صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Mais quoi ! j'entends déja plus d'un fier scolastique
Qui, me voyant ici sur ce ton dogmatique
En vers audacieux traiter ces points sacrés,
Curieux, me demande où j'ai pris mes degrés;
Et si, pour m'éclairer sur ces sombres matières,
Deux cents auteurs extraits m'ont prété leurs lumières.
Non. Mais pour décider que l'homme, qu'un chrétien1
Est obligé d'aimer l'unique auteur du bien,

Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naître,
Qui nous vint par sa mort donner un second être,
Faut-il avoir reçu le bonnet doctoral,

Avoir extrait Gamache, Isambert et du Val2?

Dieu, dans son livre saint, sans chercher d'autre ouvrage,
Ne l'a-t-il pas écrit lui-même à chaque page?
De vains docteurs encore, ô prodige honteux!
Oseront nous en faire un problème douteux!
Viendront traiter d'erreur digne de l'anathème
L'indispensable loi d'aimer Dieu pour lui-même,
Et, par un dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du chrétien rayer la charité!

Saint-Lazare, où il mourut, en 1691. Son principal ouvrage est la Moelle théologique; mais il ne figure ici que comme défenseur des principes que combat l'auteur de l'épître. Il fut également réfuté par l'abbé Boileau, frère de notre poëte.

I

L'hypercritique Clément de Dijon défie de trouver, dans les ouvrages même de la jeunesse de l'auteur, un endroit plus vif, plus animé, et dont le tour soit plus agréable que celui de tout ce morVivent les critiques de profession, pour louer, comme

ceau.

ils censurent, à toute outrance!

2 Trois docteurs de Sorbonne, et professeurs célèbres de théologie.

Si j'allois consulter chez eux le moins sévère, Et lui disois : Un fils doit-il aimer son père? Ah! peut-on en douter? diroit-il brusquement. Et quand je leur demande en ce même moment: L'homme, ouvrage d'un Dieu seul bon et seul aimable, Doit-il aimer ce Dieu, son père véritable 1? Leur plus rigide auteur n'ose le décider, Et craint, en l'affirmant, de se trop hasarder! Je ne m'en puis défendre; il faut que je t'écrive La figure bizarre, et pourtant assez vive, Que je sus l'autre jour employer dans son lieu, Et qui déconcerta ces ennemis de Dieu. Au sujet d'un écrit qu'on nous venoit de lire, Un d'entre eux m'insulta sur ce que j'osai dire Qu'il faut, pour être absous d'un crime confessé, Avoir pour Dieu du moins un amour commencé. Ce dogme, me dit-il, est un pur calvinisme.

O ciel! me voilà donc dans l'erreur, dans le schisme,

'Ce passage rappelle les vers de Voltaire à Louis Racine, après avoir lu son poëme de la Grace :

Cher Racine, j'ai lu dans tes vers didactiques
De ton Jansenius les dogmes fanatiques :
Quelquefois je t'admire, et ne te crois en rien.
Si ton style me plaît, ton Dieu n'est pas le mien.
Tu m'en fais un tyran, je veux qu'il soit mon père :
Ton hommage est forcé; mon culte est volontaire
Mieux que toi de son sang je reconnois le prix :
Tu le sers en esclave, et je l'adore en fils.
Crois moi : n'affecte plus une inutile audace,
Il faut comprendre Dieu, pour comprendre sa grace.
Soumettons nos esprits, présentons-lui nos cœurs;
Et soyons des chrétiens, et non pas des docteurs.

Et partant réprouvé! Mais, poursuivis-je alors,
Quand Dieu viendra juger les vivants et les morts1,
Et des humbles agneaux, objets de sa tendresse,
Séparera des boucs la troupe pécheresse,

A tous il nous dira, sévère ou gracieux,
Ce qui nous fit impurs ou justes à ses yeux.
Selon vous donc, à moi réprouvé, bouc infame,
« Va brûler, dira-t-il, en l'éternelle flamme,
Malheureux qui soutins que l'homme dut m'aimer,
Et qui, sur ce sujet trop prompt à déclamer,
Prétendis qu'il falloit, pour fléchir ma justice,
Que le pécheur, touché de l'horreur de son vice,
De quelque ardeur pour moi sentît les mouvements,
Et gardát le premier de mes commandements! »
Dieu, si je vous en crois, me tiendra ce langage :
Mais à vous, tendre agneau, son plus cher héritage,
Orthodoxe ennemi d'un dogme si blâmé,

« Venez, vous dira-t-il, venez, mon bien-aimé :
Vous qui, dans les détours de vos raisons subtiles
Embarrassant les mots d'un des plus saints Conciles,
Avez délivré l'homme, ô l'utile docteur!

