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vous concevez sans peine qu'elles devaient être plus tardives, plus lentes, plus contestées au sein de l'Italie. En effet, là il y avait d'abord cette antique possession de latin, plus complète que partout ailleurs. La source garde toujours une part de ses eaux. Il y avait de plus la présence continue, l'action toute puissante de l'Église ; c'était son chef-lieu, c'était son camp principal. Nous voyons que le pape Zacharie eut besoin de déclarer valables beaucoup de baptêmes célébrés dans le Nord en ces termes à demi barbares: In nomine de Patria, et Filia, et Spiritua sancta. Mais, en Italie, l'Eglise restait en général aussi correcte dans sa langue, qu'elle était constante dans ses antiques usages.

Voilà ce qui peut expliquer, comment il est si difficile de trouver des traces anciennes de la langue vulgaire en Italie. Elle se forma plus tard que les autres langues issues du latin. Le latin résista plus long-temps en Italie qu'ailleurs. Portez vos souvenirs sur les faits historiques. Quand Charlemagne vint à Rome, le salut, les cérémonies, les acclamations populaires, tout cela fut latin. Vivat Carolus, Augustus, imperator. Il semble que, si des mots en langue vulgaire eussent été prononcés par le peuple,

la chronique les eût annotés, comme elle l'a fait pour le serment de 8/2.

Evidemment, c'était une sorte d'honneur, que l'on accordait toujours aux prêtres de l'Église latine, de leur parler leur langue. Quand vous voyez plus tard le pape Etienne IV yenir à Reims visiter Louis le Débonnaire, les historiens ont soin de dire que les saluts se firent en langue latine. Le latin était toujours la langue vivante de l'Église, et par cela seul il dominait tous les idiômes vulgaires; par là aussi le latin dut être plus inviolable, plus lentement corruptible en Italie, que partout ailleurs. A cet égard il faut que je vous cite le curieux aveu de Muratori. Il ne doute pas qu'il n'ait existé, au ixe siècle, une langue vulgaire. Il en trouve la preuve dans bien des mots épars, et dans cette épitaphe d'un pape :

Usus franciscá, vulgari, et voce latina,
Edocuit populos eloquio triplici.

Mais il ajoute :

«Quelle fut cette langue vulgaire italienne, dans les vie, Ixe et xe siècles? J'avoue que je ne puis en dire mot. Certainement, lorsque, par des motifs d'érudition, je fis beaucoup de voyages, et visitai beaucoup d'archives d'Italie, un de

mes plus ardens désirs était de trouver quelque échantillon de la langue italienne parmi les vieilles chartes. Nous pouvons croire que, depuis le temps de Charlemagne, il ne manquait pas d'évêques et de curés, prêchant au peuple la parole de Dieu. S'ils le faisaient en latin, on se demande comment le peuple les entendait. En outre, si les marchands et d'autres gens ignorant la langue latine avaient à écrire des lettres, et à tenir leurs comptes, peut-on penser qu'ils ne fissent pas usage de cette langue vulgaire, puisqu'ils ne savaient pas la langue latine ? J'avais donc l'espé. rance de découvrir quelque fragment de cette ancienne langue des Italiens; mais, en vain j'y ai mis tous mes soins; en vain, d'autres ont fait probablement la même recherche. J'ai pu seulement publier quelques recettes pour teindre les mosaïques et d'autres secrets de l'art, écrits dans le vir siècle, où, parmi un fort grossier latin, se trouvent quelques mélanges de langue vulgaire, mais non pas encore la langue vulgaire effective. »

(MURATORI, Dissertat. 32.)

Muratori a du moins recueilli beaucoup de parcelles, et, pour ainsi dire, d'indices de cette langue vulgaire, dont il n'a pu découvrir aucun monument. Ce sont des noms de lieux ayant déjà la désinence italienne, des articles, des substantifs modernes, mêlés dans de vieux titres en langue latine. En Italie, comme dans le reste de l'Europe latine, tous les actes se faisaient en latín. Mais vous concevez que le latin du jardinier,

dont j'ai parlé tout-à-l'heure, se retrouvait souvent même sous la plume du notaire.

C'était une confusion incroyable. Ces désinences variées des verbes et des noms étaient oubliées. On rangeait les mots, comme on pouvait, sans égard aux temps et aux cas. Il y a des contrats de vente ou de mariage les plus singuliers du monde : « Cedo tibi de rem paupertatis meæ tàm » pro sponsalia quàm pro largitate tuæ, hoc est » casa cum curte circumaucta, mobile et immobi» le... Cerlo tibibracile valente solidus tantus, etc.» S'entendait-on? Ce latin faisait-il naître des procès ? Je l'ignore. Il n'y avait pas même la même la grammaire de l'ignorance; tout semblait fortuit et sans règle; les mots étaient juxta-posés, au lieu d'être mis en rapport. Voilà l'état où le latin était tombé, aux viro et vir siècles, dans tous les lieux où il était encore parlé officiellement. Je ne dis pas qu'il n'y eût des hommes de race franque ou lombarde qui, ayant étudié le latin dans les auteurs, l'écrivaient avec une sorte de correction. Mais le latin des tribunaux et des greffes, celui qui intervenait dans toutes les transactions civiles, était un assemblage confus de barbarismes et de solécismes, où commençaient à se montrer, comme un soutien pour l'intelligence, quelques procédés et quelques

mots des langues modernes. Ainsi, faute de savoir bien marquer les variétés des cas par celles des désinences, on introduisait des particules, des affixes, qui sont comme les béquilles de la langue : Donabo ad conjux. Donatio de omnia bona. Mercatum de omnes negotiantes. In præsentia de judices.

Ce qui se passait en Italie, chef-lieu de la religion et de la latinité, arrivait également en France, et même plus vite. Si, dès le vôo siècle, en Italie, le commandement militaire était à demi barbare: Non vos turbatis. Ordinem servate: bandum sequite nemo dimittat bandum, et inimicos seque; on peut croire qu'il dégénéra plus promptement encore dans les Gaules. Saint Jérôme avait observé que la langue latine changeait incessamment par les temps et par les lieux. Cette mutation continuelle devait être d'autant plus active, qu'il arrivait un plus grand nombre de Francs, de Bourguignons et de Goths qui s'emparaient de tout.

Cependant, le pape Anastase écrivait à Clovis en latin fort régulier, pour le féliciter de son invasion. La chancellerie de Clovis parlait également assez bon latin. Il avait auprès de lui des Gaulois lettrés et romains, comme Mahomet II eut des secrétaires grecs. Il répondait en

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