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dans toutes les villes de la Gaule méridionale et de l'Espagne. Plus tard, de curieux monumens attestent, dans les assemblées provinciales des Gaules, l'emploi de la langue latine pour rédiger les actes, exposer les plaintes des sujets gaulois, et même quelquefois accuser le préfet romain. C'était en langue latine que se produisait tout l'esprit du pays.

Il est à croire qu'une altération dans cet état des provinces conquises par les Romains ne date de l'invasion de nouvelles races barbares.

que

Qu'arriva-t-il alors? De même que Rome civilisée avait imposé sa langue à tous les peuples qu'elle soumettait par ses armes, les nouveaux conquérans renversèrent-ils la civilisation récente qui venait d'être élevée dans les Gaules, et mirent-ils leurs mœurs et leur langue à la place de celles que les Romains avaient en partie substituées aux usages et à l'ancien idiôme du pays? Non! et c'est là qu'apparaît la force de la civilisation. Un savant célèbre, dans un ouvrage sur les langues ouigour, a ingénieusement établi que, dans la langue d'un peuple. formé par des agrégations diverses, on retrouve la population primitive de chacune des races réunies, en évaluant la quantité de mots et de tours que chacune d'elles avait appor

tés à la masse commune de l'idiôme nouveau.

Mais cette remarque ne peut avoir toute sa justesse qu'autant que les races qui viennent ainsi se réunir, offrent une égalité de civilisation et de force intelligente. Lorsque au contraire c'est le savant, l'ingénieux qui vient soumettre le grossier et l'ignorant, alors l'équilibre dans le contingent que chacun apporte à la formation de la langue nouvelle, est rompu; les lumières l'emportent sur le chiffre numérique des individus; et ceux qui ont le plus d'idées donnent incomparablement le plus de mots.

Certes les Romains, qui avaient conquis et colonisé la Gaule, étaient beaucoup moins nombreux que les Gaulois. Ils n'en firent pas moins adopter leur langue parce qu'ils imposaient, leurs lois et leur religion. Les Francs étaient aussi beaucoup moins nombreux que les Gaulois qu'ils envahirent. Cependant, s'ils avaient été supérieurs par l'intelligence et les arts, surtout s'ils avaient apporté avec eux un culte nouveau, l'ancienne civilisation, l'ancienne langue eût été vaincue par la nouvelle, aidée de la force. Mais comme, au contraire, les Francs n'étaient, relativement aux Gaulois transformés en Romains, que des barbares, ils prirent le pays, sans le transformer, ils reçurent la reli

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gion des évêques gaulois. Ils laissèrent subsister la langue que parlait cette religion. Ils apprirent eux-mêmes les idiômes populaires entés sur cette langue progressivement altérée dans les Gaules, et à la longue, ils se confondirent dans le peuple plus nombreux et plus éclairé qu'ils avaient conquis. L'ancien esprit romain, l'ancienne langue romaine corrompue successivement, prévalurent dans les Gaules sur la langue des conquérans nouveaux.

L'examen de ces faits, Messieurs, entraînera de longs détails, Là se présenteront des questions d'histoire et de philologie qui sont contentieuses, je l'avoue. Lorsque nous aurons admis qu'à dater du vir siècle, trois langues avaient cours dans les Gaules, la langue latine encore officielle et ecclésiastique, une langue vulgaire uniformément altérée du latin, une langue allemande que les vainqueurs avaient apportée avec eux, qu'ils perdirent en partie et qu'ils n'imposèrent pas aux habitans du pays, plus d'une difficulté se présentent.

En admirant et en étudiant les belles recherches d'un homme de lettres célèbre, érudit et poète, M. Raynouard, peut-être lui soumettronsnous quelques doutes sur la généralité de son système; peut-être, en nous appuyant sur l'au

torité d'un savant non moins ingénieux, de M. Schlegel, demanderons-nous s'il est naturel de supposer que, dès le viie siècle, une même langue corrompue du romain avait uniformément soumis à son empire la totalité des deux Gaules, et même s'étendait dans une partie de l'Espagne et de l'Italie supérieure. Nous ne négligerons au reste aucune des réponses et des preuves qu'a données l'auteur à l'appui de ses savantes conjectures. Ajoutons d'ailleurs que, par une chance fort heureuse, sa gloire est à l'abri des contradictions mêmes qu'éprouverait son système. Lorsque l'on révoquerait en doute cette espèce d'universalité qu'il paraît accorder à une langue romane uniforme, sonore, méridionale, et cependant parlée au nord comme au midi, il restera toujours, Messieurs, qu'il a savamment retrouvé, expliqué, analysé les monumens de cette langue qui, la plupart, n'étaient pas publiés; qu'il a, dans la variété de ces monumens, découvert et régularisé les élémens primitifs d'une langue mal connue jusque là, et qui a été sinon le seul, du moins le principal intermédiaire entre la civilisation romaine et la nôtre, et qu'enfin il a retrouvé non-seulement des livres, mais tout un idiôme.

Quoi qu'il en soit, qu'une langue romane

uniforme ait étendu son empire sur un si vasteterritoire, ou que, dès l'origine, deux langues romanes plus ou moins marquées des accens du nord et du midi aient partagé la France, il n'est pas douteux que, vers le viie siècle, cet élément nouveau de civilisation, simple ou double, était né. Ainsi, vous connaissez tous, ou vous avez tous entendu, rappeler le serment de Charles le Chauve traitant avec son frère, roi Teutonique. Le serment est traduit dans la langue vulgaire des deux nations. La langue des Francs naturalisés et dominateurs en France, est, d'après ce serment, déjà fort semblable au roman.

Le serment, au contraire, du roi de Germanie est en langue théotisque, dans la langue qu'avait parlée Charlemagne, mais qui, sous ses successeurs au trône de France, avait cédé à un idiôme nouveau, dégénéré du latin.

Cette langue, nommée roman rustique, était-elle identique dans toutes les Gaules, ou n'offrait-elle pas plutôt des dialectes multiples? n'importe il est certain qu'elle existait au vi siècle, immédiatement issue du latin, et tout-àfait distincte des langues germaniques.

Mais combien de temps s'écoula-t-il, avant que cette langue rustique, grossière, que l'on

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