videbis

>> Sub pedibus terram, et descendere montibus ornos. >>Testor cara Deos et te, germana, tuumque. » Dulce caput, magicas invitam accingier artes.

»Tu secreta pyram tecto interiore sub auras

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Erige et arma viri, thalamo quæ fixa reliquit

>> Impius, exuviasque omnes, lectumque jugalem >>Quo perii, super imponas. Abolere nefandi

DIDON. CH. III.

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Dans nos jeux l'infortuné fils du superbe Agamemnon
Partout à ses côtés voit sa mère mourante, fuit son spectre
Armé de feux et de noirs serpens, en vain s'échappe, en vain
Court au temple, où l'attend Tysiphone aux marches de l'Autel.

Par sa douleur vaincue, en proie à sa rage, rassemblant
L'Enfer et ses tourmens dans son cœur, déjà la Princesse
S'est résolue à finir ses maux et sa vie : elle a fixé

L'instant, choisi le genre de mort. Pour écarter tout soupçon,
D'un front calme et serein où le plaisir et l'espoir reparoissent,
En ces mots elle dit à sa sœur. « Réjouis-toi : le Destin

» M'ouvre une voie; et je touche peut-être au jour qui me rendra
» L'ingrat que j'aime, ou du moins cette paix que l'amour m'avoit ôtée.
>> Vers ces bords où le char du soleil précipite sa carrière

>> Dans l'Océan, où du vieil Atlas le colosse inébranlable

>> Porte le poids de la voûte étoilée, et sépare de nos plaines » Les confins du pays des Noirs; on trouve ce jardin >>> Fortuné, dont les arbres sacrés se couronnent de fruits d'or: » Un temple est auprès : un énorme dragon veille à l'entrée » Sur ce trésor. Prêtresse du temple, une femme de Massyle » Nourrit ce monstre ; et sait aussi, dit-on, l'endormir à son gré, » Mêlant un miel épais aux tristes pavots. Cette Prêtresse

>> Est ici. Rien ne résiste à son art, qui commande à l'Amour même. >> Par ses charmes puissans les peines cruelles s'adoucissent: >> Dans les cœurs ils versent le calme, ou soulèvent la tempête. » Les torrens à sa voix, les astres retournent en arrière: >> Des tombeaux évoqués les morts apparoissent. Tu verras >> Trembler la terre, et du haut des monts les chênes ébranlés » Rouler à grand bruit. Je jure le Ciel : j'en atteste ma tendresse >> Pour toi : crois que Didon à cet art ne s'abaisse qu'avec peine. >> Dans une cour du palais fais construire un bûcher. Prends soin » D'y placer cette superbe armure et ce glaive éclatant d'or,

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>> Cuncta viri monumenta jubet, monstratque sacerdos. >>
Hæc effata silet: pallor simul occupat ora.
Non tamen Anna novis prætexere funera sacris
Germanam credit: nec tantos mente furores
Concipit; aut graviora timet, quam morte Sichæi.
Ergo jussa parat.

At Regina pyrâ penetrali in sede sub auras
Erectâ ingenti, tædis atque ilice sectâ,
Intenditque locum sertis, et fronde coronat
Funereâ : super exuvias, ensemque relictum,
Effigiemque toro locat, haud ignara futuri.
Stant aræ circum: et erines effusa sacerdos
Tercentum tonat ore Deos, Erebumque, Chaosque,
Tergeminamque Hecaten, tria virginis ora Dianæ.
Sparserat et latices simulatos fontis Averni.
Falcibus et messæ ad Lunam quærentur ahenis
Pubentes herbæ nigri cum lacte veneni.
Quæritur et nascentis equi de fronte revulsus

Et matri præreptus amor.

Ipsa molâ, manibusque piis, altaria juxta,
Unum exuta pedem vinclis, in veste recinctâ,
Testatur moritura Deos, et conscia fati

Sidera: tum,
si quod non æquo fœdere amantes
Curæ numen habet justumque memorque, precatur.
Nox erat, et placidum carpebant fessa soporem
Corpora per terras, sylvæque et sæva quierant
AEquora quum medio volvuntur sidera lapsu :

:

>> Dons de ma main jadis précieux, aujourd'hui délaissés. >> Mets-y tout, armes, habits, jusqu'au lit funeste où j'ai perdu >> Gloire, innocence, repos. Il faut que la flamme anéantisse >> Tous les restes du traître ; et la Prêtresse ainsi me l'ordonne. »

Elle a dit un froid soudain la pénètre, et la pâleur étendue
Sur son front trahit ses terreurs. Tranquille cependant,
Anne ne soupçonne pas que Didon ait prétexté ce mystère
Pour cacher un sacrifice odieux. Ce féroce désespoir,
Ces barbares fureurs, hélas ! sont loin de sa pensée.

Sans rien craindre de plus qu'à la mort de Sichée, elle accomplit
L'ordre funeste. Au fond du Palais l'affreux bûcher déjà
Est dressé sous les yeux de la Reine. Elle-même de ses mains
Entrelaçant de lugubres cyprès, le couronne de festons,
L'orne de fleurs; y place l'épée, et le portrait, et l'armure,'
Sur le lit dans son cœur renfermant son secret. Autour
Sont plusieurs autels formant un cercle, où la Prêtresse
Court hérissée, et l'oeil en feu: sa voix tonne, invoque à grands cris
Les trois cents Déités, le Cahos antique, le Tartare,

Les trois noms de la triple Diane : une eau mystique épanchée
Coule, et figure l'Averne: un philtre magique se compose
Des sucs des végétaux les plus actifs, que récoltèrent
Des faucilles d'airain au clair de la lune : l'on y mêle

Ces tégumens qu'au front du poulain, dès qu'il voit la clarté,
On ravit furtivement à sa mère. En robe retroussée,

Un pied nu, dans ses mains portant un gâteau, la Princesse
Auprès des autels, qu'elle arrose de pleurs et qu'elle embrasse,
Prend à témoin les Dieux, et ce Ciel complice de son sort:
Prête à mourir, s'il reste à l'amour trahi quelque protecteur,
Son cœur attend encor, ses vœux implorent la vengeance.

Dès long-temps la nuit dans les cieux poursuivoit sa carrière:

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