De l'importun fardeau d'aimer son créateur;
Entrez au ciel: venez, comblé de mes louanges,
Du besoin d'aimer Dieu désabuser les anges. "

A de tels mots, si Dieu pouvoit les prononcer,

L'idée de cette prosopopée, très frappante en effet, et le seul morceau de cette trop longue épître, où le poëte se retrouve avec tout son talent, est prise évidemment de ces mots de la X Provinciale: «< Ainsi on rend dignes de jouir de Dieu dans l'éternité, ceux qui n'ont jamais aimé Dieu en toute leur vie! »>

Pour moi je répondrois, je crois, sans l'offenser:

Oh! que pour vous mon cœur moins dur et moins farouche,
Seigneur, n'a-t-il, hélas! parlé comme ma bouche!
Ce seroit ma réponse à ce Dieu fulminant.

Mais vous, de ses douceurs objet fort surprenant,
Je ne sais pas comment, ferme en votre doctrine,
Des ironiques mots de sa bouche divine

Vous pourriez, sans rougeur et sans confusion,
Soutenir l'amertume et la dérision.

L'audace du docteur, par ce discours frappée,
Demeura sans réplique à ma prosopopée.
Il sortit tout-à-coup, et, murmurant tout bas
Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas,
S'en alla chez Binsfeld, ou chez Basile Ponce1,
Sur l'heure à mes raisons chercher une réponse.

I

Deux défenseurs de la fausse attrition. En supposant, avec La Harpe, Boileau inférieur à Horace dans les satires (la neuvième exceptée), il faut convenir qu'il est pour le moins son égal dans les épîtres. Je ne crois pas même, dit-il, que les meilleures du favori de Mécéne puissent soutenir le parallèle avec l'épître à M. de Seignelai sur le vrai, et avec celle qui est adressée à M. de Lamoignon sur les plaisirs de la campagne, mis en opposition avec la vie inquiète et agitée que l'on mène à la ville. Auguste, dans les épîtres d'Horace, n'a jamais été loué avec autant de finesse, ni chanté avec un ton si noble, si élevé, et si poétique, que Louis XIV l'a été dans celles de Despréaux. Enfin, celles d'Horace n'ont pas un seul morceau comparable au passage du Rhin : il Ꭹ a plus de mérite encore dans la louange délicate, que dans la satire ingénieuse ; et notre poëte possède éminemment l'une et l'autre. Tout ce que la prose éloquente de Voltaire a consacré dans le Siècle de Louis XIV, se trouve éloquemment exprimé dans les vers de Boileau. On voit, on admire en lui, non seulement l'homme d'esprit qui veut plaire, le poëte qui sait écrire, mais l'homme judicieux qui

choisit les objets de ses louanges, et ne veut pas être démenti par la postérité. Aussi, ne l'a-t-il point été ; aussi, s'est-elle empressée de confirmer ses éloges comme ses censures : tout ce qu'il a loué est resté l'objet de notre admiration; et tout ce qu'il a blamé, est demeuré frappé d'un éternel mépris. En vain quelques voix, parmi lesquelles on est toujours si surpris et si fâché de distinguer celle de Marmontel, se sont élevées de temps en temps contre ce concert unanime de suffrages et d'applaudissements; en vain ce législateur nouveau s'est particulièrement attaché à déprécier les épîtres de Boileau, dans lesquelles il ne trouve que de la sécheresse, de la stérilité, des plaisanteries parasites, des idées superficielles, des vues courtes, etc., et dont il borne enfin le mérite au choix heureux des termes et des tours (ce qui pourtant est quelque chose dans un écrivain ): la vérité a pour jamais assuré le triomphe de son poëte; et Marmontel a eu besoin de tout le mérite que l'on ne peut lui refuser d'ailleurs, pour ne pas rester accablé sous le mépris dont il se couvroit, en affectant de mépriser Boileau.

FIN DU PREMIER VOLUME.

« السابقةمتابعة »