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des jongleurs, des histrions, etc.; on convient assez généralement qu'alors la SCIENCE GAYE, l'art des troubadours, les mœurs faciles, commencèrent à se communiquer des cours de la France méridionale, aux cours de la France septentrionale, c'est-à-dire des pays qui sont au midi de la Loire, aux pays qui sont au nord de ce fleuve.

Dans les usages galants de la chevalerie, dans les jeux spirituels des troubadours, on distinguait le talent de soutenir et de défendre des questions délicates et controversées, ordinairement relatives à l'amour; l'ouvrage où les poëtes exerçaient ainsi la finesse et la subtilité de leur esprit, s'appelait TENSON, du latin conTENSIONem, DISPUTE, DÉBAT; on lit dans le comte de Poitiers:

<«< Et si vous me proposez un jeu d'amour, je ne pas assez sot que de ne pas choisir la meil

«<leure question 1. »

Mais ces tensons, nommées aussi jeux-partis, mipartis, auraient été des compositions aussi inutiles que frivoles, si quelque compagnie, si une sorte de tribunal n'avait eu à prononcer sur les opinions des concurrents.

Sans doute ce genre de poésie, très-usité chez les

(1)

E si m partetz un juec d'amor,

No sui tan fatz

No sapcha triar lo melhor.

COMTE DE POITIERS. Ben vuelh.

troubadours, et dont on trouve l'indication dans les ouvrages du plus ancien de ceux qui nous sont connus, n'eût pas prouvé, d'une manière irrécusable, l'existence des tribunaux galants qu'il suppose; mais quand cette existence est démontrée par d'autres documents, on ne peut contester que la circonstance de la composition des tensons n'offre un indice remarquable; j'aurai bientôt occasion de démontrer par plusieurs exemples, que les questions débattues entre les troubadours étaient quelquefois soumises au jugement des dames, des chevaliers et des cours d'amour, dont ces poëtes faisaient choix dans les derniers vers de la tenson.

Ne soyons donc pas surpris de trouver les cours d'amour établies à une époque voisine de celle où le comte de Poitiers parlait ainsi des jeux-partis.

Indépendamment des nombreux arrêts qu'André le chapelain rapporte dans son ouvrage, en nommant les cours qui les ont rendus, il a eu occasion de parler des cours d'amour en général, et il s'est exprimé en termes qui suffiraient pour nous convaincre qu'elles existaient à l'époque où il a écrit.

Il pose la question : << L'un des deux amants « viole-t-il la foi promise, lorsqu'il refuse volontai<< rement de céder à la passion de l'autre?

Et il répond: « Je n'ose décider qu'il ne soit pas permis de se refuser aux plaisirs du siècle; je crain« drais que ma doctrine ne parût trop contraire aux «< commandements de Dieu, et certes il ne serait pas prudent de croire que quelqu'un ne dût obéir à

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« ces commandements, plutôt que de céder aux plaisirs mondains.

<< Mais si la personne qui a opposé le refus «< cède ensuite à un autre attachement, je pense « que, PAR LE JUGEMENT DES DAMES, elle doit être << tenue d'accepter le premier amant, au cas que ce« lui-ci le requière 1. »

Ce seul passage aurait suffi pour prouver en général que les dames rendaient des jugements sur les matières d'amour; mais je m'empresse de rassembler les indications particulières et précises qui ne laisseront plus aucun doute.

Pour justifier les décisions des nombreuses questions examinées dans son ART D'AIMER, André le chapelain cite les cours d'amour,

Des dames de Gascogne,
D'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne,
De la reine Éléonore,

De la comtesse de Champagne,

Et de la comtesse de Flandres.

(1) « Sed consules me forsan : Si unus coamantium, amoris nolens alterius vacare solatiis, alteri se subtraxit amanti, fidem videatur infringere coamanti ; et nullo istud præsumimus ausu narrare ut a seculi non liceat delectationibus abstinere, ne nostrâ videamur doctrinâ ipsius Dei nimium adversari mandatis; nec enim esset credere tutum non debere quemcumque Deo potius quam mundi voluptatibus inservire. Sed si novo post modum se jungat amori, dicimus quod, DOMINARUM JUDICIO, ad prioris coamantis est reducendus amplexus, si prior coamans istud voluerit. »

Fol. go.

Les troubadours, et Nostradamus leur historien, parlent des cours établies en Provence; elles se tenaient à Pierrefeu, à Signe, à Romanin, à Avignon: Nostradamus nomme les dames qui jugeaient dans ces cours.

J'ai déja dit que souvent, à la fin des tensons, les troubadours choisissaient les dames ou les grands qui devaient prononcer sur la contestation.

Je parlerai successivement de ces diverses cours et de ces tribunaux particuliers.

La cour des dames de Gascogne n'est citée qu'une seule fois par André le chapelain, sans qu'il indique par qui elle était présidée; mais, ce qui est plus important, il atteste qu'elle était très-nombreuse.

« La Cour des dames ASSEMBLÉE en Gascogne pro<< nonce avec l'assentiment de TOUTE la cour, etc. 1. » La cour d'Ermengarde, vicomtesse de Narbonne, est nommée cinq fois, à l'occasion de cinq jugements que cette princesse avait prononcés sur des questions traitées ensuite par André le chapelain.

Ermengarde fut vicomtesse de Narbonne en 1143; elle mourut en 1194.

Les auteurs de l'ART DE VÉRIFIER LES DATES ont rapporté la tradition qui nous apprenait que cette princesse avait présidé des cours d'amour; l'histoire atteste qu'elle protégea honorablement les lettres, et qu'elle accueillit particulièrement les troubadours,

(1) << Dominarum ergo curiâ in Vasconiâ congregatâ de totius curiæ voluntatis assensu perpetuâ fuit constitutione firmatum. »

Fol. 97.

parmi lesquels elle accorda une préférence trop intime à Pierre Rogiers; il la célébrait sous le nom mystérieux de TORT N'AVETZ: un commentateur de Pétrarque, en parlant de ce troubadour, paraissait indiquer qu'Ermengarde tenait une cour d'amour '; aujourd'hui il ne sera plus permis d'en douter.

La reine Éléonore, qui présidait une cour d'amour, était Éléonore d'Aquitaine, d'abord épouse de Louis VII, dit LE JEUNE, roi de France, et ensuite de Henri II, roi d'Angleterre.

L'auteur de L'ART D'AIMER cite six arrêts prononcés par cette reine.

Si le mariage du roi Robert avec Constance, fille de Guillaume Ier, vers l'an 1000, avait introduit à la cour de France, les manières agréables, les mœurs polies, les usages galants de la France méridionale, il n'est pas moins certain que le mariage d'Éléonore d'Aquitaine avec Louis VII, en 1137, fut une nouvelle occasion de les propager: petite-fille du célèbre comte de Poitiers, Éléonore d'Aquitaine reçut les hommages des troubadours, les encouragea et les

(1) André Gesualdo s'exprime ainsi, dans son commentaire sur LE TRIOMPHE D'AMOUR de Pétrarque, c. Iv; 1754, in-4° :

« L'altro fu pietro Negeri d'Avernie che essendo canonico di << Chiaramonte, per farsi dicitore et andare per corti, renonzò il ca<< nonicato. Amò M N' Ermengarda valorosa e nobil signora che TENEA << CORTE in Nerbona, e da lei, per lo suo leggiadro dire, fu molto << amato et honorato; ben che al fine fu de la corte di lei licenciato, perchio che si credeva haverne lui ottenuto l'ultima speranza << d'amore. >>

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