VINGT-SIXIÈME MÉDITATION. LA SEMAINE SAINTE A LA ROCHE-GUYON. Ici viennent mourir les derniers bruits du monde; Nautonniers sans étoile, abordez! c'est le port: Ici l'ame se plonge en une paix profonde, Et cette paix n'est pas la mort. Ici jamais le ciel n'est orageux ni sombre; Un jour égal et pur y repose les yeux : C'est ce vivant soleil, dont le soleil est l'ombre, Qui le répand du haut des cieux. Comme un homme éveillé long-temps avant l'aurore, Cœurs tendres, approchez! ici l'on aime encore; La prière, qui veille en ces saintes demeures, Et, conduisant pour nous le char pieux des heures, L'airain religieux s'éveille avec l'aurore; Dans le creux du rocher, sous une voûte obscure, S'élève un simple autel : roi du ciel, est-ce toi? Oui, contraint par l'amour, le Dieu de la nature Y descend, visible à la foi. Que ma raison se taise, et que mon cœur adore! : Tous ces fronts prosternés, ce feu qui les embrase, Favoris du Seigneur, souffrez qu'à votre exemple, Ainsi qu'un mendiant aux portes du palais, J'adore aussi de loin, sur le seuil de son temple, Le Dieu qui vous donne la paix. Ah! laissez-moi mêler mon hymne à vos louanges! Que mon encens souillé monte avec votre encens. Jadis les fils de l'homme aux saints concerts des Ne mêlaient-ils pas leurs accens? anges Du nombre des vivans chaque aurore m'efface; Je suis rempli de jours, de douleurs, de remords. Sous le portique obscur venez marquer ma place, Ici, près du séjour des morts! Souffrez qu'un étranger veille auprès de leur cendre. Brûlant sur un cercueil comme ces saints flambeaux, La mort m'a tout ravi, la mort doit tout me rendre; J'attends le réveil des tombeaux! Ah! puissé-je près d'eux, au gré de mon envie, Entre l'espérance et la mort! |